Le pape François a rencontré le Premier ministre canadien Justin Trudeau, le 27 juillet 2022 à Québec | © Nathan Denette/The Canadian Press via AP/Keystone
International

Québec: le pape s’élève contre la «cancel culture»

Le pape François a dénoncé les «colonisations idéologiques» et la «cancel culture» à l’œuvre aujourd’hui, lors de sa rencontre avec les dirigeants politiques du Canada, le 27 juillet 2022, à la Citadelle de Québec. Devant eux, il a renouvelé l’expression de sa «honte» et de sa «douleur» pour le comportement de membres de l’Église envers les autochtones. 

En arrivant à Québec, deuxième étape, après Edmonton (Alberta), de son 37e voyage apostolique, le pape a été reçu à la Citadelle de Québec par la gouverneure générale Mary Simon, d’ascendance inuite. Il a aussi rencontré le Premier ministre Justin Trudeau – qui l’avait accueilli à l’aéroport d’Edmonton le 24 juillet – ainsi que les autorités civiles canadiennes, des représentants des peuples autochtones et le Corps diplomatique du pays.

«Une mode culturelle qui uniformise»

Des siècles après l’arrivée des colons, «la colonisation ne s’arrête pas», a dénoncé le pape François devant les gouvernants canadiens. Ainsi, à la mentalité colonialiste d’autrefois qui «a négligé la vie concrète des personnes en imposant des modèles culturels préétablis», ont succédé les «colonisations idéologiques» qui «étouffent l’attachement naturel aux valeurs des peuples, en essayant d’en déraciner les traditions, l’histoire et les liens religieux».

Une colonisation que le pape a désignée comme une forme de «cancel culture», qui «évalue le passé uniquement sur la base de certaines catégories actuelles». Et le pontife de pointer du doigt «une mode culturelle qui uniformise» et qui se concentre seulement «sur les besoins et les droits des individus».

Dans ce contexte, «les plus pauvres», dont les personnes âgées et les enfants à naître, «dans l’indifférence générale, sont jetés comme des feuilles sèches à brûler», s’est attristé le pape. Il a aussi défendu le «légitime service» de l’Église catholique du pays «en faveur de la vie humaine dans toutes ses phases, de la conception jusqu’à la mort naturelle». Une mention notable dans une société très sécularisée, où l’Église se retrouve souvent en bras de fer avec un gouvernement permissif sur les sujets moraux, notamment l’euthanasie, sur lequel les évêques canadiens ont exprimé leur inquiétude à de nombreuses reprises.

Honte et douleur du pape

Au quatrième jour de ce voyage centré sur la réconciliation avec les peuples autochtones maltraités dans les écoles résidentielles, le pape a condamné «les politiques d’assimilation et de déracinement», qui «ont détruit de nombreuses familles autochtones, en compromettant leur langue, leur culture et leur vision du monde».

Reconnaissant que «diverses institutions catholiques locales» ont été impliquées dans ce système «déplorable», le pape a exprimé sa «honte» et sa «douleur». Il a renouvelé sa demande de pardon «pour le mal commis par de nombreux chrétiens contre les peuples autochtones». «Pour tout cela, je demande pardon», a-t-il ajouté en sortant de son texte préparé.

Dans son allocution précédant les paroles du pape, le Premier ministre Justin Trudeau avait salué «l’impact énorme de ses excuses». Mais «demander pardon n’est pas la fin de l’affaire, c’est un point de départ, un premier pas», avait insisté le chef du gouvernement canadien.

Les enseignements des autochtones

Au fil de son discours, le pape a plaidé à plusieurs reprises pour la promotion des cultures autochtones, de leurs coutumes, leurs langues. Il a encouragé le «multiculturalisme», capable d’embrasser «les différentes composantes» d’un peuple tout en respectant la «diversité» des traditions.

Dans un monde «qui peine à retrouver le goût de la contemplation», il a rendu hommage aux «valeurs salutaires» indigènes qui «peuvent contribuer à guérir les habitudes nuisibles d’exploiter». Le pape a cité en particulier «la protection de la famille», l’attention à l’environnement, et la «socialisation». Autre enseignement de la sagesse autochtone aux politiques: savoir regarder «les sept générations futures, non pas les convenances immédiates, les échéances électorales, le soutien des lobbies».

Dépasser la rhétorique de la peur

Il s’est insurgé que de nombreux indices de pauvreté soient enregistrés parmi les autochtones, doublés d’un «faible taux de scolarisation». «Il est scandaleux que le bien-être généré par le développement économique ne profite pas à tous les secteurs de la société», a lancé le pape, exhortant à «remédier à l’injustice radicale qui pollue notre monde».

Par ailleurs, évoquant «la folie insensée de la guerre», l’évêque de Rome a dénoncé la tentation de se «réarmer jusqu’aux dents». «Il n’est pas nécessaire de se demander comment continuer les guerres, mais comment les arrêter», a-t-il insisté, en recommandant de «soigner les blessures de la haine». Saluant la générosité du Canada dans l’accueil de migrants ukrainiens et afghans, le pape a invité cependant à «dépasser la rhétorique de la peur à l’égard des immigrés».

La rencontre avec les autorités, dans une petite salle de la Citadelle, s’était ouverte par une prière autochtone orientée vers les quatre points cardinaux. L’aîné Raymond Gros-Louis de la Première nation huronne-wendat a offert des plumes au pape en signe de bienvenue. (cath.ch/imedia/ak/rz)

Le pape François a rencontré le Premier ministre canadien Justin Trudeau, le 27 juillet 2022 à Québec | © Nathan Denette/The Canadian Press via AP/Keystone
28 juillet 2022 | 10:51
par I.MEDIA
Temps de lecture : env. 3  min.
Partagez!