Pour les ONG, le voyage du pape en Irak sera un tournant
Le pape qui vient en Irak en «bâtisseur de paix peut permettre un nouveau point de départ» pour le pays dévasté par la guerre contre l’État islamique, estime Rémy Brun, co-fondateur de «Fraternité en Irak» à l’agence I.MEDIA. Une visite «historique» pour le directeur de l’association Faraj Benoît Camurat, tandis que Mgr Pascal Gollnisch, responsable de L’Œuvre d’Orient, estime que ce voyage sera aussi l’occasion de mettre en valeur l’apport des chrétiens dans une société irakienne en pleine reconstruction.
Le pape François se rendra en Irak du 5 au 8 mars 2021. Il visitera la capitale Bagdad, ainsi que le site d’Ur, avant de se diriger vers le nord du pays – occupé de 2014 à 2016 par l’organisation djihadiste État islamique – dans les villes d’Erbil, de Mossoul et de Qaraqosh.
«Nous ressentons une grande joie à l’annonce de ce voyage», a déclaré le directeur de L’Œuvre d’Orient. La venue du pape sera «un encouragement» pour les chrétiens présents en Irak, pays qui a subi un exode dramatique de ses communautés chrétiennes, estime Rémy Brun. Mais l’invitation du pape par l’Église locale ainsi que par les autorités étatiques montre que c’est un voyage important pour tous les Irakiens, souligne Mgr Gollnisch.
Nouvelle étape de pacification
«Nous espérons que cela contribuera à aider le pays à sortir des difficultés économiques, sociales et sécuritaires», déclare le prélat français. Pour lui, il faudra donc bien distinguer les dimensions pastorale, œcuménique, politique et interreligieuse de cette visite apostolique. La venue du pape constituera une «nouvelle étape dans la pacification des esprits et des cœurs», estime pour sa part Rémy Brun: «Le pape qui vient en bâtisseur de paix peut permettre un nouveau point de départ». Cette visite sera «historique» selon Faraj Benoît Camurat, directeur de Fraternité en Irak, car elle marquera la fin d’une période, celle de la guerre avec l’État islamique.
Les Irakiens, victimes oubliées
Il faut avoir en tête le sentiment des Irakiens d’être «oubliés, en marge, victimes», rappelle Faraj Benoît Camurat. Ce pays vit depuis 1979 et la première Guerre Iran-Irak une succession de conflits, à laquelle s’ajoutent aujourd’hui la pandémie et la chute du prix du pétrole et des mouvements de contestation.
Ce voyage sera donc l’occasion de voir comment la présence catholique en Irak «est un service pour tous», se félicite Mgr Gollnisch. L’action du Patriarche des Chaldéens, Mgr Louis-Raphaël Sako, explique-t-il, «vise à faire progresser tout le pays et non pas seulement les chaldéens». Il est donc important que les chrétiens continuent à jouer ce rôle de «créateurs de ponts» entre communautés, d’artisans de paix, comme y invite le pape argentin. C’est un rôle qu’ils ont «toujours tenu et pour lequel ils sont très appréciés», pointe Rémy Brun.
Un signe d’espérance
Le pape avait ce projet de visite depuis longtemps, mais les conditions de sa venue n’étaient pas réunies, «notamment sur le plan de la sécurité», confie-t-il encore. Mais la situation s’est améliorée ces derniers mois: il n’y a pas eu d’attaques contre des chrétiens depuis longtemps, ni contre d’autres minorités religieuses même si on constate quelques tensions, remarque Faraj Benoît Camurat. Une visite apostolique dans ce pays martyr de la guerre et victime du fanatisme religieux, représente donc pour Rémy Brun un «signe très fort, un signe d’espérance», y compris pour la paix entre les communautés religieuses au delà de cette région du monde.
Le pape François, un pèlerin «d’amitié entre les religions»
Concernant les risques qui pourraient peser sur le pape pendant ce voyage, Mgr Gollnisch se veut optimiste, soulignant que le dernier attentat contre un pape s’est déroulé à Rome.
«Toute sortie est un risque pris et assumé, car les papes considèrent que cela fait partie de leur mission», observe-t-il. Les menaces d’attentat contre la population en guise de représailles à la venue du pontife sont, selon lui, plus préoccupantes. Mais le pape est suffisamment écouté – y compris par les musulmans «pour que cela ne survienne», juge-t-il. Le prélat évoque notamment le voyage du pape Benoît XVI au Liban, lorsque les chiites du pays avaient réclamé 50’000 places pour la messe célébrée par le pontife.
«Tout devrait bien se passer» en Irak , déclare Mgr Gollnisch, où le pape François se rendra en «pèlerin de paix et d’amitié entre les religions». Il a montré à maintes reprises son «désir de dialogue constant et sérieux», en Egypte, comme à Abou Dabi, aux Emirats arabes unis. Dans cette perspective, une rencontre avec le grand Ayatollah Al-Sistani serait quelque chose de «très fort» pour Faraj Benoît Camurat qui n’ignore par les «nombreuses contraintes» à une rencontre de cette envergure. (cath.ch/imedia/cg/rz)