Qui sont les 4 cardinaux électeurs portugais?
A la veille du voyage du pape François au Portugal pour les JMJ de Lisbonne, l’agence I-MEDIA revient sur la personnalité des quatre cardinaux-électeurs de ce pays à 80% catholique.
Le pape François a annoncé le 9 juillet dernier que Mgr Alves Aguiar, évêque auxiliaire de Lisbonne, serait créé cardinal le 30 septembre prochain aux côtés de 20 autres prélats. Le petit pays européen, qui ne compte que 10 millions d’habitants, devient ainsi l’un des mieux représentés au monde au sein du collège des cardinaux chargé d’élire le pape.
À noter que le Portugal compte aussi deux cardinaux non-électeurs. Proche du pape Jean Paul II, le cardinal José Saraiva Martins, préfet de la congrégation pour les Causes des saints de 1998 à 2008 et figure historique de l’Université pontificale urbanienne, est aujourd’hui âgé de 91 ans. Le cardinal Manuel Monteiro de Castro est quant à lui âgé de 85 ans. Ancien nonce apostolique puis ›numéro 2’ de la congrégation pour les Évêques en 2009, Benoît XVI lui avait confié en 2012 la charge de pénitencier majeur de l’Église catholique et l’avait créé cardinal dans la foulée.
Américo Aguiar, la surprise du consistoire
Avec l’annonce du cardinalat de Mgr Américo Aguiar, l’archidiocèse de Lisbonne compte deux cardinaux électeurs, une situation singulière dans l’Église aujourd’hui. Le jeune évêque auxiliaire de Lisbonne est à 49 ans le président de la Fondation JMJ Lisbonne 2023, l’entité qui organise la rencontre mondiale des jeunes avec le pape en août. Au Portugal, il est devenu le visage médiatique de ces JMJ.
Tout récemment, son nom est apparu sur les réseaux sociaux et dans la presse pour des propos jugés polémiques tenus lors d’une interview accordée au média portugais RTP sur les préparatifs des JMJ. « Nous ne voulons pas convertir les jeunes au Christ ou à l’Église catholique », a-t-il confié, soulevant l’étonnement de certains catholiques. En fait, dans l’entretien, Mgr Américo Aguiar expliquait que les jeunes de toutes confessions étaient invités aux JMJ, comme c’était d’ailleurs le cas dans les éditions précédentes.

Reconnaissant que cette déclaration, prise de manière isolée, pouvait susciter la « perplexité », il a plus tard expliqué au média américain The Pillar qu’il ne « voyait pas les JMJ comme une occasion de prosélytisme actif » mais que « l’objectif était que chacun, une fois rentré chez lui, se sente appelé à la conversion, […] marqué par l’expérience d’avoir rencontré ces jeunes qui veulent témoigner du Christ vivant ».
Entré au séminaire en 1995, Américo Aguiar avait été auparavant conseiller municipal d’une petite ville de la région de Porto sous l’étiquette du parti socialiste. Ordonné prêtre en 2001 pour le diocèse de Porto, il a ensuite été curé de la cathédrale, vice-recteur du sanctuaire diocésain de Santa Rita, et a été président de la Confrérie des Clercs.
Il a également été vicaire général et responsable du cabinet de l’évêque de Porto de 2004 à 2015. Au niveau de la Conférence épiscopale portugaise, il a été directeur du secrétariat national des communications sociales entre 2016 et 2019.
Le pape François l’a nommé évêque auxiliaire de Lisbonne le 1er mars 2019. L’annonce de son cardinalat en 2023, à la veille des JMJ de Lisbonne, souligne les bonnes relations personnelles que le jeune évêque a pu tisser avec le pontife argentin. Pour l’heure, l’avenir du futur cardinal Américo Aguiar est encore flou. Certains le voient remplacer le cardinal Manuel Clemente à la tête du patriarcat de Lisbonne quand d’autres l’imaginent venir à la Curie romaine.
Manuel Clemente, un patriarche sur le départ
Homme fort de l’épiscopat portugais depuis plus de 10 ans, le cardinal Manuel Clemente fêtera ses 75 ans dimanche prochain et devrait bientôt quitter sa charge d’archevêque de Lisbonne. Né dans la capitale du Portugal en 1948, Manuel Clemente découvre sa vocation à 13 ans, mais ses parents s’y opposent et lui demandent de continuer son parcours scolaire.

