Le jésuite Hans Zollner était membre de la Commission pontificale pour la protection des mineurs depuis 2014 | © Vatican Media
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Pour Hans Zollner, le célibat ne suffit pas à expliquer les abus

Le jésuite Hans Zollner n’est pas surpris des chiffres révélés par le récent rapport de l’Eglise protestante en Allemagne (EKD) sur les abus sexuels. Ils montrent selon lui que «certaines structures de l’Eglise ne peuvent pas être considérées à elles seules comme la cause des abus».

Une petite bombe a explosé à Hanovre, le 25 janvier 2024. L’Eglise protestante en Allemagne (EKD) y a dévoilé les résultats d’une enquête mandatée par elle-même sur les abus sexuels en son sein. Des chiffres nettement plus hauts que prévu, comptabilisant 9’355 enfants et adolescents abusés. Le rapport apprenait également que trois-quarts des auteurs étaient des hommes mariés.

Des résultats qui ne surprennent «pas du tout» Hans Zollner, assure-t-il dans une interview à l’agence allemande KNA diffusée le 28 janvier 2024. Tout en admettant qu’il existe peu d’études dans la sphère protestante, le jésuite remarque que toutes ces recherches «ont montré que la situation dans les Églises protestantes n’est pas très différente de celle existant dans le domaine catholique.»

Le prêtre allemand est l’un des plus grands experts en matière d’abus dans l’Eglise. Il a été membre de la Commission pontificale pour la protection des mineurs depuis sa création, en 2014. En mars 2023, il a toutefois démissionné de la structure, «sur fond de désaccords quant au rôle de cette commission depuis la réforme de la Constitution de la Curie romaine».

Les prêtres mariés ou les femmes, pas la panacée

«On savait en fait que l’abus sexuel n’était pas un problème spécifiquement catholique et que la structure de l’Église catholique et le célibat ne pouvaient pas être considérés comme la seule cause des abus», affirme ainsi Hans Zollner. Beaucoup plus déterminant, pour lui est «la manière dont le pouvoir peut être exercé et instrumentalisé dans un système».

Le jésuite estime qu’il est pour autant très important de réfléchir à ce qui a favorisé les abus sexuels dans l’Église catholique, ainsi qu’à ce qui a entravé l’information, et à la manière dont il faudrait y remédier. «Mais il est trop réducteur de penser que des prêtres mariés ou le fait d’avoir davantage de femmes à la tête de l’Eglise empêcheraient en tant que tels les abus». «La situation est beaucoup plus complexe», assure celui qui est également psychothérapeute.

«Il faut d’abord que la faute soit vraiment reconnue et travaillée dans toute sa profondeur»

Hans Zollner

Il prend l’exemple de la Suisse pour justifier son propos. Une enquête mandatée par l’Eglise catholique dans le pays a révélé en septembre 2023 plus de 1000 cas d’abus depuis les années 1950. Il note que les laïcs ont, en Suisse, depuis longtemps plus de pouvoir qu’ailleurs. Une situation qui n’a donc «pas non plus empêché les abus et la dissimulation». Pour le jésuite, il s’agit de questions plus fondamentales.

La nécessité de la justice

«La religion a toujours été ambivalente», souligne-t-il. Si elle peut empêcher la violence et les abus, elle peut également les encourager. «Mais ce n’est pas simplement dû aux institutions en elles-mêmes. Sinon, il faudrait exiger l’abolition de la famille, car c’est dans les familles qu’il y a le plus d’abus. (…) Toutes les institutions et tous les systèmes humains sont vulnérables aux abus, c’est pourquoi ils doivent se donner des règles claires et transparentes et s’y tenir».

Au regard de sa longue expérience de la lutte contre les abus, Hans Zollner suggère quelques conseils aux autorités de l’EKD. Il est notamment très important de donner aux victimes un espace pour parler de leurs préoccupations. «Et ne pas aborder la question en pensant que la direction de l’Eglise sait déjà ce que veulent les personnes concernées et ce qui est le mieux pour elles». Le jésuite prévient que de cette façon, il ne peut y avoir de véritable travail de mémoire, ni de guérison ultérieure.

Et il ne sert à rien non plus de dire: «Nous sommes tous frères et sœurs et devons nous pardonner mutuellement». Bien sûr, le pardon est la marque de fabrique du christianisme, mais avant cela, il y a la justice. «Il faut d’abord que la faute soit vraiment reconnue et travaillée dans toute sa profondeur», assure le prêtre allemand.

Etablir clairement les responsabilités

En second lieu, il conseille aux églises protestantes de regarder leurs propres contextes systémiques qui ont favorisé les abus et encouragé la dissimulation. Hans Zollner pointe en la matière «le presbytère protestant» avec ses mécanismes particuliers. Même si le fonctionnement est très différent dans l’Église catholique, «il semble qu’il y ait eu une culture du silence dans les deux systèmes».

Un autre point est le manque de clarté dans l’attribution des compétences et des responsabilités. «Malgré toutes les différences, conclut Hans Zollner, il apparaît que les choses se sont passées de manière similaire dans l’Église protestante: en cas d’accusations d’abus, on ne savait jamais exactement qui devait décider quoi, quand et comment. Et le fait que les responsabilités soient sans cesse transférées d’une instance à l’autre favorise la dissimulation des abus.» (cath.ch/kna/lre/rz)

Le jésuite Hans Zollner était membre de la Commission pontificale pour la protection des mineurs depuis 2014 | © Vatican Media
29 janvier 2024 | 17:00
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 3  min.
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