Reconstruire, pardonner et espérer: les trois appels du pape en Irak
Le pape François, qui achève son voyage en Irak le 8 mars 2021, a distillé tout au long de sa visite un message aux communautés chrétiennes de ce pays ravagé par la guerre et les discriminations. Alors que plus d’un million de chrétiens sont partis en l’espace de deux décennies, le successeur de Pierre les a exhortés à avoir le courage de reconstruire et de témoigner.
Dimanche 7 mars, l’émotion était grande dans la cathédrale Al-Tahira de Qaraqosh, la plus grande église d’Irak. Elle était à la mesure des tragédies endurées par ces chrétiens de la plaine de Ninive qui voyaient dans cette visite «une bénédiction», confiait Mgr Petros Mouché, archevêque syriaque catholique de Mossoul et de Qaraqosh. «C’est comme un rêve qui se réalise», a affirmé pour sa part le maire de la plus grande ville chrétienne de la plaine de Ninive.
Cette souffrance et ce traumatisme, le pape François a pu les saisir en entendant notamment le témoignage d’une mère ayant perdu son enfant sous un mortier de Daech, en août 2014. «Que de choses ont été détruites!», s’est désolé le pontife, au milieu de la cathédrale dont la cour avait été transformée en stand de tirs par les islamistes. «Notre rencontre montre que le terrorisme et la mort n’ont jamais le dernier mot», a-t-il assuré.
Relever le défi de la reconstruction et du pardon
À ces chrétiens qui s’exilèrent durant trois ans et retrouvèrent leurs maisons pillées et brûlées, le pape François a apporté par sa présence une consolation et une espérance. «Vous n’êtes pas seuls!», leur a-t-il promis, «l’Église toute entière vous est proche, par la prière et la charité concrète».
Plus encore, il les a appelés à relever deux défis. Celui de la reconstruction, «non seulement les édifices, mais aussi et d’abord les liens qui unissent communautés et familles, jeunes et anciens». Celui du «pardon» ensuite, qu’il estime être la «clé» pour rester dans l’amour et pour demeurer chrétien.
Mais la tâche est difficile. À Qaraqosh, si l’essentiel des maisons a été restauré, des blessures psychologiques subsistent et la méfiance vis-à-vis des musulmans est une réalité. «La route vers une pleine guérison peut-être encore longue», a reconnu le pontife, conscient que le message qu’il vient apporter est «très difficile». «Mais je vous demande, s’il vous plait, de ne pas vous décourager», a-t-il insisté.
Un «vaccin» contre le découragement
Dès son arrivée en Irak, le 5 mars, le pape François avait donné le ton en appelant le clergé irakien à lutter contre toute forme de découragement. Dans ses valises, il apportait un «vaccin efficace» pour s’en prémunir: l’espérance, celle qui «naît de la prière persévérante et de la fidélité quotidienne à notre apostolat».
Le lendemain, lors d’une messe célébrée en la cathédrale chaldéenne de Bagdad, il décrivait les «deux tentations» qu’un chrétien peut éprouver face aux épreuves: la fuite ou bien la colère. Prenant pour exemple la réaction des disciples de Jésus au moment de son arrestation au jardin des Oliviers, le chef de l’Église catholique prévenait: «ni la fuite ni l’épée n’ont résolu quoi que ce soit». Au contraire, il invitait les chrétiens à une «charité longanime», c’est à dire, emprunte de patience et d’espérance.
«Proclamer cette merveilleuse sagesse de la croix»
C’est dans la même veine que le pontife a déroulé son message lors de sa dernière allocution publique en Irak, le 7 mars, avec la messe dominicale célébrée dans un stade du centre-ville d’Erbil, la capitale du Kurdistan irakien. Là, il a exhorté les plus de 10’000 chrétiens rassemblés à suivre la sagesse de Dieu et non pas celle des hommes.
«En Irak, combien de vos frères et sœurs, amis et concitoyens portent les blessures de la guerre et de la violence, des blessures visibles et invisibles», a-t-il souligné, avant d’appeler à résister, avec l’aide de Jésus, «à la tentation de chercher à se venger».
Pour conclure sa dernière homélie d’un voyage qui restera à bien des égards historique, le successeur de Pierre a voulu mettre en avant le travail de l’Église en Irak et en faire un exemple à suivre. «Par la grâce de Dieu, [elle] a fait et est en train de faire beaucoup pour proclamer cette merveilleuse sagesse de la croix, répandant la miséricorde et le pardon du Christ», s’est réjoui le pontife de 84 ans qui achevait alors son marathon pour la paix en Irak. (cath.ch/imedia/hl/gr)