Petition contre les abus: une réponse de Rome décevante
La pétition remise au nonce apostolique en août 2019 par les manifestants contre les abus sexuels dans l’Eglise catholique, réunis à Berne, a reçu une réponse de Rome en fin d’année. Mais pour les pétitionnaires, elle reste clairement insuffisante.
Ueli Abt, kath.ch / traduction et adaptation Maurice Page
En juin dernier, environ 150 personnes ont manifesté à Berne pour réclamer des mesures plus efficaces contre les abus sexuels dans l’Eglise catholique. Plus largement ils prônaient des changements structurels pour l’égalité des droits et moins de hiérarchie. En août, les initiateurs de l’alliance «Signes contre les abus» ont remis au nonce apostolique en Suisse Mgr Thomas E. Gullickson le catalogue de leurs revendications signé par 620 personnes. Quelques mois plus tard, la réponse de Rome est arrivée, ont indiqué les initiateurs, le 29 janvier 2020. Ils ont reçu, la semaine dernière, une lettre du Vatican datée du 4 décembre 2019.
La hiérarchie comme élément de l’identité
Le courrier romain est signé par Roberto L. Cona, assesseur de la Secrétairerie d’État. Il rappelle que le pape François est très soucieux de prévenir et de combattre les abus sous toutes leurs formes. La lettre cite le discours du pape à la fin du sommet sur la protection des mineurs de février 2019. En plus des mesures pratiques, des mesures spirituelles sont nécessaires: humilité, autocritique, prière, pénitence.
Le prélat rejette cependant clairement les revendications de la pétition concernant le changement de structure. Un changement d’identité de l’Église est hors de question. Selon la volonté du Christ, son divin fondateur, l’Église est dirigée par le successeur de Pierre et par les évêques. C’est précisément dans la structure hiérarchico-sacramentelle de l’Église que l’œuvre de rédemption du Christ sur terre s’est poursuivie, souligne-t-il.
«La lettre ne répond pas à nos demandes»
Christoph Wettstein, aumônier d’hôpital à Zurich et membre du comité de l’alliance, juge cette réponse «froide voire consternante». «La lettre ne dit rien, elle ne répond pas du tout à nos demandes». Il qualifie d’argument ‘mortel’ l’usage de mesures spirituelles mentionnées dans la lettre comme un moyen de prévenir les abus. «Prier, c’est bien beau, mais cela n’empêche pas un seul abus». Contrairement au prélat, les initiateurs ne considèrent pas la structure hiérarchique et sacramentelle comme un élément nécessaire à l’identité de l’Eglise. «L’Eglise doit devenir moins hiérarchique. Mais il est clair qu’au Vatican, il n’y a pas d’oreille pour cela.»
L’aumônier suppose en outre que la demande n’est pas parvenue personnellement au pape, même si la lettre assure les pétitionnaires de sa prière. «C’est une formule qui apparaît dans chaque lettre». Le nonce avait déjà mis en garde contre des attentes illusoires lors de la remise de la pétition en août dernier. Il avait clairement indiqué que le pape ne recevait qu’une partie des demandes qui lui étaient adressées.
Les initiatives de la base sont toujours rejetées
Les huit théologiens à l’origine de l’alliance ont des opinions différentes sur la suite à donner à leur démarche «Nous avons discuté de l’opportunité de répondre à la Secrétairerie d’Etat, mais d’autres pensent que cela ne serait qu’un gaspillage d’énergie», explique Ch. Wettstein. Un bref rapport sera fait lors de la session pastorale du vicariat général de Zurich-Glaris, début avril, dans le sens de la conclusion de l’initiative.
Malgré les appels au renouveau de l’Eglise, Ch. Wettstein se dit déçu par les évêques suisses en général. Pour lui, ils ont envoyé des signaux très contradictoires : «D’un côté, ils disent que le changement doit venir d’en bas, mais l’expérience montre que toute initiative venant d’en bas est bloquée en se référant à la constitution de l’Eglise». Il note enfin que la Conférence des évêques suisses n’a pas du tout réagi à la pétition. (cath.ch/kath.ch/ua/mp)