Le premier ministre israélien reçoit le président Trump en 2017 à Yad Vashem | © Keystone/epa/Debbie Hill
International

Pour Netanyahou, l'Autorité palestinienne est responsable de l'exil des chrétiens

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a provoqué une vive polémique en affirmant, lors d’un récent congrès de journalistes réuni à Jérusalem, que l’Autorité palestinienne était responsable de l’exil des chrétiens de Bethléem. Le maire de la cité lui a demandé de ne plus instrumentaliser les chrétiens pour masquer l’occupation. Cet épisode exprime aussi le lien ambigu d’Israël avec les milieux évangéliques américains.

Le Premier ministre israélien s’exprimait devant les 180 participants au «Christian media Summit» organisé du 14 au 18 octobre 2018, à Jérusalem, par les milieux évangéliques américains. «Nous n’avons pas de meilleurs amis dans le monde que nos amis chrétiens et je profite de cette occasion pour vous remercier de votre soutien indéfectible», a déclaré en préambule Benjamin Netanyahou. «Vous n’êtes pas seulement les plus grands ambassadeurs d’Israël dans le monde, vous êtes les champions de la vérité. S’il y a une chose que je peux vous demander, c’est de dire la vérité sur notre histoire. Dire la vérité sur notre présent. Dire la vérité sur ceux qui veulent la paix et ceux qui ne la veulent pas», a-t-il poursuivi. Avant de se lancer dans une diatribe contre l’Autorité palestinienne.

Chrétiens sous pression

Le Premier ministre a en particulier affirmé que lorsque Israël avait cédé le contrôle de Bethléem à l’Autorité palestinienne, en 1995, les chrétiens représentaient 80% de la population alors que désormais ils ne sont plus que 20% environ. Selon lui, cette diminution de la proportion des chrétiens a eu lieu «parce que, dans les zones soumises à l’Autorité palestinienne, comme dans le reste du Proche-Orient, les chrétiens sont mis sous pression et persécutés».

«Israël est le seul pays qui protège les droits de l’homme de tous, a insisté Netanyhaou. Nous protégeons les droits religieux de tous. Nous ne protégeons pas seulement les sites religieux chrétiens, nous protégeons les chrétiens. Les chrétiens devraient jouir de toute la liberté de culte comme bon leur semble au Moyen-Orient et partout ailleurs, et le seul endroit au Moyen-Orient où ils peuvent le faire est Israël.» Selon son Premier ministre, Israël «est le seul pays du Proche-Orient dans lequel la communauté chrétienne prospère et grandit».

Ne pas masquer l’occupation

Les déclarations de Netanyahou ont provoqué une vive réaction des représentants politiques palestiniens. Le maire de Bethléem, Anton Salman, lui a demandé de ne pas intrumentaliser les chrétiens pour masquer l’occupation, rapporte l’agence missionnaire vaticane Fides. «Si B.Netanyahou était si préoccupé par la condition des chrétiens palestiniens, en particulier dans la zone de Bethléem, il pourrait commencer par leur restituer les 2’200 dunums (220ha) de terres illégalement annexés par Israël suite à l’expansion des colonies.»

Bethléem, les champs d’oliviers séparés par le mur (photo Maurice Page 2014)

Pour le maire de Bethléem, la première cause de la baisse du nombre des chrétiens en Palestine reste la ‘Nakba’ de 1948 avec l’exode de 700’000 Palestiniens des territoires occupés par Israël. Cet exil se poursuit aujourd’hui à cause des plans coloniaux et des politiques mises en place depuis l’occupation de la Cisjordanie par Israël en 1967.

Le ministre des Affaires étrangères palestinien a accusé Netanyahou de vouloir détourner l’opinion publique internationale des violations perpétrées par les autorités d’occupation israéliennes au détriment des Palestiniens. En particulier des confiscations illégales de terres à leurs légitimes propriétaires pour favoriser les plans d’expansion de colonies israéliennes.

Soutien indéfectible des évangéliques américains

Cet épisode illustre aussi le soutien indéfectible à Israël de certains milieux évangéliques, notamment américains. Ces groupes considèrent, dans une vision messianique, que le retour de tous les juifs sur la terre d’Israël préfigure le retour de Jésus-Christ et l’établissement du royaume de Dieu. Dans cette perspective, ils soutiennent la colonisation israélienne dans les territoires occupés qu’ils désignent d’ailleurs sous le nom biblique de «Judée-Samarie».

Cet appui remonte aux années 1970, lorsque le protestantisme évangélique a gagné de l’influence politique aux Etats-Unis. Avec la collaboration de l’Agence juive, nombre d’organisations chrétiennes ont alors commencé à soutenir l’immigration juive vers Israël provenant notamment de l’Union soviétique. Leur aide se mesure aujourd’hui en centaines de millions de dollars par an.

Une dette envers les juifs

Ce soutien évangélique n’a pas toujours reçu un accueil favorable des juifs d’Israël. Les orthodoxes continuent de le refuser, par crainte de prosélytisme. Certaines organisations ne cachent par leur désir de la conversion des juifs, mais la plupart ne le mentionnent pas, argumentant plutôt sur la dette que monde aurait envers les juifs à cause des longues persécutions qui ont culminé dans la «Shoah».

Religieux et financier, le soutien évangélique à Israël a pris un caractère toujours plus politique. Le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem en 2017 a été vu comme un victoire des évangéliques qui constituent l’un des principaux piliers électoraux du président Trump. De son côté, le gouvernement israélien de Benjamin Netanyahou ne manque pas une occasion de courtiser ce public chrétien conservateur, comme l’a montré son récent discours. Il répond aussi ainsi à la frange la plus nationaliste de la société israélienne. (cath.ch/fides/ag/mp)

Le premier ministre israélien reçoit le président Trump en 2017 à Yad Vashem | © Keystone/epa/Debbie Hill
25 octobre 2018 | 00:44
par Maurice Page
Temps de lecture : env. 4  min.
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