Ray Krone: renaissance dans le couloir de la mort
Ray Krone a passé trois ans dans le couloir de la mort d’une prison de l’Arizona, avant d’être innocenté et libéré. Dans ce désert de souffrance et de désolation, il a trouvé dans la Bible la force de survivre, et connu une véritable renaissance spirituelle.
«J’ai connu une longue traversée du désert», explique Ray Krone. La douleur des souvenirs se reflète dans les yeux marron de l’Américain lorsqu’il raconte sa vie dans le «Death Row», le couloir de la mort. Cette ombre passagère contraste avec la joie et l’enthousiasme qui se dégage de ce personnage au destin peu commun. Avant de donner une conférence à Genève, à l’invitation de l’ONG Lifespark, qui soutient les condamnés à mort, il est venu raconter son histoire dans les locaux de cath.ch, à Lausanne.
Dans le ventre de la baleine
«Je ne me compare pas à Jésus. Mais j’ai vécu en prison la même situation que lui au désert: seul face à mes doutes, mes peurs, mes interrogations sur la vie, le sens de ce qui m’arrivait». Si Ray Krone se réfère facilement à la Bible, c’est qu’il l’a lue trois fois en entier lors de sa détention. «Elle était devenue mon oreiller». Outre Jésus, d’autres personnages ont réussi à donner un sens à son expérience. Il s’est notamment identifié à Job et à Jonas. Le premier a tout perdu et le second a passé trois jours dans le ventre d’une baleine. «Je ressentais le même sentiment d’abandon, de froid et d’obscurité que dans le ventre d’un animal».
«Ma foi avait été en sommeil»
Suite à sa première condamnation, Ray Krone a passé trois ans dans le couloir de la mort, en isolement. Il n’avait de contact qu’avec ses gardiens. Il n’avait droit qu’à deux visites personnelles et deux appels téléphoniques par mois. Il sortait de sa cellule trois fois par semaine. Pour une promenade de deux heures dans une cour intérieure, chevilles et poignets enchaînés. Ses repas étaient pratiquement toujours froids.
Le réveil de la foi
«Je me suis d’abord révolté contre ce qui m’arrivait. J’avais seulement 35 ans. Je me demandais pourquoi Dieu me faisait subir cela». D’une famille luthérienne d’origine allemande, Ray a été élevé dans la foi et ne l’a jamais perdue. Il s’est cependant éloigné de la pratique religieuse quand il s’est engagé dans l’armée et que tout allait bien dans sa vie.
«J’ai compris qu’un homme ne pouvait pas décider de la mort d’un autre»
Dès son arrestation, pour une accusation de meurtre en 1991, il se raccroche cependant à ses croyances. Les premières semaines d’incarcération, il prie chaque nuit que Dieu le sorte de là. Il se promet de lire tous les soirs un passage de la Bible. «Petit à petit, j’ai commencé à ressentir, après la lecture de la Bible, que j’avais plus de force intérieure». Le livre sacré devient sa principale bouée de sauvetage. «Ce n’était pas une naissance, c’était une renaissance. Ma foi avait été en sommeil un moment, et cette épreuve l’a réveillée. A chaque fois que j’étais dans un moment de désespoir profond, je tombais sur un passage de la Bible qui correspondait à mon état d’esprit. Et cela me redonnait de la force».
Rencontre avec Sœur Prejean
Au-delà de la lecture de la Bible, un événement est déterminant dans le réveil de sa foi: la visite de Sœur Helen Prejean. Cette religieuse catholique est connue pour le soutien qu’elle apporte, depuis de nombreuses années, aux condamnés à mort aux Etats-Unis, ainsi que pour son combat contre la peine capitale. «Ce n’était que quelques mots échangés. Une poignée de main. Mais cela a été une épiphanie, un shot d’adrénaline dans mon système d’espérance», se rappelle Ray Krone.
Derrière les barreaux, ses convictions changent également peu à peu. Il se souvient qu’il était, avant, plutôt favorable à la peine de mort. A travers ses lectures bibliques, il découvre que ce type de châtiment est inconcevable pour un chrétien. «J’ai compris qu’un homme ne pouvait pas décider de la mort d’un autre, que cette décision n’appartenait qu’à Dieu».
Une foi renforcée par l’épreuve
Ray Krone pense que ses 10 ans, 3 mois et 8 jours de détention ne sont pas le fruit du hasard. Il est certain d’avoir été choisi par Dieu pour servir le combat contre la peine de mort.
Une lutte qu’il mène sans relâche. Il parcourt les Etats-Unis et l’Europe pour apporter son témoignage et ses arguments contre ce châtiment selon lui incompatible avec la loi divine. Devenu un éternel optimiste, il considère qu’il verra de son vivant la disparition de la peine capitale dans son pays.
Son nouveau départ est autant social que spirituel. Loin de retourner à son ancien mode de vie, il s’est engagé à ne plus jamais s’éloigner de la prière et de la foi. Une foi infiniment renforcée par son épreuve. «Comme Jonas ou Job, Dieu a testé mes limites. Comme eux j’ai tenu bon dans ma foi et le Seigneur m’a récompensé spirituellement». Il rappelle ainsi qu’il «ne faut pas attendre que tout s’écroule autour de nous pour raviver notre foi». (cath.ch/rz)
«Ils avaient besoin d’un monstre»
Lorsqu’il sourit, Ray Krone dévoile une magnifique rangée de dents blanches. C’est un symbole du «nouveau» Ray. De celui qui est sorti de prison le 8 avril 2002. Avant cela, il avait été pendant dix ans le «tueur aux dents de travers» (the snaggle-tooth killer). La presse l’avait surnommé ainsi après que sa dentition particulière avait prétendument réussi à l’identifier comme le meurtrier d’une serveuse de bar de Phoenix (Arizona), en 1991. Les autorités étaient pressées de trouver un coupable et ne se sont pas données trop de mal pour boucler l’enquête. «Ils avaient besoin de trouver rapidement un monstre, et je faisais l’affaire», souligne l’ancien détenu.
ADN déterminant
L’empreinte dentaire retrouvée sur le corps de la victime, qui selon une seule analyse controversée correspondait à celle de Ray, avait suffi à le faire reconnaître coupable et condamner à mort. Mais son entourage ne s’est pas découragé et a réussi à obtenir, après trois ans de combat judiciaire, un nouveau procès. A son terme, l’ancien employé de l’Armée de l’air américaine a été à nouveau reconnu coupable. Mais cette fois, au vu du doute grandissant sur sa culpabilité, sa peine a été commuée en prison à perpétuité. Un troisième procès, où des analyses ADN ont été réellement prises au sérieux, a mis Ray Krone totalement hors de cause. Le véritable meurtrier a alors été identifié. Il s’agissait d’un violeur multirécidiviste, qui, alors que Ray était en prison, avait agressé une fillette.
Après plus de 10 ans derrière les barreaux, il a été libéré et le coupable a été arrêté. Il est ainsi devenu le 100e condamné à mort innocenté aux Etats-Unis. Il poursuit depuis sa lutte contre la peine de mort, dans un groupe de 35 autres condamnés à mort libérés, mené par Sœur Helen Prejean.
Lifespark
Lifespark est une association sans but lucratif, fondée en 1993 et basée à Bâle. Elle a l’objectif de mettre en place des correspondances avec les condamnés à mort aux Etats-Unis, d’offrir du soutien à ses membres, de faire des donations à d’autres associations et d’organiser des événements. RZ