Le cardinal Jean-Marc Aveline est archevêque de Marseille depuis 2019 | © Diocèse de Marseille
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Qui est le cardinal Aveline, archevêque de Marseille?

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Ces 22 et 23 septembre 2023, le cardinal Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, reçoit dans sa ville le pape François. Créé cardinal par le pontife argentin en août 2022, il est aujourd’hui son principal relais dans l’Hexagone, et une étoile montante au sein du collège des cardinaux.

Jean-Marc Aveline est né en Algérie française, à Sidi Bel Abbès, en 1958. Sa famille, des pieds-noirs originaires d’Almeria, en Andalousie, s’y est installée à la fin du XIXe siècle. Le prélat marseillais aime à rappeler qu’elle y était «venue fuir la famine et chercher du travail à une époque où les flux migratoires en Méditerranée allaient plutôt du Nord vers le Sud.»

Lui-même ne connaîtra qu’à peine les «plateaux de terre brune au sud d’Oran», où s’enracinèrent les siens pendant près d’un demi-siècle. La guerre d’Algérie et les Accords d’Évian les poussèrent, comme tant d’autres, à prendre la fuite. Il se souvient de la violence de ce temps-là, des «balles perdues» qui brisaient les vitres de leur appartement familial. À quatre ans, il traverse la Mare Nostrum, laissant une «histoire familiale […] avec ses souvenirs heureux et ses cicatrices douloureuses» qui, pour sûr, le marquèrent radicalement.

La «petite chanson» de la prêtrise

Après quelques années passées à Paris, où son père, pourtant ébéniste, trouve un travail dans les chemins de fer, il rejoint Marseille. Là, Jean-Marc Aveline connaît une enfance heureuse dans les quartiers populaires de la cité phocéenne. Il réside dans les Quartiers Nord, à Saint-Barthélémy, dans une cité HLM construite pour les agents de la SNCF. Ses parents sont croyants, son père bénévole au Secours catholique, un exemple qui l’a marqué.

Bon élève, il est admis au Lycée Victor Hugo, où il obtient un bac scientifique en 1975 avant d’intégrer le prestigieux Lycée Thiers en classes préparatoires. Math Sup’, Math Spé, il passe les concours, s’apprête à «cuber», mais lui revient alors une «petite chanson» qui lui trotte dans la tête depuis ses 8-9 ans: devenir prêtre. Au début de l’été, il part en retraite pendant huit jours dans un monastère provençal où il prie en silence, une épreuve pour lui qui est d’un naturel plutôt joyeux. De retour à Marseille, il croise un prêtre qui lui demande à la cantonade quand est-ce qu’il rentre au séminaire. Sans vraiment réfléchir, le jeune homme répond: «En septembre!»

Goût pour le dialogue interreligieux

En septembre 1977, il intègre le séminaire d’Avignon, où il reste jusqu’en 1979. Il rejoint ensuite celui des Carmes à Paris, où il étudie le grec et l’hébreu biblique. En 1984, il est ordonné prêtre pour le diocèse de Marseille, et poursuit pendant deux ans ses études. En 1986, il retourne enfin à Marseille. Professeur au séminaire puis vicaire dans une paroisse du centre-ville, il se voit confier la charge des vocations pour le diocèse en 1991.

En 1992, il crée l’Institut de sciences et de théologie des religions (ISTR), une institution tournée vers les réalités spirituelles de Méditerranée dont il restera le directeur jusqu’en 2002. On lui confie aussi les rênes de l’institution Saint-Jean et un cours à la faculté de théologie de l’Université catholique de Lyon. En 2007, il est choisi par Mgr Georges Pontier, son archevêque, pour devenir vicaire général de l’archidiocèse de Marseille.

Il est à cette période nommé consulteur au Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. «Le dialogue interreligieux n’était pas ma qualification ni mon goût. Mais la vie, souvent, nous éclaire longtemps après sur des cohérences qui nous avaient échappé… Cette expérience a changé ma vie», confiait-il à La Provence en 2019. En 2013, il est nommé par le pape François chez lui, à Marseille, en tant qu’évêque auxiliaire, afin de seconder Mgr Georges Pontier, élu quelques mois auparavant à la présidence de la Conférence des évêques de France (CEF).

Un pont entre la France et le pape François

Six ans plus tard, le pontife argentin lui confie la mission de succéder à Mgr Pontier qui part à la retraite. Vu comme un des évêques les plus «bergogliens» de l’Hexagone, il devient un des ponts privilégiés entre la France et Rome, bien qu’il ne parle pas encore bien l’italien – mais le comprend de mieux en mieux. C’est vers lui que se tournent ses confrères pour tenter de faire venir le pape François à Marseille.

L’évêque à l’accent marseillais chantant reprend le flambeau des rencontres d’évêques de Méditerranée organisées en 2020 puis 2022 par les évêques italiens à Bari puis Florence et accepte de les accueillir dans sa ville en 2023. À la clé: la venue du pontife non seulement pour la session de clôture, mais aussi pour une messe avec les catholiques français au Stade Vélodrome. Entre-temps, sans grande surprise, le pape décide, en 2022, de l’élever à la pourpre cardinalice.

