Philippines: L’Eglise salue la nomination d'un ministre favorable aux petits paysans
L’Eglise catholique aux Philippines a salué la nomination au poste de ministre de la réforme agraire de Rafael Mariano, connu pour son engagement auprès des petits paysans.
«Nous sommes sensibles à ces choix qui pour certains peuvent paraître radicaux». C’est par ces mots que le Père Dexter Toledo, franciscain à la tête de l’Ecological Justice Interfaith Movement, a commenté la nomination de Rafael Mariano au poste de ministre en charge de la réforme agraire, dans le nouveau gouvernement du président Rodrigo Duterte, élu le 9 mai dernier.
Rafael Mariano est lui-même un agriculteur, issu d’une famille paysanne, souligne le 13 juillet 2016, Eglises d’Asie (EdA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris. Il milite depuis longtemps pour une réforme agraire. En prenant ses fonctions, le 4 juillet dernier, il a posé un geste symbolique en ouvrant grand les portes de son ministère, cadenassées depuis près de vingt ans pour empêcher les manifestants de pénétrer dans les locaux.
Un militant engagé et déterminé
Rafael Mariano connaît bien les lieux pour y avoir manifesté à de nombreuses reprises, soit en tant que membre fondateur et ancien président du Mouvement paysan des Philippines (KMP – Kilusang Magbubukid ng Pilipinas), soit en tant que président du mouvement Bagong Alyansang Makabayan (New Patriotic Alliance), connu pour être au premier plan des manifestations organisées contre l’ancien gouvernement philippin.
«Personne ne devrait déposséder ou encourager la dépossession de terres au détriment des paysans qui la cultivent», a déclaré le nouveau ministre. Il a ajouté que les terres agricoles devaient rester entre les mains des agriculteurs et qu’aucun paysan ne devait être expulsé des terres qu’il laboure. Il a déclaré vouloir donner le meilleur de lui-même pour mener une véritable réforme agraire. Auteur du projet de loi «Genuine Agrarian Reform» (Véritable réforme agraire), qui, en 2014, n’a jamais dépassé la Chambre des représentants, dominée par de grands propriétaires terriens, il a appelé les membres de son cabinet à retravailler sur ce projet afin qu’il soit de nouveau présenté en juillet à la chambre basse du Congrès.
Un combat qui dure depuis 60 ans
Aux Philippines, la réforme agraire est l’un des projets politiques qui a suscité les plus grands espoirs et les plus vives déceptions, ces soixante dernières années. Dans un pays où une petite élite de propriétaires fonciers détient le pouvoir économique et politique, les premiers programmes de réforme agraire ont vu le jour dès les années 1950, sans toutefois provoquer beaucoup de changements dans les campagnes. Les différentes lois ont, en effet, soit été vidées de leur substance, soit appliquées aux seules terres publiques, la plupart des propriétaires terriens se gardant bien de distribuer une partie de leurs parcelles aux paysans sans terre, en trouvant des moyens juridiques de contourner l’application de la réforme.
Dans les campagnes, les tensions provoquées par ces impasses sont allées crescendo. Les malversations, le recours à l’intimidation et à des procédures plus ou moins légales de la part des grands propriétaires sont devenues monnaie courante et, sous la présidence Arroyo (2001-2010), la violence à l’égard des paysans et de leurs leaders a considérablement augmenté. Ces derniers ont notamment été les principales victimes d’une vague d’arrestations ou d’assassinats politiques, parmi lesquels, celui de Mgr Alberto Ramento, à Tarlac. Evêque au sein de l’Eglise indépendante des Philippines (Iglesia Filipina Independiente, IFI) aussi appelée Aglipayan Church, il était connu pour son engagement auprès des pauvres. Mgr Ramento avait été retrouvé mort le 3 octobre 2006, un crime qui reste non élucidé.
Des paysans majoritairement favorables à Duterte
Les petits paysans philippins ont bon espoir que le nouveau gouvernement mette rapidement en place cette réforme et redistribue la terre promise aux paysans.
Reste à voir si le nouveau gouvernement prendra réellement les moyens nécessaires pour changer les usages qui prévalent depuis des décennies, voire des siècles commente EdA. Cela nécessite de s’opposer à la puissance des grands propriétaires terriens, toujours très influents dans cet archipel où 20% de la population détient 80% de la richesse nationale.
«Les hommes politiques atypiques nommés au sein du nouveau gouvernement doivent continuer à accomplir des actions pour davantage de justice sociale et de bien commun», a en tout cas encouragé Mgr Antonio Ledesma, archevêque de Cagayan de Oro, au sud du pays. (cath.ch-apic/eda/rz)