Pour Marie Collins, les abus sur mineurs existent dans tous les pays
Pour l’Irlandaise Marie Collins, ancienne membre de la Commission pontificale pour la protection des mineurs de 2014 à 2017, trop de prélats dans l’Eglise semblent encore penser que s’ils ferment les yeux, les abus sexuels resteront cachés et qu’ils n’auront pas à s’en occuper.
Lors d’une conférence publique tenue à Dublin le 14 janvier 2019, Mme Collins a estimé que la réunion de fin février au Vatican – à laquelle participeront les présidents des conférences épiscopales du monde entier ainsi que des responsables du Vatican – devrait donner la priorité à la création de politiques et de procédures universelles pour protéger les enfants.
«L’expérience des pays qui ont fait face à la crise des abus n’est pas utilisée pour mettre en place des politiques universelles pour les pays où cela n’a pas encore été fait», a-t-elle déploré lors de la rencontre organisée par We Are Church Ireland. «Vous pouvez être sûrs qu’il y a de la maltraitance envers les mineurs dans tous les pays où l’Église est présente, comme dans toutes les sociétés. Pourtant, les mandarins endormis dans la direction de notre Église semblent penser que s’ils ferment les yeux, ils resteront cachés, et ils n’auront pas à s’en occuper», a-t-elle ajouté.
Des tentatives compromises
Marie Collins, qui a rencontré le pape François lors de son voyage en Irlande en août 2018, a déclaré qu’elle pensait que les tentatives de lutte contre la maltraitance étaient compromises car il n’existe pas d’accord universel clair sur ce qui constitue un abus sexuel sur un mineur. Selon elle, «à l’heure actuelle, le flou du droit canonique en matière d’abus fait que les procès canoniques ne peuvent pas aboutir à un verdict de culpabilité pour des cas où la plupart des gens verraient clairement que des abus ont bien été commis. S’il n’y a pas d’entente cohérente dans toute l’Église sur ce qu’est l’abus sexuel d’un mineur, alors comment pouvons-nous espérer un traitement cohérent de la question?», s’est-elle interrogé.
Ainsi le terme ‘tolérance zéro’ signifie différentes choses pour différentes personnes au sein de l’Église. La réunion de Rome devrait convenir d’une définition claire du terme et s’engager à la mettre en œuvre. «Cela donnerait une cohérence à la manière dont les abus sexuels sur des mineurs sont traités, partout dans le monde, au lieu de la situation ad hoc actuelle.» Le nom de tout dirigeant de conférence épiscopale qui refuse de s’y conformer devrait être dévoilé.
Davantage de transparence
Pour Marie Collins, le pape devrait faire une déclaration claire au cours de cette réunion en décrivant le processus de responsabilité utilisé par l’Église pour demander des comptes aux évêques coupables de négligence, de protection des agresseurs ou de dissimulation. «Qui enquête? Qui sont les juges? Quelles sont les sanctions?» «Le pape François m’a également dit qu’il y avait eu des verdicts de culpabilité contre des évêques et qu’il avait sanctionné les coupables.» Il faut qu’il les nomme, qu’il dise quelle était l’infraction et quelle sanction leur a été infligée.
Marie Collins n’est pas optimiste quant aux résultats de la réunion des évêques. «Je crains que ce que l’on entende dire, c’est qu’il y ait eu beaucoup de prière, de réflexion et de ‘discussions fructueuses’. Nous serons assurés que les choses avancent. Il y aura des promesses pour l’avenir, mais nous verrons très peu de plans d’action, sur papier, concrets et engagés.»
Un Vatican dysfonctionnel?
Marie Collins a démissionné de son poste à la Commission pontificale pour la protection des mineurs en 2017, dénonçant le manque de sérieux sur la question de la part des responsables du Vatican. «Cela tient en partie à la manière dont le Vatican mène ses travaux. Le cléricalisme est enraciné dans son tissu. Il est inefficace, chargé d’une bureaucratie lourde, avec des jalousies entre départements, ce qui entraîne un manque de coopération.»
«Je ne crois pas que le changement se produira si nous attendons qu’il vienne de l’intérieur. Les laïcs doivent continuer à parler avec force pour les changements. […] La nécessité évidente d’impliquer les laïcs, y compris les femmes, à tous les niveaux doit se faire si l’Église veut entrer dans le XXIe siècle», a-t-elle conclu. (cath.ch/cns/pir/mp)