Prêtre abuseur: le diocèse de Sion dans l’embarras
Un prêtre du diocèse de Sion, accusé d’abus sexuels commis sur des enfants dans les années 1980, attend toujours la réponse de Rome à son recours contre son renvoi de l’état clérical. Cette situation, mise en exergue par le quotidien Le Nouvelliste, met dans l’embarras l’évêché et la Commission diocésaine ASCE, à qui on reproche d’avoir mal géré l’affaire.
Prescrite sur le plan pénal, l’affaire de ce prêtre abuseur est toujours en suspens à Rome. Le prêtre concerné, aujourd’hui retraité, est accusé d’actes d’ordre sexuel sur deux frères en bas âge commis en Valais, au début des années 1980.
Perpétrés il y une trentaine d’années, les faits ont été dénoncés par une plainte il y a quelques années seulement. La justice a alors instruit l’affaire mais les faits étant prescrits, le Ministère public a classé l’affaire en 2021.
Condamné par l’Eglise, il fait recours
De son côté, l’enquête ecclésiastique menée par le diocèse a conclu à une condamnation. Une demande de renvoi de l’état clérical, du prêtre a été alors portée à Rome. Où elle a été acceptée. L’homme a fait un premier recours, mais Rome a confirmé sa décision. Il a déposé ensuite un deuxième recours, invoquant, selon les informations du Nouvelliste, des vices de procédure. A ce jour l’affaire est toujours en suspens à Rome. Lors de la conférence de presse du 13 septembre 2023 à Sion, le diocèse a communiqué sur cette affaire, en indiquant qu’il s’agissait du seul cas actuellement en cours de procédure concernant un prêtre du diocèse.
Absence de communication des mesures conservatoires
Face à ce prêtre présumé abuseur, le diocèse de Sion a choisi, dans un premier temps, de privilégier la discrétion et n’a pas informé officiellement les paroisses et les fidèles sur les mesures conservatoires et les procédures canoniques en cours. En effet, même si le recours est encore pendant, le diocèse avait néanmoins pris des mesures provisionnelles à l’encontre de cet homme. Formellement, il n’a plus le droit de célébrer, de concélébrer ou d’assister à une manifestation ecclésiale, que ce soit une messe, une rencontre caritative ou sociale. Selon l’abbé Vincent Lafargue, cité par Le Nouvelliste, qui était un proche du prêtre accusé, ce dernier n’a pas respecté ces mesures.
Alerté, Mgr Jean-Marie Lovey a d’abord menacé l’ancien curé de diffuser son nom à l’interne de l’Eglise. «Ne voyant aucun changement et pensant aux victimes qui pourraient le voir dans des manifestations, son nom a finalement été confidentiellement donné début juillet 2023 aux prêtres du diocèse», explique au Nouvelliste le vicaire général Pierre-Yves Maillard.
Soit deux ans après le prononcé des mesures restrictives. Trop tard? «Nous en avons beaucoup parlé à l’interne mais sur ce sujet, les directives laissent une marge d’appréciation» note le vicaire général qui souligne également que le diocèse a suivi un avis de droit, et qu’en cas d’acceptation du recours par Rome, l’homme pourrait attaquer l’Eglise pour diffamation ou calomnie.
«Mais je peux tout à fait entendre qu’on aurait dû le faire plus tôt. Je suis en ce sens reconnaissant des reproches qui nous sont faits. Nous devons davantage intégrer dans nos réflexions, non seulement les victimes directes, mais aussi toutes celles qui sont indirectement touchées par l’affaire, et qui pourraient être heurtée en croisant cet homme.»
L’évêque décide d’ouvrir une enquête
«Dans la même édition du Nouvelliste du 22 septembre, l’abbé Vincent Lafargue met plus largement en cause la gestion de cette affaire par la Commission diocésaine du temps où elle était dirigé par le vicaire général Richard Lehner», a expliqué à cath.ch l’abbé Pierre-Yves Maillard. Sur la base de cette allégation et d’autres semblables, l’évêque Mgr Jean-Marie Lovey a annoncé le 21 septembre vouloir diligenter une enquête à ce sujet. «Le droit canonique nous demande qu’une telle enquête soit menée par un prêtre. A des fins de crédibilité, celui-ci sera toutefois totalement indépendant du diocèse de Sion», conclut l’évêque. (cath.ch/nv/mp)