Plusieurs activistes philippins ont été tués par balles début décembre 2017 (Photo d'illustration:Thomas Hawk/Flickr/CC BY-NC 2.0)
International

Philippines: le gouvernement Duterte commence-t-il à assassiner des prêtres?

Le prêtre catholique Marcelito Paez a été tué le 4 décembre 2017 au centre des Philippines. Des associations de défense des droits humains accusent le gouvernement du président Rodrigo Duterte d’être derrière l’attentat.

Agé de 72 ans, Marcelito Paez avait pris sa retraite pastorale en 2015. Jusqu’ alors, il officiait à la paroisse de Nueva Ecija, sur l’île centrale de Luzon. Il restait toutefois actif au sein d’organisations luttant pour les droits des pauvres, des petits paysans et des indigènes. Le soir du 4 décembre 2017, il a été criblé de balles par deux inconnus à moto, alors qu’il était au volant de sa voiture, rapporte le portail d’information philippin Philstar.

Meurtres suspects

L’évêque local, Mgr Roberto Mallari, a fermement condamné l’assassinat du prêtre. Il a demandé que les autorités rendent justice dans cette affaire.

Le Père Paez est le premier prêtre catholique assassiné depuis l’arrivée au pouvoir de Rodrigo Duterte, en juin 2016. Il n’est cependant pas le premier responsable chrétien à décéder dans des circonstances similaires. Le 3 décembre 2017, soit la veille de l’assassinat du Père Paez, le pasteur protestant Lovelito Quinones, de Mansalay, au sud-ouest de Manille, a été abattu par la police. Il avait prétendument été identifié comme un membre de la Nouvelle armée du peuple (New People’s Army-NPA).

Le président Duterte a récemment rompu les négociations de paix avec cette entité, qu’il a défini comme «terroriste». Cet estampillage rend possible «l’élimination» immédiate de tout membre de ce groupe.

Les proches du pasteur ont cependant nié qu’il faisait partie de la NPA. Ils ont affirmé que la police avait délibérément disposé une arme à feu près du pasteur, après l’avoir abattu. Selon des associations de défense des droits humains, aucun résidu de poudre n’a été retrouvé sur le bras de la victime. Ce qui soutient l’idée que l’arme a été placée a posteriori près du corps.

Egalement le 3 décembre, huit indigènes ont été tués par l’armée, sur l’île de Mindanao, au sud des Philippines. Un autre pasteur de l’Eglise unie du Christ, avait été tué par des hommes armés, en novembre 2016, à Jabonga, au centre du pays.

Les activistes en ligne de mire

Le Père Paez était un activiste connu dans sa région. Il a été tué juste après avoir facilité la libération d’un militant pour la cause des petits paysans, accusé de faire partie de la guérilla maoïste locale. Plusieurs médias font le lien entre son meurtre et son rôle dans la bataille juridique en faveur du militant. Le prêtre faisait lui-même partie de plusieurs ONG, notamment des Missionnaires ruraux des Philippines et de l’association de défense des droits humains Karapatan. Elles ont déploré, suite à l’assassinat du prêtre, le «terrorisme d’Etat». D’après l’agence d’information vaticane Fides, Karapatan a attribué les dernières attaques au programme militaire «contre l’insurrection», lancé par le président Duterte. L’association a dénoncé le fait que «des civils désarmés sont devenus la cible des forces de sécurité de l’Etat»

Impunité des forces de l’ordre

Dans un discours, le 29 novembre 2017, le président Duterte a exhorté les militaires à tirer sans sommation sur les «terroristes» et notamment sur les membres de la NPA. Il a aussi menacé les activistes, assurant que tout groupe ou individu soupçonné de «conspirer» avec les «mouvements clandestins» seraient considérés comme des cibles légitimes. Le président a promis d’offrir une protection juridique militaire aux forces impliquées dans la lutte contre «l’insurrection». Il avait fait la même promesse à la police combattant dans sa campagne nationale contre le trafic de drogue. L’opération aurait déjà fait des milliers de victimes, souvent dans des exécutions extra-judiciaires.

Une manifestation s’est tenue le 10 décembre 2017, Journée internationale des droits humains, à Manille pour dénoncer les abus sécuritaires de l’Etat. Outre des organisations de défense des droits de l’homme, des ecclésiastiques et religieux catholiques et protestants y ont participé. (cath.ch/rz)

Plusieurs activistes philippins ont été tués par balles début décembre 2017 (Photo d'illustration:Thomas Hawk/Flickr/CC BY-NC 2.0)
11 décembre 2017 | 16:18
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 3  min.
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