| © KEYSTONE/Salvatore Di Nolfi)
Suisse

Racisme en Suisse: l’extrémisme de droite se manifeste davantage

La Commission fédérale contre le racisme (CFR) note, dans son rapport annuel 2019 rendu public le 6 août 2020, une augmentation des incidents relevant de l’extrémisme de droite. Pour ce qui est des motifs de discrimination, la xénophobie vient en tête, suivie par le racisme anti-Noirs et l’hostilité à l’égard des personnes musulmanes.

La plupart des incidents racistes en 2019 sont survenus dans l’espace public et sur le lieu de travail, le plus souvent sous la forme d’inégalités de traitement ou d’insultes, relève la CFR. Qui rappelle que le respect de la dignité de la personne humaine est essentiel et que la liberté d’expression trouve sa limite lorsque cette dignité est menacée.

Un problème social qui doit être pris au sérieux

Les enquêtes périodiques conduites par l’Office fédéral de la statistique sur le vivre ensemble le montrent de façon répétée: le racisme constitue, aux yeux de la population suisse, un problème social qui doit être pris au sérieux. «La Suisse n’est pas un pays raciste, mais elle n’est pas épargnée par des actes et des discours qui peuvent l’être», souligne Martine Brunschwig Graf, présidente de la CFR.

Martine Brunschwig Graf, présidente de la Commission fédérale contre le racisme (CFR) ¦ © Jacques Berset

Ainsi, la période de carnaval est devenue l’occasion, pour certaines personnes ou certains groupes de personnes, d’user de symboles de déguisements à forte connotation raciste et antisémite, sous prétexte de pratiquer la satire et l’humour propres à cette fête. «Cela montre que nous devons rester vigilants», constate l’ancienne conseillère nationale libérale-radicale genevoise.

Le racisme est présent en Suisse

En 2016, l’Office fédéral de la statistique a effectué pour la première fois une enquête qui constitue un monitorage systématique des attitudes racistes et discriminatoires en Suisse. Il s’agit d’une enquête bisannuelle, reconduite en 2018 et dont les résultats devraient permettre, sur la durée, de suivre de façon scientifique et systématique l’opinion de la population à l’égard de cette problématique.

Pour la CFR, les résultats représentent un élément utile pour la stratégie à suivre en matière de prévention et de lutte contre le racisme. Premier point important: près de 60 % des personnes interrogées (59 % en 2018) considèrent le racisme comme un problème social important. Le racisme est présent en Suisse, comme dans la plupart des pays. Reconnaître qu’il s’agit d’un problème à résoudre permet de mener des actions de lutte et de prévention auprès d’un public majoritairement sensibilisé au problème. Autre élément intéressant qui ressort des enquêtes successives: les pouvoirs publics – Confédération, cantons et communes – mais aussi l’ensemble des individus-citoyens doivent être principalement les acteurs de la lutte contre le racisme.

Hostilité à l’égard des musulmans

En 2017, la CFR a mis sur pied, en collaboration avec les Universités de Fribourg et de Lucerne, un colloque scientifique consacré à l’hostilité à l’égard des musulmans. Dans le cadre de cette journée a aussi été présentée une étude de l’institut fög de Zurich analysant la présentation et la représentation des musulmans dans les médias.

Cette étude, la seconde sur le sujet, souligne la nécessité d’éviter notamment la généralisation dans la façon de traiter les problématiques liées aux musulmans. En traitant majoritairement des questions porteuses d’aspects négatifs telles que la radicalisation et le port de la burqa, les médias produisent involontairement un effet de distance des citoyens à l’égard de la communauté musulmane.

Médias et lutte contre la discrimination

Il est intéressant de noter que d’autres études de la CFR, l’une sur le traitement médiatique des Roms et des gens du voyage, l’autre sur le racisme anti-Noir, montrent, elles aussi, la nécessité de prendre en compte, dans les médias électroniques et écrits, le fait que des groupes de population exposés à la discrimination se retrouvent bien souvent mis en évidence dans un contexte négatif dans les médias.

Ces derniers doivent pouvoir exercer leur métier en toute liberté. Mais ils doivent aussi se poser la question de savoir dans quelle mesure les différents acteurs des communautés concernées peuvent être appelés à s’exprimer dans les médias dans des circonstances autres que celles qui véhiculent des événements négatifs. Cette question, tout comme celle des bonnes pratiques à valoriser dans les pratiques médiatiques vont continuer à marquer le travail de la commission durant la législature 2020-2023.

Lutte contre le racisme sur les réseaux sociaux  

Les réseaux sociaux sont devenus d’un usage courant et servent de plus en plus de moyen d’information privilégié pour un certain nombre de personnes. De plus, les sites électroniques des médias offrent la possibilité de commenter les articles et images publiés, parfois d’ailleurs de façon anonyme. Ces possibilités offertes à chacun d’exprimer son opinion librement sont précieuses.

Il faut toutefois être conscient que cette liberté comporte aussi une responsabilité pour chacun d’user de ces moyens technologiques dans le respect des dispositions constitutionnelles et légales. La liberté d’opinion et d’expression est garantie par la Constitution. Celle-ci garantit également le respect de la dignité humaine.

Une prétendue majorité silencieuse

Malheureusement, cette seconde exigence n’est pas toujours prise aussi au sérieux que la première. En effet, on observe une tendance, pour certains usagers actifs sur les réseaux sociaux et sur internet, à tenir des propos et diffuser des articles, des vidéos et des images qui relèvent de la discrimination raciale, bien que ceux-ci ne soient pas toujours susceptibles de poursuite pénale.

Certains affirment même, en agissant ainsi, parler au nom d’une prétendue majorité silencieuse. Plus récemment sont apparus les discours complotistes, destinés à stigmatiser tel ou tel groupe de population particulièrement exposé à la discrimination raciale.

Le travail ne fait que commencer

Pour la CFR, il est important de renforcer les actions de sensibilisation à ces phénomènes. C’était l’un des objectifs de la campagne nationale menée par la CFR en 2015, à l’occasion de ses 20 ans d’existence. Cette campagne a montré qu’il était important de poursuivre en sensibilisant particulièrement la jeune génération.

Certains pays, comme l’Allemagne, agissent au niveau de la législation. En Suisse, ce n’est pas la voie choisie pour l’instant. En revanche, cela implique une responsabilisation de tous les acteurs pour lutter contre le phénomène de racisme et de discours de haine sur internet. Le travail ne fait que commencer, relève la CFR. (cath.ch/be)

| © KEYSTONE/Salvatore Di Nolfi)
6 août 2020 | 17:11
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 4  min.
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