Philippines: les évêques contre la «culture de mort» qui prévaut dans le pays
Les évêques catholiques philippins ont réaffirmé leur opposition à un retour de la peine de mort dans le pays, après que le nouveau président Rodrigo Duterte ait annoncé sa volonté de la rétablir.
La chambre des Représentants des Philippines votera à la fin de cette année sur la réintroduction de la peine capitale. Dans le sillage de sa «guerre» meurtrière contre le trafic de drogue, le président Duterte présente ce type de châtiment comme un outil essentiel de dissuasion des criminels. Il a également affirmé avoir un fort soutien en ce sens de la part des législateurs.
Interrogé le 16 décembre 2016 par l’agence d’information américaine Catholic News Service (CNS), Jose Manuel Diokno estime que les membres du Parlement qui soutiennent la peine capitale veulent simplement s’attirer les faveurs politiques du président. Pour le directeur de la Faculté de droit de l’Université De La Salle, à Manille, les citoyens qui appuient cette position sont principalement ceux qui sont dégoûtés par la faiblesse du système juridique philippin. Les procureurs n’amèneraient ainsi qu’une fois sur cinq les cas qui leur sont confiés devant la justice.
Mobilisation des évêques
Alors que le rétablissement de la peine de mort semble de plus en plus probable, les évêques catholiques ont pris position avec virulence. «Faites le ménage dans les rangs de la police! Rétablissez l’ordre dans tous les tribunaux!», s’est ainsi exclamé Mgr Socrates Villegas, président de la Conférence des évêques des Philippines. Il a répété que la peine de mort était une «forme paresseuse de sanction», appelant à plutôt à aider ceux qui ont commis des erreurs à se réformer.
Le cardinal Luis Antonio Tagle, archevêque de Manille, a souligné que Dieu n’abandonnait aucun pécheur, et que le peuple philippin ne le devait pas non plus. «Toute vie possède un espoir (…) l’espoir d’une transformation», a-t-il déclaré.
Dans une nation où 80% de la population est catholique, les évêques ont exhorté le clergé à s’unir dans ce combat. «Faisons en sorte de représenter une plus grande force d’opposition contre la peine de mort», a ainsi martelé Rodolfo Diamante, président de la Commission des évêques pour les prisons. «Maintenant plus que jamais, nous devons agir vite pour contrer la culture de mort qui prévaut dans notre société», a-t-il lancé.
L’Eglise, réellement écoutée?
Certains observateurs considèrent néanmoins que, pour être réellement écoutés, les évêques ne doivent pas apparaître comme étant opposés à Rodrigo Duterte. «De nombreux Philippins n’aiment pas que les prêtres utilisent leur position pour parler de politique», commente Jayeel Serrano Cornelio, directeur du programme d’études du développement à l’Université Ateneo de Manille. Il note qu’en 2012, les Philippines ont introduit l’accès universel à la contraception, une mesure soutenue par 71% des catholiques, mais à laquelle l’Eglise s’opposait. Jayeel Cornelio considère néanmoins que l’Eglise peut constituer un contre-pouvoir efficace face à l’Etat.
71% d’erreurs judiciaires
Rodrigo Duterte a gagné l’élection présidentielle en juillet 2016 avec la promesse de réduire drastiquement la criminalité. Depuis le début de son mandat, près de 5’000 suspects de trafic de drogue ont été tués dans les opérations de police.
En 1987, les Philippines sont devenues le premier pays asiatique à abolir la peine de mort. Manille l’a réintroduite de 1993 à 2006. Les observateurs ont cependant remarqué que les verdicts étaient fréquemment entachées d’erreurs et appliqués principalement aux plus pauvres. Une étude réalisée en 2004 a montré que le taux d’erreur judiciaire se montait à 71%. (cath.ch/cns/rz)