RDC: procédure judiciaire contre le cardinal Ambongo
Une information judiciaire a été ouverte contre le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa (République démocratique du Congo-RDC), rapporte le 28 avril 2024 Radio France international (RFI). Il est reproché au prélat ses critiques publiques contre le gouvernement.
Le procureur général de la République, Firmin M’Vonde, a ordonné l’ouverture d’un dossier judiciaire à l’encontre du cardinal Ambongo au motif qu’il aurait propagé de «faux bruits, une incitation des populations à la révolte et aux attentats contre les vies humaines», relaye RFI. Les propos du cardinal «violentent délibérément les consciences», a asséné Firmin M’Vonde. Le magistrat accuse l’archevêque de «décourager» les militaires congolais qui se battent dans l’est du pays.
Détérioration sécuritaire
L’archevêque de Kinshasa n’a en effet pas hésité à dénoncer la mauvaise gouvernance de Félix Tshisekedi, élu à la présidence de la RDC en janvier 2019. «La justice est la première instance à bafouer les droits de simples citoyens et nous tenons ici des discours comme si nous étions forts. La réalité est que le Congo n’a pas d’armée», avait-il, entre autres, déclaré.
La situation en RDC, notamment dans le Nord-Kivu (nord-est), s’est détériorée depuis quelques temps. Les défaites face aux rebelles de la milice du M23, soutenue par le Rwanda, ont entraîné le repli des troupes régulières et des miliciens wazalendo (alliés de Kinshasa). A Goma, la capitale du Nord-Kivu, les violences se multiplient, rapportait le 15 avril 2024 le journal Le Monde.
Une action «risquée»?
Face à ce qui s’apparente à une attaque politique, l’Eglise catholique en RDC a rapidement réagi en soutien au cardinal. Le Père Jean-Pierre Bodjoko, prêtre jésuite et ancien cadre à Radio Vatican, a, via un tweet du 28 avril, averti que le Procureur Général s’engageait sur un terrain «qu’il ne pourrait maîtriser par la suite».
«Le président Tshisekedi a déjà dit tout haut sur ce qu’il pense de la justice de la République démocratique du Congo. Et nous le savons tous», écrit le prêtre congolais. «Le Procureur général devrait d’abord chercher un bon secrétaire qui lui apprendra à distinguer un Monseigneur d’un Cardinal», souligne le Père Bodjoko, relayé par mediacongo.net. «Qu’il se pèse avant d’affronter un cardinal de l’Église catholique. Plusieurs fronts à la fois est une erreur à ne pas commettre», affirme le jésuite.
Des relations en «dents de scie» avec le pouvoir
Le cardinal Ambongo est un proche du pape François et un prélat influent au Vatican. Il fait notamment partie du C9, un groupe de neuf cardinaux chargés de seconder le pontife dans sa réforme de la Curie.
Les relations entre Felix Tshisékédi et l’Eglise catholique au Congo ont connu des hauts et des bas. L’Eglise avait contesté les chiffres des élections l’ayant mené au pouvoir, fin 2018. Elle avait indiqué que les résultats officiels ne correspondaient pas à ceux qu’elle avait enregistrés grâce à ses observateurs déployés dans le pays. Le gouvernement de Kinshasa et l’influente institution catholique sont pourtant parvenus à collaborer sur certains aspects, tels que le dialogue pour la paix ou le développement social. Mais, depuis quelques années, des responsables ecclésiastiques sont de plus en plus critiques envers le pouvoir sur les questions liées à la démocratie, à la corruption et aux droits humains. (cath.ch/rz)