Procès Martinelli-Radice: le rôle clé du recteur souligné
Le Père Enrico Radice avait donné un statut de «protégé» à Gabriele Martinelli, a déclaré l’évêque de Côme, Mgr Oscar Cantoni au tribunal du Vatican. La justice du petit État l’auditionnait le 25 février 2021 dans le cadre de l’enquête sur les possibles agressions sexuelles commises par le Père Martinelli – alors mineur – sur un autre élève, et sur la dissimulation de ces actes par le Père Radice, recteur du Petit séminaire Saint-Pie X. L’évêque a tenu à défendre le Père Martinelli qui a selon lui changé depuis son adolescence, marquée par une «tendance homosexuelle transitoire».
Après avoir reçu le témoignage de trois anciens élèves et d’un ancien responsable du petit séminaire du Vatican, c’est le prélat ayant autorité sur l’établissement, Mgr Cantoni, évêque de Côme, qui était auditionné à l’occasion de cette sixième audience du procès Martinelli-Radice. Celui-ci prend la suite d’un premier procès, qui s’était tenu en 2012, et n’avait abouti à aucune condamnation. Il avait été rouvert par la justice vaticane en octobre 2020 après l’envoi d’une lettre au pape François par une victime et la diffusion d’une enquête à charge sur une chaîne de télévision italienne.
Tendance homosexuelle «transitoire»
L’évêque de Côme, rapportant l’enquête canonique qu’il a menée, a minimisé la responsabilité du Père Martinelli – qu’il a personnellement ordonné. Il a notamment insisté sur le fait que le garçon n’était pas prêtre à l’époque des faits. Son comportement à l’époque était susceptible, selon lui, de relever d’une «tendance homosexuelle transitoire liée à l’adolescence». En revanche, le prélat a particulièrement mis en avant le rôle du Père Radice, qui aurait donné à Gabrielle Martinelli son impunité en lui assurant un statut de «protégé».
Mgr Cantoni avait ouvert une enquête canonique à la réception de lettres de plainte provenant de deux anciens responsables du séminaire saint Pie X – les Pères Marco Granoli et Ambrogio Marinoni – qui affirmaient avoir été «marginalisés» par le Père Radice. À l’issue de cette enquête en 2018, il avait condamné les Pères Martinelli et Radice à verser 20’000 euros d’indemnisation à la victime. Cependant, des vices de procédure risquent de rendre cette peine canonique non-applicable.
Pas de plainte depuis son ordination diaconale
Néanmoins, l’évêque de Côme a tenu à maintenir toutes les conclusions de l’enquête qu’il avait à l’époque diligenté dans son diocèse. La justice vaticane a par ailleurs salué une investigation «extrêmement documentée», sur laquelle les juges sont revenus pendant toute la séance.
L’évêque a reconnu qu’il existait des signalements rédigés par des prêtres pendant l’adolescence de Martinelli, qui décrivaient une «conduite sexuellement inappropriée» pendant les années 2006-2012. Cependant, insiste-t-il, personne «ne s’est jamais plaint» depuis qu’il est diacre ou prêtre.
Ordonné malgré son passé
L’ordination du Père Martinelli a été effectuée, justifie l’évêque, après la convocation des recteurs du Séminaire Saint Pie X et du Séminaire français, où il est passé avant d’être ordonné. Les deux hommes lui auraient décrit la «maturation» du jeune homme qui l’aurait poussé à accepter l’ordination.
Interrogé sur sa gestion du procès canonique, Mgr Cantoni a affirmé avoir interdit à Martinelli de voir quiconque, sinon ses parents, afin de protéger sa «dignité» dont «la réputation avait été ternie» par la presse.
«Pas apte aux ordres sacrés», selon un témoin
Dans le rapport de 2018, le Père Granoli s’est pour sa part opposé à son ordination, ne le considérant «pas apte aux ordres sacrés», rapporte l’évêque. Le prêtre avait aussi souligné dans son rapport que l’ancien élève polonais qui soutient aujourd’hui le témoignage de la victime présumée était lui aussi inapte, en raison d’une «homosexualité évidente» mais aussi d’une «intolérance aux règles».
Dans le même rapport, le Père Marinori se dit convaincu de la véracité des accusations portées contre le Père Martinelli. Il déclare avoir reçu le témoignage d’un étudiant ayant vu l’accusé entrer dans la chambre d’un élève plus jeune.
Le Père Radice, tout puissant au séminaire
Les Pères Marinori et Granoli ont aussi mis le doigt sur la responsabilité de l’ancien recteur, le Père Radice, a souligné l’évêque lombard. Il avait, selon eux, mis en place une «gestion centralisatrice» et «ne partageait pas» la direction de l’institution. De plus, il aurait «imposé le silence» sur les faits graves dont il était informé «pour protéger l’Opera don Folci», l’œuvre caritative lombarde en charge du financement et de la direction du petit séminaire – dont la responsabilité est aussi mise en cause dans le cadre du procès.
Le Père Marinori avait signalé à l’évêque de Côme que Gabriele Martinelli jouissait d’une «position de supériorité» en tant que «protégé» du Père Radice. Il était «très craint par les étudiants», qui n’étaient plus «libres de se tourner vers leurs supérieurs».
Au cœur du problème, l’absence d’autorité au sein du «Presidium», l’organe de gouvernance du séminaire, a été mise en avant par le prélat italien. Placé au Vatican, mais sous la responsabilité du diocèse de Côme, cette situation ambiguë aurait favorisé la prise de pouvoir du recteur Don Radice, laisse entendre son rapport. L’évêque a aussi insisté sur ce qu’il considère comme la responsabilité de l’association Opera don Folci dans cette affaire.
Le cardinal Comastri encore cité
Le rapport canonique de 2018 soulignait que la victime présumée avait signalé les problèmes au Père Radice et au Père Coletti dès 2013 par courrier. Il a réédité ses accusations en 2017 dans une lettre directement adressée au pape. Cependant la lettre, confiée à Flaminio Ottaviani, n’avait pas été remise parce qu’elle comportait des accusations à l’encontre du cardinal Angelo Comastri, archiprêtre émérite de la basilique Saint-Pierre. Ce dernier se serait à plusieurs reprises dédouané de toute autorité dans cette affaire, souligne encore le rapport.
D’autres témoins attendus après la victime en mars
La séance a mis en avant le rôle du Père Andrea Stabellini, un prêtre italien résidant à Lugano, au Tessin, et proche de nombreux anciens séminaristes. Ce dernier a été le vicaire judiciaire du diocèse de Côme. La défense l’accuse d’avoir divulgué des informations confidentielles alors qu’il menait le procès canonique contre le Père Martinelli. Il devrait prochainement être entendu par le tribunal.
À noter que l’évêque émérite de Côme, Mgr Diego Coletti, devait se présenter mais a été excusé pour raisons médicales. Les prochaines séances se tiendront le 17 et 18 mars 2021, et seront l’occasion d’interroger la victime présumée. Une visite au petit séminaire sera aussi effectuée. Une autre audience est prévue le 14 avril. (cath.ch/imedia/cd/rz)