Pourquoi la Ligue suisse des femmes catholiques (SKF) veut enlever le 'K’?
La Ligue suisse des femmes catholiques (Schweizerischer Katholischer Frauenbund -SKF) envisage de se défaire du terme «catholique» dans sa dénomination. Deux responsables de l’association alémanique présentent les enjeux de la question.
Regula Pfeifer, kath.ch/ traduction et adaptation: Raphaël Zbinden
A l’occasion de leur assemblée générale, le 23 mai 2025 à Viège (VS), les déléguées de la SKF doivent décider du changement de nom de la Ligue. Manuela Winteler, responsable de la Frauengemeinschaft Bazenheid (SG), et Vroni Peterhans, ancienne présidente de la SKF, expliquent pourquoi elles sont favorables à cette évolution.
Avec 100’000 membres, la SKF est la plus grande association faîtière confessionnelle de femmes en Suisse. L’organisation plus que centenaire compte 17 associations cantonales et 540 associations locales, présentes uniquement en Suisse alémanique.
Quelle est votre position sur la suppression du ‘K’?
Manuela Winteler: L’association faîtière au niveau suisse s’engage pour une Église juste et un changement structurel global dans la perspective d’une coexistence chrétienne. Le mot «catholique» vient du grec, qui signifie ‘englobant’, ‘total’, ‘universel’. Cela renvoie au fait que l’Église a été envoyée par Jésus-Christ auprès de tous les hommes; pas seulement les membres de la confession catholique romaine, mais à tous ceux qui suivent la voie chrétienne et y croient.
Les scandales d’abus et le cléricalisme ont entraîné une forte perte de crédibilité de l’Église catholique. Pour sauver le ‘catholique’ dans son sens originel, ainsi que les objectifs et les valeurs de l’association, le terme doit disparaître de son nom.
Vroni Peterhans: Plutôt que de dire que je suis ‘pour’ cette suppression, je dirais que je ne suis ‘pas contre’. Il y a un regret dans le fait que nous, les femmes catholiques, n’ayons pas réussi à représenter l’image de ce «catholique» selon nos valeurs et à marquer le regard extérieur de manière plus positive, bien que nous y ayons travaillé depuis les débuts de l’association.
Quelles opportunités voyez-vous dans cette évolution?
Manuela Winteler: La mauvaise connotation dont le ‘K’ a été chargé ces dernières années rend difficile toute avancée positive. Pour vivre et faire vivre l’Église, il faut qu’il y ait du changement. Le changement de nom est un pas important vers l’avenir.
Une telle ouverture rend possible, encourage et soutient l’engagement de toutes les femmes ayant les mêmes objectifs. Les inhibitions tombent, une collaboration ouverte devient réalisable. C’est ce dont notre Église a urgemment besoin, de se serrer les coudes et de tirer à la même corde, au-delà des frontières confessionnelles. C’est ainsi que nous rendrons justice au terme ‘catholique’.
Vroni Peterhans: Pour des raisons purement pratiques, les noms courts sont plus faciles à retenir. D’autres organisations catholiques existent depuis bien plus longtemps sans dénomination confessionnelle dans leur nom. Une grande partie des associations locales de l’Union des femmes n’ont plus de ‘K’ depuis longtemps. L’association faîtière entend ainsi se rapprocher de ce qui se pratique globalement.
Ne craignez-vous pas de perdre votre identité et votre profil?
Manuela Winteler: Au contraire. Que peut donc apporter un profilage qui va dans la mauvaise direction? Toujours plus de départs, toujours plus de critiques – et cela à juste titre. L’image de l’institution catholique classique a été fortement endommagée. Il s’agit maintenant de la restaurer. Si le clergé n’y parvient pas, c’est à nous, les femmes, de le faire. Les temps ont changé depuis que le pape Pie IX a imposé en 1870 les dogmes de l’infaillibilité pontificale en matière de doctrine et de sa juridiction universelle. Il est temps de trouver une nouvelle identité et un nouveau profil, il est temps d’avancer avec assurance vers l’avenir et de renouveler le vernis qui s’est effrité. Le changement de nom de l’association faîtière est un grand pas en avant. Il donne un signal favorable – qui dit: continuons comme ça!
Vroni Peterhans: Les Églises ne deviennent pas éclairantes grâce leur nom, mais grâce à la cohérence de leurs actions et de leurs valeurs avec l’enseignement chrétien, donc par leur témoignage dans la société actuelle. Cela vaut aussi pour la Ligue. «Vous les reconnaîtrez à leurs fruits» (Mt 7), dit l’évangile de Matthieu. La récolte de fruits de la Ligue, y compris dans le domaine de la foi, est tangible et continuera à être un soutien important dans l’Église catholique. (cath.ch/rp/kath/rz)