Après des études en droit puis en histoire, il finit par répondre à l’appel qui le pousse à devenir prêtre et rentre au séminaire « à une époque où tout le monde en sortait », selon ses propres mots. Il a alors 25 ans. Là, il se démarque de par son excellente connaissance de l’histoire de l’Église et un intérêt profond pour les grands courants de société.
En 1979, il est ordonné prêtre et devient vicaire dans sa banlieue natale de Torres Vedras, intégrant rapidement l’équipe de formation de son ancien séminaire. En 1989, il en devient le vice-recteur, obtenant trois ans plus tard son doctorat en théologie. Il participe à de nombreux travaux et projets de recherche universitaire jusqu’en 2007, même si sa mission pastorale connaît un bond en avant avec sa nomination, en 1999, comme évêque auxiliaire de Lisbonne par le pape Jean Paul II.
En tant qu’évêque, il est apprécié de par sa personnalité joviale et ses grandes qualités de communiquant, apparaissant régulièrement dans les médias non-confessionnels et développant l’utilisation des réseaux sociaux dans l’Église. Il est aussi la cheville ouvrière de son diocèse, derrière son patriarche le cardinal Policarpo, pour l’organisation des Congrès internationaux pour la Nouvelle évangélisation, notamment de celui qui se tient à Lisbonne en 2005.
En 2007, Benoît XVI lui confie le diocèse de Porto, seconde ville du pays. Peu après le conclave de 2013, il est choisi par le pape François pour devenir patriarche de Lisbonne. Après en avoir été le vice-président pendant deux ans, il est élu la même année président de la Conférence épiscopale portugaise, poste qu’il occupera jusqu’en 2020. En 2015, le pape François l’élève à la pourpre cardinalice. En tant que patriarche de Lisbonne, c’est lui qui accueillera le pontife argentin pour les JMJ qui se dérouleront dans son diocèse. Un moment de joie et de fête pour cette Église portugaise marquée par les récentes révélations d’abus sexuels en son sein.
Début 2023, une commission indépendante mandatée par l’Église a en effet rendu son rapport sur les violences commises par des prêtres sur des jeunes enfants depuis 1950. Elle conclut que 4’815 mineurs au moins ont été victimes de violences sexuelles depuis ces années. Un an auparavant, le cardinal Clemente s’était dit prêt à « reconnaître les erreurs du passé » et à « demander pardon » aux victimes. Dressant un rapide bilan de ses dix ans à la tête du diocèse de Lisbonne, il confie à l’issue des célébrations de Pâques 2023 que cette période de vérité sur les abus est la plus difficile de son patriarcat et assure de son soutien les personnes qui ont souffert.
Dans ces années, il s’investit aussi pour encourager la réflexion contre la dépénalisation de l’euthanasie au Portugal. Malgré la mobilisation de l’Église, une loi dépénalisant l’euthanasie et le suicide assisté a été promulguée en mai dernier.
José Tolentino Mendonça, un poète dans l’Église
José Tolentino Mendonça a probablement un des profils les plus originaux du Collège des cardinaux. Nommé préfet du dicastère pour la Culture et l’Éducation en 2022, le jeune cardinal de 57 ans est un intellectuel très apprécié et admiré dans son pays, notamment pour sa grande œuvre poétique et philosophique. Universitaire connu internationalement pour son travail de bibliste, grand lecteur de littérature profane – Herberto Helder, Fernando Pessoa, Etty Hillesum, Flannery O’Connor, Cristina Campo ou encore Pier Paolo Pasolini – il est particulièrement attentif à la pastorale des artistes et au développement d’une culture chrétienne. Il a publié une cinquantaine d’ouvrages, essais littéraires et religieux, pièces de théâtre, dont certains sont traduits dans de nombreuses langues.

Quatrième fils d’une famille de pêcheurs de l’île de Madère, le travail de son père emmène la famille à habiter pendant quelques années en Angola avant qu’elle ne soit obligée de quitter brutalement la colonie portugaise en 1974 à cause des remous révolutionnaires. À Madère, dès ses 11 ans, il rejoint le petit séminaire où il découvre le monde des livres grâce à la bibliothèque de l’établissement. Il explique que l’insularité sera un des éléments décisifs de son éveil littéraire à 16 ans quand il découvre cette dimension dans l’œuvre du grand poète de Madère, Helberto Helder. Il le considère comme un «saint» et son premier maître en poésie.