En prenant possession de la paroisse romaine de Santa Maria ai Monti, à Rome, le dimanche 23 avril 2023 – le pape remet symboliquement à chaque nouveau cardinal une église de Rome –, le cardinal Aveline prononce son homélie en italien, montrant ses progrès dans l’apprentissage de la langue. Durant la célébration, l’archevêque de Marseille met en avant les liens qui l’unissent à la ville et à l’Église de Rome, et notamment au pape Jean XXIII.

Un «cardinal en rodage»?

Même s’il se définissait encore il y a peu comme un «cardinal en rodage», Jean-Marc Aveline devient le plus romain des évêques français, étant obligé de venir tous les 15 jours au Vatican où il siège notamment au dicastère pour les Évêques, puissante institution chargée de nommer les évêques dans les pays de chrétienté historique.

À ce titre et en tant qu’archevêque métropolitain de Marseille, il a pu appuyer ses recommandations concernant la gestion du cas de Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon, dans la tourmente depuis la suspension par le Vatican des ordinations prévues en juin 2022 dans son diocèse. Un évêque coadjuteur devrait très prochainement être nommé, un moyen pour sortir de la crise sans humilier l’évêque toulonnais dont le cardinal Aveline reconnaît volontiers le zèle missionnaire. Cet épisode illustre le style de ce pasteur qui recherche l’unité à travers le consensus sur les sujets sensibles.

L’ombre de «l’affaire Ricard»

Sur le dossier des abus dans l’Église, le cardinal français s’est assez peu exprimé dans les médias. En novembre 2022, il doit réagir aux révélations du cardinal Ricard concernant des abus que ce dernier confie avoir commis 35 ans auparavant sur une personne mineure, alors qu’il était prêtre dans le diocèse de Marseille.

«Je partage avec vous le choc que cela peut représenter pour chacun d’entre nous, notamment ceux qui, comme moi, connaissent bien Jean-Pierre Ricard», écrit-il dans un communiqué. «Nous ne sommes ni des procureurs, ni des censeurs: la justice, tant civile que canonique, va suivre son cours», ajoute-t-il. Si le parquet de Marseille a classé sans suite l’affaire pour prescription, Jean-Pierre Ricard, encore officiellement cardinal électeur à ce jour, serait toujours visé par une enquête canonique. Et c’est au cardinal Aveline de suivre son évolution.

Au sein du collège cardinalice, le cardinal Aveline est proche de quelques cardinaux «bergogliens», des pasteurs qui partagent notamment sa pensée sur la Méditerranée, comme les cardinaux Matteo Zuppi (Bologne), Cristobal Lopez Romero (Rabat) et Joan Omella (Barcelone).

Il entretient par ailleurs une relation de confiance avec le futur cardinal français François-Xavier Bustillo, évêque d’Ajaccio, qui recevra la pourpre cardinalice le 30 septembre prochain. Le jeune évêque de Corse a d’ailleurs reçu l’ordination épiscopale des mains de l’archevêque de Marseille.

Marseille, une étape du pèlerinage méditerranéen du pape François

Le pape François et le cardinal Aveline partagent une certaine vision de la mission de l’Église catholique en Méditerranée, entre dialogue apaisé avec l’islam, fraternité et solidarité avec l’autre rive. «Marseille est plus qu’une ville: c’est un message! Un message où la détresse se mêle à l’espérance», a-t-il lancé au président de la République Emmanuel Macron. Il s’exprimait lors de la visite du chef d’Etat dans sa ville en août 2021, à un moment où les projecteurs étaient braqués sur les déboires sécuritaires persistants du port provençal.

«Message»: un terme souvent employé par le pape François – lui-même l’ayant emprunté à Jean Paul II – pour évoquer une autre réalité méditerranéenne: celle du Liban. Ainsi, sans doute le pape François aura été surtout séduit par la dimension méditerranéenne de l’archevêque, et sa défense d’une théologie de la Méditerranée tournée vers l’accueil et l’échange entre les cultures.

Vendredi et samedi, le cardinal Aveline sera aux avant-postes pour guider le pape François dans sa ville de Marseille. Une visite qui placera le natif de Sidi Bel Abbès une nouvelle fois sous les projecteurs, lui dont les gestes et paroles sont désormais scrutés au-delà de l’Église de France. (cath.ch/imedia/cd/hl/rz)

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Le cardinal Jean-Marc Aveline est archevêque de Marseille depuis 2019 | © Diocèse de Marseille
21 septembre 2023 | 14:29
par I.MEDIA

Le Vatican l’avait annoncé. Les 22 et 23 septembre prochains, le pape François ne se rendra pas en France, mais à Marseille. Une visite spécifique dédiée en priorité à la Méditerranée et à l’émigration. Cath.ch vous propose un dossier qui aborde ce voyage sous différemts angles.

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