Redécouvrir Marius d'Avenches, un saint de chez nous

Premier évêque de Lausanne, Marius d’Avenches a changé le destin de la capitale du Pays de Vaud, au 6e siècle. L’Université populaire de Lausanne lui consacre une conférence, jeudi 10 mars 2016, à la salle du Conseil communal. Toutes les places étant prises, l’expert Justin Favrod nous en partage l’essentiel en avant-première.

Marius d’Avenches est aussi connu sous le nom de saint Maire, fêté le 31 décembre par l’Eglise catholique et considéré comme le premier évêque de Lausanne. Alors était-il de Lausanne ou d’Avenches?

Tout d’abord, Saint Marius est bourguignon. Il naît en 530 à Autun, dans l’actuelle région de Bourgogne-Franche-Comté. Nommé évêque en 573, il a participé au premier Concile de Macon en 585 et signe «Marius Aventicæ», situant ainsi son centre d’intérêt à Avenches. Parallèlement, il fonde une église à Payerne en 587.

Peut-on alors le considérer comme premier évêque de Lausanne ?

Nous n’avons pas de preuve formelle. Mais à l’époque de Marius, une église de Lausanne a été dédiée à saint Thyrse, que seule une personne originaire d’Autun comme lui pouvait connaître. Il aurait été inhumé dans cette église, étant donné qu’elle a adopté son patronage. Et cela corrobore bien avec la coutume voulant que l’évêque soit enterré là où il avait siégé. Enfin, une autre trace écrite nous indique qu’en 647, son successeur, Arricus, se présente officiellement comme évêque de Lausanne.

Pourquoi Marius est-il saint?

Du temps de Marius, les évêques étaient tous issus de bonnes familles. Il y avait donc deux catégories d’évêques, ceux qui souhaitaient s’enrichir encore plus et ceux qui étaient honnêtes. Marius faisait certainement partie de la deuxième, si l’on croit ce qui est écrit sur sa pierre tombale: il était riche et pieux, il nourrissait les pauvres, il cultivait la terre de ses propres mains et fabriquait même des vases pour célébrer la messe. Mais il faut savoir qu’avant le 9ème siècle, il n’y avait pas de procès de canonisation et c’était l’opinion publique qui déterminait celui qui devait être saint.

Quelle postérité laisse-t-il pour aujourd’hui?

C’est lui, à mon avis, qui a fait de Lausanne le chef lieu du Pays de Vaud. Je m’explique: l’histoire nous montre que des cités romaines, telles que Bâle, Genève ou Coire, sont devenues des évêchés, puis des capitales de cantons. Pour le plateau helvétique, c’était d’abord Avenches et Vindonissa en Argovie [l’actuel Windisch (AG)] qui étaient favorites. Cette translation de l’évêché vers Lausanne a marqué un authentique continuum pour cette cité. L’ironie de l’histoire veut que, même les Bernois, qui propagent la Réforme dans tout le Pays de Vaud durant le 16e siècle, choisiront aussi la cité de Lausanne comme lieu de formation pour les «pasteurs bernois» de langue française.

Est-ce que le Château Saint-Maire a un lien avec le saint?

Absolument, le Château Saint-Maire, siège du gouvernement vaudois, trône à l’emplacement d’origine de l’église Saint-Thyrse, devenue Saint-Maire par la suite. Il y a aussi l’actuelle paroisse d’Avenches qui est toujours placée sous la protection de Saint-Maire, ainsi qu’une paroisse orthodoxe de l’Eglise serbe basée à Lausanne.

Enfin, un petit clin d’œil nous est offert par le dernier évêque de Lausanne, Sébastien de Montfalcon, qui, juste avant d’être chassé par la Réforme, avait fait frapper une monnaie (photo ci-dessous) à l’effigie de Marius. Le dernier évêque de Lausanne rend ainsi hommage au premier, qui se voit ainsi attesté comme tel.

Justin Favrod a consacré son mémoire de diplôme d’historien à Marius d’Avenches, en traduisant notamment une chronique historique des années 455 à 581, que le saint avait rédigée en latin. Intitulé Marius, fossoyeur d’Avenches et promoteur de Lausanne, ce travail a été publié en 1991 dans les Cahiers d’histoire médiévale. Egalement journaliste, Justin Favrod est le rédacteur en chef de Passé simple, revue mensuelle romande d’histoire et d’archéologie. (cath.ch-apic/gr)