Ordonné prêtre en 1990, il commence son ministère dans la paroisse Notre-Dame do Livramento à Funchal de 1992 à 1995. Puis il devient aumônier de l’Université catholique du Portugal à Lisbonne, où il enseigne et poursuit dans le même temps sa formation tout en ayant la charge d’une paroisse. En 2004, il obtient son doctorat en théologie biblique à l’UCP de Lisbonne avec une thèse sur les versets mystérieux de l’Évangile selon saint Luc, et il y devient professeur.
Il rencontre Benoît XVI en 2009 à l’occasion d’un rassemblement d’artistes au Vatican. Deux ans plus tard, le pontife allemand décide de le nommer membre du conseil pontifical pour la Culture. En 2016, François renouvelle sa charge pour cinq ans. Preuve de la confiance du pontife argentin envers lui, il prêche en 2018 les exercices spirituels de la Curie pendant le Carême et, dans la foulée, le 26 juin, se voit confier les clés de la précieuse bibliothèque du pape.
Devenu archiviste de l’Archive secrète du Vatican et bibliothécaire de la Bibliothèque apostolique, le Père Mendonça est consacré évêque le 18 juillet 2018. Il est créé cardinal l’année suivante, en 2019. « Saint-Père, que m’avez-vous fait? », aurait-il demandé au pape sud-américain. « Souviens-toi que tu es la poésie », aurait répondu François.
En 2021, l’archiviste entre dans la famille dominicaine, avec laquelle il entretenait d’importantes relations depuis des années, en devenant tertiaire. En septembre 2022, après quatre ans passés à la tête de la bibliothèque apostolique, le pape lui confie la tête d’un nouveau dicastère, créé par la constitution apostolique Praedicate Evangelium, le dicastère pour la Culture et l’Éducation.
Antonio Marto, le cardinal converti à Fatima
Antonio Marto est né à Tronco, un petit village du nord du Portugal. Il grandit dans une famille catholique très pieuse et humble. C’est l’exemple de son curé qui lui donne envie d’être prêtre. Il rejoint le séminaire de Vila Real puis celui de Porto. En 1971, il est ordonné à Rome, où il poursuit ses études en théologie systématique à l’université grégorienne. En 1977, il présente sa thèse sur l’espérance chrétienne et le futur de l’homme dans la doctrine eschatologique du Concile Vatican II. Il retourne ensuite au Portugal, enseignant dès lors à Porto à l’université et au séminaire.
S’imposant comme un théologien de renom, il rejoint l’association européenne des théologiens catholiques, et collabore avec de prestigieuses revues telles que Communio ou Theologica. Pendant ces années, il poursuit également une activité pastorale dans une paroisse de Porto. Il travaille aussi à un catéchisme pour les membres de son diocèse avec l’évêque auxiliaire de l’époque, Mgr Manuel Pelino Domingues.

En 2001, il devient évêque auxiliaire de Braga, puis, trois ans plus tard, est transféré à la tête du diocèse de Viseu. Il participe au synode sur la Nouvelle Évangélisation en 2005. En 2006, le pape Benoît XVI lui confie les rênes du prestigieux diocèse de Leiria-Fatima où se trouve le grand sanctuaire marial de Notre-Dame de Fatima. Ayant des réticences pour ce lieu de piété populaire, il finit par s’attacher à sa nouvelle mission, témoignant de sa « conversion ».
Dans son diocèse, il s’engage pour les vocations, affirmant que la beauté et la joie sont au centre de ces engagements. En 2010, il est en charge du voyage apostolique du pape allemand au Portugal. Sept ans plus tard, il reçoit la visite du pape François dans son diocèse pour le centenaire des apparitions de Fatima et la canonisation de Jacinta et Francisco, les deux bergers (avec qui, par pur hasard, il partage le patronyme) qui ont rapporté leur vision de la Sainte Vierge.
En 2018, le pape François le crée cardinal. Sa nomination surprend, parce qu’il est le premier portugais nommé cardinal depuis plus d’un siècle à ne pas être patriarche de Lisbonne ou membre de la Curie. Le cardinal Marto se présente lui-même comme un « soutien » du pape François dans ses réformes. Il s’engage fortement sur les questions sociales, dénonçant les inégalités grandissantes.
Il est hospitalisé en 2020 pendant sept semaines pour des problèmes de santé qui ne s’avèrent pas être liés à la pandémie mais à une infection au foie. Il voit sa démission acceptée par le pape François en 2022, soit l’année de ses 74 ans. Cet été, le pape argentin retournera dans son diocèse pour prier au sanctuaire marial de Fatima à l’occasion des JMJ de Lisbonne. (cath.ch/imedia/mp)
