Quand les papes font face aux épidémies
En pleine épidémie de coronavirus en Italie, le rhume du pape François et le peu d’informations à disposition sur sa santé peuvent susciter un soupçon d’inquiétude. Si le Saint-Siège considère que l’affection dont souffre le pontife actuellement justifie son activité réduite depuis une semaine désormais, les précédents historiques de Pie VII, Pélage II ou Grégoire XIII montrent que la santé du successeur de Pierre a fait l’objet de niveaux de précautions très fluctuants.
Camille Dalmas, I.Media
En 1804, le pape Pie VII est mandé par le Premier consul de la République française, Napoléon Bonaparte, afin de célébrer son sacre. Il quitte donc Rome et remonte vers Paris où doit avoir lieu le couronnement, éternisé par le peintre Jacques-Louis David. Arrivant à Florence, il rencontre une situation qui peut faire penser à celle connue par l’Italie aujourd’hui: une épidémie ‘exotique’ vient de frapper le nord du pays, et la situation pourrait mettre en péril le voyage du successeur de Pierre.
A Livourne, quelques semaines auparavant, un navire en provenance des Amériques a laissé débarquer dans le port un équipage contaminé par la fièvre jaune. Ce fléau a déjà tué un tiers de la population de Gibraltar et décimé celle de Saint-Domingue. Le port italien va d’ailleurs subir le même sort, et perdre presque la moitié de sa population…
Pie VII, un pape qui ne craignait pas les fléaux
Le pontife accepte alors de ne pas passer par la côte ligurienne et de faire un détour par le nord et Milan, malgré la perte de temps manifeste. Cependant les pouvoirs politiques décident d’établir des «cordons sanitaires» afin d’éviter de laisser la maladie gagner le reste de la région. Ils demandent même au pape de retarder son périple.
C’en est trop pour Pie VII, qui voit en cette interdiction une manœuvre pour l’empêcher d’aller couronner Bonaparte. A un émissaire anglais un peu perfide qui lui demande d’être prudent, il déclare qu’une telle attitude est «indigne d’un pontife»! Exaspéré, il fait fi de toutes les précautions et rejoint la France. L’Histoire lui donna raison: c’est en parfaite santé qu’il célébra le sacre de Napoléon Ier.
Un pape parmi les pestiférés
Son prédécesseur Pélage II (590-601) n’eut pas la même chance. Lui aussi fut la victime d’une épidémie, en provenance d’Egypte cette fois-ci: la peste. La «mort noire», aussi appelée «peste de Justinien», ravage le bassin méditerranéen depuis 541. Ce premier exemple historique de pandémie de peste semble dépasser totalement les standards médicaux de l’époque: de fait, l’épidémie va durer jusqu’en 767. L’historien Grégoire de Tours affirme qu’il s’agit d’une peste bubonique. Et en recoupant les témoignages de l’époque, on peut estimer qu’un tiers de la population touchée par le bacille en a succombé !
La légende raconte que le pape Pélage II, devant le drame de l’épidémie, décida de porter en personne assistance aux pestiférés de Rome. Son altruisme et sa dévotion aux malades, si elles sont avérées, méritent l’admiration. Les sources de l’époque ne sont guère précises sur le déroulement de l’épidémie. Mais le fait est que le pauvre pape, altruiste ou non, mourût lui aussi de la peste.
Le remède miraculeux de Grégoire XIII
Les époques changeant, l’attention portée à la santé du pape par le Saint-Siège a de fait énormément varié, comme le montre le cas de la guérison miraculeuse de Grégoire XIII en 1581. Ce dernier affirme un beau jour avoir un mal «au côté» – probablement une simple indigestion. Pendant des jours, tous ses médecins personnels défilent et tentent de le soigner, sans succès. Il faut dire qu’à l’époque les «mires» et «physiciens» pratiquent souvent des saignées ou encore des lavements très toxiques… et aggravent parfois l’état de santé de leur patient.
Le pape Grégoire XIII va échapper aux mains de ces charlatans grâce à l’arrivée d’un émissaire espagnol en provenance du Pérou. Il est venu avec quelques produits du Nouveau monde, notamment un «simple miraculeux» qui, dit-il, une fois appliquée sur la zone douloureuse, soulage de nombreux maux. L’évêque de Rome s’en fait appliquer, et guérit miraculeusement. Il demande alors à son sauveur le nom du remède. Et ce dernier de lui répondre «Au Pérou, votre Sainteté, ils appellent ça du tabac !»