Quête en faveur de l’Université de Fribourg le 29 novembre 2015
Comme chaque année, la quête du premier dimanche de l’avent est faite dans toutes les églises de Suisse en faveur de l’Université de Fribourg. Les évêques suisses recommandent aux fidèles de soutenir ainsi le 29 novembre 2015 ‘l’Université des catholiques de Suisse’.
Depuis sa fondation en 1889 en tant qu’institution étatique, l’Université de Fribourg est connue comme l’Université des catholiques de Suisse. Elle s’est toujours engagée à lier son enseignement et sa recherche à une vision basée sur l’humanisme chrétien, rappellent les évêques suisses. Selon sa charte, elle s’engage «en faveur d’une société qui respecte les principes éthiques et les exigences de la justice sociale. Elle offre, dans un esprit d’ouverture spirituelle et intellectuelle, la possibilité de réfléchir aux valeurs de l’humanisme chrétien.
Attention aux questions éthiques
Comme dans d’autres universités cantonales, les coûts de l’enseignement et de la recherche sont pris en charge par des subventions de la Confédération, des cantons et surtout du canton de Fribourg, toutefois dans des limites financières très étroites. Le produit de la quête levée dans les paroisses catholiques permet d’élargir l’offre au-delà des programmes obligatoires. Il s’agit notamment de garder vivante, l’attention aux implications éthiques de l’activité scientifique, dans les différents domaines de la recherche et de l’enseignement, et d’inviter les étudiantes et étudiants à se positionner à la source de leur foi sur des questions de société.
Un des nouveaux projets, soutenu grâce à la quête universitaire, s’intéresse aux questions éthiques autour des aînés de notre société. Dans une époque axée sur le profit, les personnes sont souvent jugées uniquement sur leur utilité économique. Un état de fait qui touche surtout les plus âgés. Ils sont marginalisés et souvent mis en situation de faiblesse. L’Université de Fribourg traite cette question sociale importante en proposant une formation continue dans le domaine de l’ «éthique de la vulnérabilité». La quête permet d’organiser des manifestations qui traitent de manière interdisciplinaire le «corps vulnérable», les questions de la maladie et de la fin de vie.
Respect de l’environnement
L’Université de Fribourg propose également un domaine d’études interdisciplinaires et trans-facultaires en sciences de l’environnement. Celui-ci permet de se familiariser avec les principes scientifiques, économiques et éthiques permettant une nouvelle approche de la création de Dieu. Dans l’esprit de l’encyclique Laudato si du pape François, on rappelle aux étudiantes et étudiants que la préservation de l’environnement et de la diversité de la vie sur la terre est la condition indispensable à une évolution durable et responsable de notre société. (cath.ch-apic/com/mp)
Encadré 1:
280’000 francs attribués en 2015
La quête universitaire 2014 a permis d’attribuer 280’000 francs de subventions répartis de la manière suivante :
Pôle de compétences en éthique 200’000 francs
Divers projets de recherche :
Forum des religions 20’000 francs
Publications scientifiques à réflexion éthique pour toutes les facultés 20’000 francs
Bourses à des étudiants de pays émergents 18’000 francs
Accompagnement spirituel des étudiantes et étudiants 10’000 francs
Organisation de la quête 12’000 francs
Encadré 2
Une longue histoire
D’abord prélevée seulement dans le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, sur l’initiative de Mgr Marius Besson, la quête destinée à soutenir financièrement l’Alma Mater friburgensis est institutionnalisée en 1949 dans toutes les paroisses catholiques de Suisse et du Liechtenstein.
L’épiscopat suisse était conscient que «le moment est venu où les charges importantes que représente notre seule Université catholique en peuvent plus être assumées par le seul peuple fribourgeois. Il faut qu’une aide soit apportée au canton de Fribourg si l’on ne veut pas que l’existence et le rayonnement de notre Université soient compromis» (extrait de la Convention passée entre les évêques suisses et le Conseil d’Etat
Le produit de la quête est explicitement destiné à toute l’Université. Il n’est donc pas réservé à la seule faculté de théologie et a contribué à la réalisation de nombreux projets et instituts. Son utilisation est gérée depuis 1999 par la Fondation Pro Universitate Friburgensi, selon le règlement d’attribution des fonds. Si entre les années 1960 et 1990, le produit annuel de la quête dépassait le million de francs, il tourne depuis quelques années autour de 400’000 francs.
