Einsiedeln: Depuis la chute de Saddam Hussein, près de 80% des chrétiens ont fui l'Irak

Quand les extrémistes tuent un chrétien, ils tuent aussi dix musulmans, témoigne le Père Paulus Sati

Einsiedeln, 13 mai 2013 (Apic) Depuis la chute de Saddam Hussein, lors de l’invasion américaine de 2003, près de 80% des chrétiens ont fui l’Irak. On peut sans aucun doute affirmer que l’Irak vit son «hiver arabe», confie à l’Apic le Père Paulus Sati. Ce jeune religieux rédemptoriste chaldéen, originaire de Mossoul, au nord de l’Irak, était l’orateur invité du traditionnel pèlerinage annuel de la section suisse de l’oeuvre d’entraide catholique internationale «Aide à l’Eglise en Détresse» (AED), qui a eu lieu le 12 mai à l’Abbaye bénédictine d’Einsiedeln, en Suisse centrale.

Saluant les participants dans la grande salle du monastère, Jan Probst, directeur de l’AED en Suisse et au Liechtenstein, a qualifié l’actuel fuite des chrétiens d’Irak, présents en Mésopotamie et en Assyrie depuis les premiers siècles de l’ère chrétienne, de «plus grand exode des dernières décennies».

Près d’un millier de chrétiens, des «martyrs», ont trouvé la mort depuis la chute du régime de Saddam Hussein, et 60 églises ont été la cible des extrémistes, a-t-il rappelé. «Cette région, qui a été l’un des berceaux de la civilisation et du christianisme, est maintenant un lieu où les chrétiens sont menacés, persécutés ou chassés, où ils doivent de cacher derrière de hauts murs de béton, leurs enfants ne peuvent plus jouer dans la rue… «

Des mosquées et des pèlerinages chiites aussi visés par les extrémistes

Le Père Sati, âgé de 35 ans, vient d’être nommé récemment responsable de la communauté chaldéenne à Anvers (Belgique). D’emblée, il tient à préciser: «il ne serait pas honnête de dire que seuls les chrétiens sont persécutés en Irak, car quand les extrémistes tuent un chrétien, ils tuent aussi dix musulmans».

Certes, précise le religieux, les extrémistes ont mené et mènent encore des attaques ciblées contre les chrétiens et leurs institutions, et cela met en danger leur présence. Mais des mosquées ont aussi été attaquées et détruites, et les attentats visant les pèlerins chiites et leurs lieux de prière sont monnaie courante. D’autres minorités religieuses présentes en Irak, comme les yézidis ou les mandéens, ont également été la cible des extrémistes.

Le paysage irakien, composé d’une pluralité de communautés, est menacé

«Le paysage irakien, composé d’une pluralité de communautés, est menacé. Les minorités sont en danger. Les chrétiens n’ont pas de milices armées pour se protéger…», souligne le Père Sati. Et de mentionner l’attaque sanglante, pendant la messe, contre la cathédrale syro-catholique de Sayidat al-Najat (Notre-Dame du Perpétuel Secours) à Bagdad le 31 octobre 2010. Cette action terroriste a coûté la vie à une cinquantaine de fidèles, dont deux jeunes prêtres. Plusieurs femmes et enfants avaient été abattus par les tueurs se réclamant de la mouvance d’Al-Qaïda.

«Comment les terroristes ont-ils pu pénétrer dans la cathédrale alors qu’il y avait tant de soldats et de policiers aux alentours pour garder l’édifice, s’ils n’avaient pas reçu le soutien de complices au sein des forces de sécurité ou de personnes corrompues qu’ils ont pu acheter?», se demande-t-il. A Mossoul, la minorité de catholiques restés dans la ville n’osent pas sortir de chez eux et vivent terrés dans leurs quartiers.

Une longue liste de martyrs

Le Père Sati a rappelé la longue liste des assassinats de religieux à Mossoul, dont celui de Mgr Paulos Faraj Rahho, archevêque chaldéen de Mossoul, du Père Rajhid Ganni, recteur de l’église catholique chaldéenne du Saint-Esprit, abattu avec trois diacres à la sortie de la messe, et celui du prêtre orthodoxe Paulos Amer Iskandar, égorgé par des islamistes.

Les chrétiens formaient au siècle passé près du quart de la population d’Irak, assure le Père Paulus Sati, mais trois millions d’entre eux ont quitté le pays ces 100 dernières années. C’est surtout ces dernières décennies que le mouvement s’est accéléré. «Compte tenu des circonstances, la situation des chrétiens sous Saddam Hussein – un régime dictatorial – était plus ou moins bonne, mais bien meilleure qu’aujourd’hui, dans l’Irak soi-disant libéré», souligne-t-il. Ils vivaient en paix s’ils ne se mêlaient pas de politique. Avec la chute du régime, les chrétiens ont été chassés de Basra et de Mossoul.

«Avant 2003, il n’y avait jamais d’attaques contre les chrétiens, car Saddam ne s’en prenait pas aux gens qui ne le combattaient pas. On pouvait célébrer nos fêtes religieuses en toute liberté. Maintenant, c’est la peur qui règne!» A la fin de son exposé, le Père Sati a montré l’image d’une église désormais vide de fidèles – alors qu’elle était autrefois bondée à chaque messe – et celle de musulmans réinstallant la croix sur la coupole d’une église, qui avait été arrachée par les islamistes. Et de souligner ainsi que la situation des chrétiens d’Irak se situe entre ces deux réalités, celle de l’espérance de la cohabitation islamo-chrétienne et celle montrant la fin inéluctable de cette chrétienté des premiers siècles. (apic/be)

13 mai 2013 | 12:54
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
AED (95), Einsiedeln (97), Irak (322)
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