Procès du séminaire Saint Pie X de Rome: la défense contre-attaque
Le Père Enrico Radice, ancien directeur du petit séminaire Saint Pie X, a répété qu’il n’avait eu aucune information sur de potentiels abus sexuels sous sa garde, et que la victime et le témoin agissaient pour des «raisons économiques». Il s’exprimait lors de la troisième séance du procès l’impliquant avec le Père Gabriele Martinelli dans une affaire d’abus sexuels, le 19 novembre 2020. Le prêtre italien a aussi nié avoir falsifié une lettre pour permettre à Martinelli d’entrer au séminaire de Côme.
La troisième audience du procès sur les abus sexuels commis au sein du petit séminaire Saint Pie X du Vatican a duré deux heures et a principalement consisté en la défense et le témoignage du Père Radice. Le Père Martinelli, en déplacement en Lombardie, n’a pu se rendre à Rome du fait des restrictions sanitaires liées à la Covid-19, mais était représenté par son avocat. Les autres personnes citées au procès étaient présentes, notamment l’avocate du petit séminaire et de l’Opera Don Folci (l’organisation en charge du petit séminaire). Le Père Radice est accusé d’avoir protégé Gabriele Martinelli, lui-même accusé d’abus sexuels.
Victime marginalisée?
La victime supposée et le témoin corroborant sa version ont agit «pour des raisons économiques», a dénoncé le Père Radice, affirmant avoir reçu une proposition d’accord à l’amiable initiée par la victime présumée, preuve selon lui de son intention. Le témoin a pour sa part agit par «vengeance» parce qu’il a «été renvoyé [du séminaire] pour insubordination et parce qu’il n’a pas pris part à la vie communautaire», a affirmé le prêtre italien.
Le prêtre italien a aussi nié que la victime présumée soit venue se plaindre d’abus sexuels, mais affirme qu’elle lui aurait parlé plutôt de «blagues et de plaisanteries» de Martinelli qu’elle n’aurait pas appréciées. Dans son témoignage, le plaignant affirmait pourtant avoir été accueilli «avec agressivité» puis «marginalisé» par le prêtre italien après lui avoir exposé les faits.
«Personne ne m’a jamais parlé d’abus»
Le Père Radice a exposé sa version du contexte: «[La victime supposée] avait une intelligence vive et était très dévouée à ses études. [Le témoin] venait de Pologne, avait une mauvaise connaissance de l’italien, était fermé, distant.» Mais souligne-t-il, avec le temps le plaignant est «devenu pédant, vaniteux. Il avait une prédilection pour le rite de l’ancienne messe et pour cela il s’était associé [au témoin]».
Il a par ailleurs remis en question la probabilité de tout abus sous sa surveillance: «J’étais éveillé jusqu’à 23h-23h30 pour m’assurer que tout le monde allait dans sa chambre. Les murs étaient fins, on entendait tout. Si quelqu’un discutait, je lui disais, après une certaine heure, de se taire. Si je voyais la lumière d’un téléphone portable depuis la fenêtre au-dessus de la porte, je demandais de l’éteindre». Il a réaffirmé avec force: «Personne ne m’a jamais parlé d’abus, ni les élèves, ni les professeurs, ni les parents».
Il a enfin pris la défense de Gabriele Martinelli, qualifié de «solaire, joyeux, en bons termes avec tout le monde». Il a précisé qu’il n’avait jamais eu de responsabilité de préfet au séminaire. Il n’aurait été responsable que de l’organisation du service liturgique sous la responsabilité directe de Radice. «Martinelli était un leader, il avait l’étoffe d’un leader, je l’ai vu grandir, il remplissait bien tous ses devoirs. On lui faisait confiance, mais on ne lui donnait ni pouvoir ni responsabilité ».
Une vraie lettre signée par l’évêque, selon Radice
Aussi accusé de faux et d’usage de faux, le Père Radice s’est exprimé sur la fausse lettre signée par l’évêque de Côme, Mgr Diego Coletti, indiquant que deux séminaristes, dont Martinelli, pouvaient être ordonnés diacres: «À l’époque, j’étais assistant de l’évêque. L’idée est née que les deux séminaristes pourraient venir au séminaire de Côme pour la dernière année. L’évêque m’a dit: mettez tout par écrit. J’ai fait la lettre, il l’a signée. Je n’ai fait aucun faux. Puis la lettre a été annulée par l’évêque, parce qu’il n’a pas envisagé d’y donner suite». La défense a par ailleurs remis au juge Giuseppe Pignatone une copie de cette lettre.
Le Père Radice a par ailleurs déclaré n’avoir pas eu connaissance d’une lettre envoyée par le Père Don Marco Granoli (mort en 2013) qui affirmait que Martinelli ne devait pas devenir prêtre pour «des raisons très sérieuses et vraiment préoccupantes».
À noter qu’au début de l’audience, le juge Pignatone a rejeté une demande de report de l’audience émise par l’avocate du petit séminaire. Celle-ci considérait avoir eu accès au dossier trop tardivement pour en prendre suffisamment connaissance. (cath.ch/imedia/cd/rz)