Quels sont les péchés que les «missionnaires de la miséricorde» pardonneront?
Rome, 10 juin 2015 (Apic) le pape François a prévu d’envoyer, le mercredi des Cendres 10 février 2016, au cœur de l’année sainte extraordinaire, des «missionnaires de la miséricorde» dans les diocèses du monde entier. Ces prêtres ou évêques émérites triés sur le volet recevront autorité du pontife pour pardonner, entre autres, les six péchés «réservés au Siège apostolique», selon les propres termes du pape. Si l’avortement ne figure pas dans cette liste, il fera néanmoins partie des péchés graves qui pourront également être remis par ces missionnaires à l’occasion du Jubilé de la miséricorde (8 décembre 2015 – 20 novembre 2016).
Les «missionnaires de la miséricorde», précisait le pape François dans la Bulle d’indiction du Jubilé de la miséricorde publiée le 11 avril dernier, «seront des prêtres à qui j’aurai donné l’autorité pour pardonner aussi les péchés qui sont réservés au Siège Apostolique, afin de rendre explicite l’étendue de leur mandat».
Le péché de l’ordination des femmes
A ce jour, la remise de six péchés suivants est réservée au Siège apostolique: la profanation des espèces consacrées, la violence physique contre la personne du pape, l’absolution du complice contre le 6e commandement – vocation à la chasteté -, la consécration épiscopale sans mandat pontifical, la violation directe du secret de la confession, et l’ordination d’une femme (ou la réception d’un ordre par une femme). Ce dernier a été ajouté à la liste en 2008 à la suite d’ordinations récurrentes de femmes, aux Etats-Unis notamment.
«Dans le droit canon, ces péchés sont qualifiés de délits, explique à l’agence I.MEDIA le Père dominicain Philippe Toxé, docteur en droit canonique et professeur à l’Université pontificale de l’Angelicum à Rome. Ils sont sanctionnés par la censure ecclésiastique automatique de l’excommunication (latae sententiae). Un confesseur non mandaté par le Saint-Siège ne peut donc absoudre cette peine».
Quatre de ces actes concernent en fait directement des prêtres ou des évêques. Pourquoi une sanction si sévère? «Parce qu’ils portent atteinte à l’unité de l’Eglise ou à la dignité des sacrements», indique le spécialiste.
«Au devant des pécheurs»
La peine de l’excommunication interdit l’accès à tous les sacrements, parmi lesquels celui de la réconciliation. Un repenti ne peut donc recevoir le sacrement du pardon, à moins de demander un recours, le plus souvent par courrier et via son confesseur, au Siège apostolique, pour que celui-ci relève la peine. Pour ce faire, il faut toutefois au préalable être baptisé, que le délit soit reconnu comme tel par le confesseur, que l’acte ait été fait de manière délibérée et que le pénitent ait connaissance de l’existence de cette peine d’excommunication.
Dans les faits, s’il y a danger de mort ou s’il est trop dur pour le pénitent d’être privé des sacrements, un prêtre peut donner l’absolution en confession. Mais elle doit obligatoirement s’accompagner d’un recours, dans un délai d’un mois, à la Pénitencerie apostolique – institution compétente dans ce cas -, pour lever l’excommunication.
«Le déplacement de missionnaires de la miséricorde au devant des pénitents inverse la démarche, relève le Père Toxé. C’est généralement le pénitent qui doit se tourner vers Rome et c’est souvent matériellement compliqué. Cette fois, la miséricorde viendra au devant des pécheurs».
En revanche, si le délit a été condamné officiellement au sein de l’Eglise et rendu public, ce qui avait été le cas pour Mgr Marcel Lefebvre en 1988 après l’ordination de quatre évêques sans l’aval de Rome, la relève de l’excommunication dépend du pape en personne.
Avortement et apostasie
En mai dernier, Mgr Salvatore Fisichella, président du Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation et chargé de l’organisation du Jubilé de la miséricorde, précisait à la presse que l’avortement ferait également partie des péchés remis par les missionnaires de la miséricorde.
Si l’avortement est également sanctionné par l’excommunication automatique, son absolution n’est pas pour autant réservée au Siège apostolique. Un chanoine pénitencier, présent dans chaque diocèse, peut notamment absoudre la censure. Un évêque diocésain peut aussi déléguer ses prêtres, tout comme pour absoudre les «délits» d’apostasie et de «divulgation par les médias du secret de la confession» – depuis 1998 -, également frappés de la censure ecclésiastique.
Là encore, les missionnaires de la miséricorde faciliteront la démarche des pénitents. Dans le cas de l’avortement, sont frappés d’excommunication tous ceux qui ont contribué à rendre l’acte possible, le médecin et l’entourage. Quant à la femme concernée, elle subit la peine de l’excommunication automatique seulement si elle a posé l’acte librement et en conscience, et si elle a plus de 18 ans.
«Ces censures sont une forme d’alerte de l’Eglise qui affirme ainsi que l’acte commis est grave, ce dont la société moderne n’a pas forcément conscience aujourd’hui, et met le fidèle en dehors de la communion ecclésiale, analyse le Père Philippe Toxé. Mais l’Eglise donne toujours une possibilité au pénitent d’être pardonné et réintégré». Et le dominicain d’ajouter: «L’excommunication est appelée dans le droit canon ›peine médicinale’: c’est un remède en vue de la conversion intérieure». (apic/imedia/lf/rz)