Polémique autour du Musée des civilisations de l’islam de La Chaux-de-Fonds
Le Musée des civilisations de l’islam, qui ouvre ses portes à l’avenue Léopold-Robert 109 dans la ville horlogère de La Chaux-de-Fonds le vendredi 27 mai prochain, continue de susciter la méfiance dans une partie de la population. Le 19 mai, sur les ondes de la Radio Télévision Suisse RTS Un, Saïda Keller-Messahli, qui préside le Forum pour un islam progressiste (FIP) à Zurich, appelle à la vigilance.
Si certains saluent la visibilité que ce lieu pourrait apporter à la communauté musulmane en Suisse – souvent confinée à vivre sa religion dans des caves, des garages ou des zones industrielles –, la présidente du FIP déplore que la provenance des fonds mis à disposition pour le financement de ce Musée (plus de trois millions de francs suisses) n’ait pas été communiquée vraiment de façon transparente dès le début.
«Un islam tellement rigide, tourné vers le passé»
Pour Saïda Keller-Messahli, c’est «également une question de confiance, car nous savons que ce couple Karmous (à l’origine du projet, ndr) est très proche des Frères Musulmans». Elle relève qu’il s’agit d’un mouvement qui milite pour un islam extrêmement rigide, tourné vers le passé, «un mouvement rigoriste qui prône la natation non mixte et le voile pour les filles».
La militante, qui veut encourager les musulmans à rompre avec les tabous, à questionner les sources religieuses et traditionnelles de l’islam et à favoriser un débat interne critique, regrette que les initiateurs du projet n’aient pas encore dévoilé l’identité des donatrices du Musée, dont les fonds proviennent essentiellement des pays du Golfe.
«Il ne faut pas être naïfs: le Qatar, l’Arabie Saoudite, la Turquie, depuis des décennies, travaillent pour mettre en place leur manière d’islam, leur façon de voir l’islam, et ils le font à travers des structures qui existent déjà, avec énormément d’argent, comme on le voit par exemple en ex-Yougoslavie, où cela fait des ravages…». Et ceci dans une région qui avait toujours connu un islam très tolérant «et qui est aujourd’hui livré au salafisme, au wahhabisme des Saoudiens!»
Crainte de la propagation d’un islam politique et fondamentaliste
La présidente du FIP craint que ce nouveau musée présente une approche fondamentaliste de l’islam et permette de légitimer un islam politique qui aura des moyens financiers énormes face aux autres associations musulmanes en Suisse. Elle a également peur que cela ne renforce l’influence du Qatar dans des institutions musulmanes présentes dans le pays, «et ce n’est pas rien!»
Elle relève ainsi le danger que représente «dans la tête des gens» ce genre d’islam, et déplore ce qui se passe dans de nombreuses mosquées en Suisse «loin de l’attention du grand public». Elle y note un développement inquiétant «vers le wahhabisme, vers le salafisme», un islam très politique pratiqué dans un réseau de mosquées à travers tout le pays. «Le danger commence toujours dans la tête. Pourquoi quelqu’un devient-il djihadiste ? Parce qu’il était dans un terreau qui a favorisé cette manière de penser qui est totalitaire».
De leur côté, les initiateurs du Musée des civilisations de l’islam, qui veut raconter l’histoire de 15 siècles de civilisations musulmanes, présentent celui-ci comme un lieu d’ouverture, sans but de prosélytisme, mais visant à présenter un islam positif et pluriel, selon Nadia Karmous, ressortissante du Locle. Présidente de l’Association culturelle des femmes musulmanes de Suisse (ACFMS) , elle est la directrice du nouveau musée privé soutenu par l’Institut culturel musulman de Suisse. (cath.ch-apic/be)