Encadre 3
Bernard Schumacher : «Personne n’est jamais de trop !»
Un des projets, soutenu grâce à la quête universitaire, s’intéresse aux questions éthiques autour des aînés de notre société. L’Université de Fribourg traite cette question sociale importante en proposant une formation continue dans le domaine de l’«éthique de la vulnérabilité».
Un colloque sur le «corps vulnérable», a réuni le 2 novembre dernier, des spécialistes de diverses disciplines. Bernard Schumacher, maître d’enseignement et de recherche à l’Institut interdisciplinaire d’éthique et des droits de l’homme en livre quelques éléments pour cath.ch
Cath.ch: Vous critiquez la vision du corps comme une matière à exploiter une ressource modelable selon les désirs du sujet…
Bernard Schumacher : Depuis le XVIIe siècle environ la société est de plus en plus basée sur la notion de performance, d’efficacité et de paraître. Depuis un siècle, l’espérance de vie a progressé de 35%. La maîtrise de la maladie et de l’âge est toujours plus grande. Aujourd’hui, tout le monde veut ‘être bien dans son corps’. Les vieux veulent rester toujours ‘jeunes’. Dans ce contexte, le corps devient le ‘maillon faible’ puisqu’il révèle notre vulnérabilité et notre finitude. On rejette la souffrance, on refuse de voir la mort en face. On retrouve un dualisme entre le corps et le ‘je’ autonome qui ne supporte plus que des choses ne dépendent pas de lui. L’idéologie du trans-humanisme pousse cette notion à l’extrême. Le corps devient obsolète et la pensée technique prétend arriver à l’homme parfait.
Cath.ch: C’est oublier bien vite la dimension morale.
B.S.: Le corps nous révèle que nous sommes fondamentalement des êtres vulnérables du fait de la maladie et de notre mort. Et pour les chrétiens du péché. La grande question morale du mal et du mal radical, qui agite l’homme depuis des millénaires, se situe à cet endroit. La réponse est celle de la non-maîtrise. Il s’agit de se laisser saisir par autre chose, de s’ouvrir au don gratuit qui se retrouve en particulier dans la sexualité et la naissance.
Cath.ch: La réflexion sur le corps vulnérable concerne aussi les rapports de la société avec les personnes âgées ou handicapées.
B.S.: La société occidentale fait beaucoup pour les personnes âgées et les handicapés. Mais la tendance est de les mettre à part, comme entre parenthèses. Si tout se calcule en termes de performances, cette dérive est inévitable. Il faut plutôt se poser la question: ‘ces personnes peuvent-elles encore nous apporter quelque chose ?’ L’être humain est fait par et pour la relation. Le handicap et les maux liés au grand-âge mettent en jeu l’épanouissement de la personne dans sa relation aux autres. Il s’agit alors de tout mettre en œuvre pour permettre à l’individu d’être de qu’il est, une personne avec sa dignité fondamentale.
Cath.ch: Cette question de la dignité humaine suscite aujourd’hui de nombreux débats
B.S.: La représentation de la dignité recouvre deux aspects. Il y a d’abord la dignité que l’on qualifie de conventionnelle. Elle est liée à l’estime de soi, ou regard de l’autre, à l’exercice de la volonté et de la raison. C’est ainsi par exemple qu’une personne élue démocratiquement revêt une certaine dignité.
Mais une personne peut perdre tout cela. Il reste alors la dignité fondamentale, ontologique, qui dépend uniquement du fait d’exister. Penser, dire et faire croire qu’il existerait des vies qui ne sont pas ou plus ‘dignes d’être vécues’ est une sorte de racisme assez terrible. C’est considérer qu’il existe diverses catégories de personnes.
Cath.ch : La vulnérabilité des corps touche aussi le personnel de santé qui y est confronté au quotidien.
B.S.: Le risque est de voir le soignant devenir un simple technicien. Ses gestes, qui doivent être efficaces, sont comptés, comptabilisés pour les assureurs. Face à cette pression, comment le soignant peut-il se réapproprier son rôle de prendre soin, dans le sens d’une présence à l’autre, d’une écoute. Il s’agit de ne jamais défigurer l’autre, de lui faire comprendre qu’il n’est jamais ‘de trop’.