Polémique: le cardinal Koch annule tous ses rendez-vous en Allemagne
Suite aux graves remous provoqués par sa comparaison entre les débats théologiques de la «voie synodale» – où évêques allemands et représentants laïcs discutent de l’avenir de l’Église catholique – et la dictature nazie, le cardinal suisse Kurt Koch a annulé tous ses rendez-vous prévus actuellement en Allemagne.
Président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, le cardinal Koch a justifié sa décision de ne pas se rendre en Allemagne durant le week-end dernier par le climat qui s’est développé dans l’opinion publique allemande après son interview controversée au journal catholique conservateur allemand Die Tagespost en date du 29 septembre 2022.
Menaces sur les réseaux sociaux
Mgr Koch aurait dû célébrer une messe et tenir une conférence dimanche 2 octobre 2022 au Centre d’hôtes chrétien Schönblick à Schwäbisch Gmünd, dans le Land du Bade-Wurtemberg; une messe était prévue lundi à Ellwangen, à une quarantaine de kilomètres de là. La ville de Schwäbisch Gmünd a annulé de son propre chef une manifestation avec Kurt Koch, au cours de laquelle le cardinal de la curie romaine aurait dû signer le Livre d’or de la cité.
Selon la police, il n’y a pas eu de manifestations annoncées contre la venue de Kurt Koch, alors que des menaces de violence étaient proférées dans des courriels s’en prenant aux propos du cardinal sur la «voie synodale» allemande.
Conférence épiscopale allemande fâchée
Interrogé sur cette annulation par l’agence de presse catholique allemande KNA, le cardinal Koch a déclaré qu’il n’était pas judicieux de s’exprimer à l’heure actuelle à Schwäbisch Gmünd. La date de la conférence «Pourquoi il vaut la peine d’être chrétien aujourd’hui» devrait donc être reportée. Le cardinal n’a pas voulu s’exprimer sur son intention de faire d’autres déclarations publiques concernant son conflit avec Mgr Georg Bätzing, président de la conférence épiscopale allemande. L’évêque de Limbourg sait cependant «d’après des rencontres antérieures que je suis toujours prêt à discuter».
Mgr Georg Bätzing a demandé au cardinal Koch de s’excuser publiquement après ses «propos insoutenables» concernant sa comparaison entre les débats théologiques de la «voie synodale» allemande et la dictature nazie. Dans cette «voie synodale», des évêques allemands et des représentants laïcs discutent depuis 2019 de l’avenir de l’Église catholique.
Comparaison douteuse avec les «Deutsche Christen»
Dans Die Tagespost, Kurt Koch avait évoqué des parallèles entre les discussions actuelles de l’Eglise et celles de l’époque nazie. Le président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens avait déploré qu’en plus des sources de révélation de l’Écriture et de la tradition, de nouvelles sources étaient acceptées. «Je suis effrayé de voir que cela se produit – à nouveau – en Allemagne». Il soulignait que ce phénomène s’était déjà produit sous la dictature nationale-socialiste, lorsque les soi-disant «Chrétiens allemands» avaient vu la nouvelle révélation de Dieu dans le sang et le sol (l’idéologie Blut und Boden) et dans l’ascension d’Hitler.
Suite à ces propos pour le moins controversés, le président de la Conférence épiscopale allemande avait alors exigé du cardinal Koch des excuses publiques.
Excuses publiques exigées
Le cardinal Koch s’est défendu contre l’accusation selon laquelle il aurait comparé le projet allemand de réforme de l’Eglise aux «Chrétiens allemands». Les Chrétiens allemands (en allemand Deutsche Christen, DC) étaient un mouvement raciste et antisémite au sein du protestantisme allemand, qui a salué l’arrivée d’Hitler au pouvoir en 1933 comme étant la rédemption de la nation et la venue de temps nouveaux. Les opposants à cette dérive se regroupèrent alors dans «l’Église confessante», (en allemand : Bekennende Kirche), qui fut sévèrement réprimée par le régime nazi.
Recevant la réponse du cardinal Koch, Mgr Bätzing a rétorqué qu’il ne pouvait pas l’accepter comme «satisfaisante». Selon l’évêque de Limbourg, le cardinal «ne s’est pas excusé sur le fond pour les propos insoutenables qu’il a tenus, mais les a au contraire encore aggravés». Felix Klein, commissaire du gouvernement allemand chargé de l’antisémitisme, a également critiqué les déclarations du cardinal Koch.
Réponse pour le moins maladroite
Le président de la Conférence épiscopale allemande n’a pas du tout apprécié la réponse du cardinal Koch qui dit percevoir que les souvenirs des apparitions et des phénomènes de l’époque nationale-socialiste «sont manifestement tabous en Allemagne». Cette déclaration, qui blesse à nouveau, suggère qu’en Allemagne, «nous ne ferions pas face au terrible héritage du national-socialisme. Je rejette catégoriquement cette nouvelle insinuation. Ce n’est pas nous qui créons un tabou, mais, au vu des victimes du national-socialisme, c’est plutôt un tabou de faire des comparaisons entre la pensée nationale-socialiste, qui a conduit à ces mêmes victimes, avec une quelconque pensée actuelle».
Mgr Bätzing relève que les arguments évoqués en allusion à l’époque du national-socialisme sont particulièrement sensibles, «et le cardinal Koch a dû choisir délibérément celui utilisé dans l’interview».
Sommé de prendre ses distances
La «comparaison absurde» dans l’interview à la «Tagespost» entre «Chrétiens allemands» (et leur tentative erronée de déclarer la foi chrétienne compatible avec l’idéologie nationale-socialiste) et «l’Eglise confessante» ne permet pas d’autre lecture que celle d’assimiler l’Assemblée synodale, qui a adopté le texte d’orientation à une nette majorité, aux «Chrétiens allemands». «Bien entendu, car c’est le sens d’une comparaison, il place ainsi les membres du synode dans l’horizon d’un régime qui a infligé des souffrances inimaginables, notamment au peuple juif».
«La formulation […] semble étrange dans sa naïveté pour un cardinal de l’Eglise universelle, reconnu internationalement et actif, qui a de nombreux contacts ministériels et personnels avec l’Allemagne. J’attends toujours du cardinal Koch qu’il prenne clairement ses distances par rapport à ces déclarations», conclut le président de la Conférence épiscopale allemande. (cath.ch/kathpress/dbk.de/be)