Pèlerinage aux saints d'Afrique: les femmes devant
La 18e édition du pèlerinage aux saints d’Afrique a eu pour thème la place de la femme africaine dans l’Eglise et la société. Le Togo était le pays mis à l’honneur de cet événement accueilli par l’Abbaye de Saint-Maurice (VS), le 2 juin 2019.
La luminosité qui baigne la cour située entre le collège de Saint-Maurice et son réfectoire est presque aveuglante. Le pique-nique s’achève et de petits groupes s’agglutinent dans les rares zones d’ombre que laisse le soleil, à son zénith. Les chorales et les pèlerins s’aimantent à la procession qui se forme et qui les conduira à la basilique pour la messe de ce 18e pèlerinage aux Saint d’Afrique.
Les chants s’élèvent, rythmés par les percussions, parmi lesquels dominent les voix des femmes, majoritaires lors de cette journée. Elles sont à l’honneur de ce pèlerinage africain de Saint-Maurice. «Exceptionnellement, cette année nous n’avons pas d’évêque invité, ni de saint à honorer. Le thème est donc celui de la place des femmes dans l’Eglise et la société», explique le Père Claude Maillard, Père blanc, membre du comité du pèlerinage. Il ajoute que le Togo est le pays à l’honneur et que Mgr Jean Scarcella, Père abbé de l’Abbaye, a accepté de présider la messe du pèlerinage.
Le rôle essentiel de la femme
«Le rôle de la femme est essentiel en Afrique, explique le Père Maillard. Elle a toute sa place dans la famille, la communauté qui est le pilier de la vie sociale en Afrique». Dans une société plutôt dominée par les hommes, il estime que les choses bougent, notamment en politique. Lentement certes, mais sûrement.
Agnès Rondez, une Togolaise arrivée dans le Jura en 2001, a pris la parole sur le thème du jour, en s’inspirant de la campagne d’Action de Carême-Pain pour le prochain. Elle appuie le propos: «En Afrique, la femme porte le monde, infatigable, elle est la locomotive», lance-t-elle. Elle crée, elle coud, elle est «devant» pour nourrir la famille et prendre des initiatives. «Au Togo, au marché c’est la femme que vous trouverez», sourit-elle.
Cela peut, de plus, commencer dès l’enfance, à la paroisse et dans les activités de jeunesse, précise Agnès Rondez. Elle se souvient des années où elle servait la messe et faisait partie des Cœurs vaillants (l’équivalent des scouts). Elle reconnaît néanmoins que la situation diffère grandement d’un pays à l’autre.
Yvonne, originaire de la République démocratique du Congo (RDC), relativise le propos. «La femme est marginalisée dans l’Eglise et dans la société et ne parvient pas à trouver sa place. Pourtant elle donne la vie, elle doit être écoutée», déplorant une situation dans laquelle la femme est inaudible. Elle dénonce le viol et le meurtre d’enfants et de femmes et fustige les multinationales présentes en RDC qui les exploitent. Elle garde malgré tout le sourire et l’espérance pour les femmes africaines.
«L’assemblée a d’ailleurs fortement réagi durant la conférence. Des propos que les mamans ont beaucoup applaudis et commentés», relate le Père blanc. Plus tôt dans la matinée, les pèlerins ont aussi prié pour ces femmes africaines en souffrance.
Des apôtres du pardon
«Oui, l’Afrique est vivante dans l’Eglise et sera fidèle aux paroles prophétiques que le pape Benoît XVI lui a données lors du deuxième Synode de l’Afrique». Le Père Godfroy Kouegan, prêtre togolais du diocèse d’Aneho, a estimé dans son homélie qu’est venue «l’heure de l’Afrique», une heure favorable qui invite instamment les messagers du Christ à avancer en eau profonde et à lâcher les filets pour la pêche (Lc 5, 4). D’une voix douce, le prêtre, actuellement à l’Abbaye de Saint-Maurice pour un temps sabbatique, a relevé que «Notre joie, la vraie joie de l’Afrique c’est le courage avec lequel elle endosse sa croix et avance avec persévérance et confiance».
«J’ose mettre sur chacune de vos lèvres ces paroles du psalmiste pour bénir cette Abbaye, son Père Abbé et ses chanoines: ›A vous toujours, la vie et la joie !’», a remercié le Père Kouegan qui s’étonnait du fait que l’Abbaye s’intéressait au continent noir. «Elle [l’abbaye] est en quête de vie […]. La vie et l’espérance qui transcendent tous les assauts de la mort, la culture de la mort que le monde développe inconsciemment ou non aujourd’hui».
«C’est faire Eglise, famille de Dieu, que de vivre et de faire vivre les événements comme celui-ci dans la catholicité», a-t-il conclu, avant d’exhorter les pèlerins à «partir d’ici et de devenir les apôtres du pardon et de la réconciliation».
L’heure de la maturité
Au terme d’une journée rythmée et haute en couleur, le Père Claude Maillard se dit serein et se réjouit. Il salue l’engagement des chorales, véritables ›colonne vertébrales’ de ce pèlerinage. «Les Africains apportent beaucoup à nos communautés et dans nos paroisses, grâce à l’ancrage qu’ils y ont trouvé».
«Les Africains prennent en main «leur» pèlerinage. On ne dit plus d’ailleurs qu’il est le pèlerinage des Père blancs». L’événement a pris sa vitesse de croisière, il faut continuer. «C’est l’heure de la maturité!» (cath.ch/bh)