Québec: Les évêêques refusent de présenter des excuses aux «orphelins de Duplessis»

Indignation des milieux concernés

Vancouver, 23 septembre 1999 (APIC) Les évêques catholiques du Québec ont refusé de présenter des excuses aux milliers d’orphelins qui déclarent avoir été battus et agressés sexuellement dans les institutions psychiatriques gérées par l’Eglise durant les années 1930 – 1950. La décision des évêques a soulevé le mécontentement des milieux concernés par ce scandale. Et l’indignation des enfants abusés.

Dans une déclaration faite au cours d’une conférence de presse faite mi septembre, Mgr Pierre Morissette, président de l’Assemblée des évêques du Québec (30 membres), et évêque de Baie-Comeau a estimé qu’une déclaration d’excuses «constituerait un désaveu du travail historique accompli dans des conditions difficiles par les communautés religieuses. Ce serait trahir l’oeuvre de ceux et celles qui ont consacré leur vie au service des plus démunis».

Par ailleurs, «l’Eglise n’entend verser aucune contribution financère à des individus ou à un fonds destiné à venir en aide aux orphelins de Duplessis. De plus, nous estimons que l’Eglise a déjà donné beaucoup et qu’elle continue de donner généreusement».

Les évêques soutiennent cependant la proposition du gouvernement du Québec visant à payer trois millions de dollars canadiens (deux millions de dollars EU) à titre de compensation aux orphelins. Le Comité des orphelins de Duplessis, qui représente les orphelins, a rejeté cette proposition en la qualifiant d’inadéquate.

Durant les années 1930, 40 et 50, les bébés nés aux Québec de mères célibataires, ainsi que des orphelins et de nombreux enfants de familles pauvres, avaient été confiés à des institutions gérées par l’Eglise par le Premier ministre du gouvernement du Québec, Maurice Duplessis, un catholique, en poste de 1936 à 1939 et de 1944 à 1959. Cet arrangement est connu sous le nom de la Sainte Alliance.

Le Comité des orphelins de Duplessis affirme qu’entre 5’000 et 6’000 enfants ont été placés dans ces institutions et qu’un grand nombre d’entre eux étaient battus, soumis à des électrochocs et à des agressions sexuelles.

Environ 3 000 d’entre eux vivent encore aujourd’hui.

En 1992, les survivants ont déposé 321 plaintes sur le plan pénal contre des religieuses, des frères et des surveillants qui travaillaient dans ces institutions. Les survivants ont évoqué les souffrances physiques et les abus sexuels, les coups, les viols et l’internement. Le ministre de la Justice du Québec a décidé que le gouvernement ne pouvait pas, pour des raisons techniques, engager des poursuites pénales.

En mars de cette année, le Comité des orphelins a organisé une conférence de presse lors de laquelle il a réclamé l’ouverture d’une enquête publique et des excuses du gouvernement et de l’Eglise. Le Dr Jean Gaudreau, psychiatre et professeur à l’Université de Montréal, a déclaré qu’en 1961 il avait fait partie de l’équipe chargée d’examiner les enfants qui étaient considérés comme mentalement malades. Les enfants souffraient de «privations sur les plans culturel et sensoriel», mais «beaucoup avaient des capacités intellectuelles normales», a-t-il constaté.

Dans sa défense de l’Eglise durant la période en question, l’évêque affirme: «Ils (les enfants) furent nombreux à faire l’expérience de la vie en institution dans la première moitié de ce siècle. A cette époque, l’éducation des enfants ne constituait pas une priorité pour la société. Pendant longtemps, ces enfants laissés pour compte ont été recueillis par les communautés de religieux et de religieuses qui, malgré la rareté des ressources, ont consacré toute leur vie à les prendre en charge. Jamais ces communautés n’ont refusé d’héberger et de nourrir qui que ce soit. Jamais elles n’ont refusé d’être attentives aux besoins de ces enfants, peu importe qu’ils leur aient été confiés par l’Etat ou par leur famille, ou encore qu’ils aient tout simplement été abandonnés».

Après le refus des évêques de présenter des excuses, un porte-parole du Comité des orphelins, Carlo Tarini, a déclaré aux journalistes que l’Eglise «semble penser qu’elle est assez forte pour nier des faits (historiques). Il a rappelé que les médecins employés par l’Eglise falsifiaient automatiquement les dossiers médicaux. Des enfants normaux étaient ainsi placés dans des asiles ou on leur infligeait des électrochocs et ou on leur mettait la camisole de force. Carlo Tarini a souligné que ce système «n’était pas décidé par des prêtres de rang inférieur mais que les ordres venaient d’en haut». (apic/eni/pr)

23 septembre 1999 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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