Pédophilie: 300 victimes recensées dans le rapport de Cologne
Après des semaines de controverses, l’archidiocèse de Cologne a rendu public le 18 mars 2021 le rapport de l’avocat pénaliste Björn Gercke sur le traitement des cas d’abus sexuels entre 1975 et 2018. L’enquête a constaté 75 manquements aux obligations des responsables de l’archevêché de Cologne.
L’archevêque Rainer Maria Woelki, lui-même largement disculpé, a temporairement démis de ses fonctions l’évêque auxiliaire de Cologne et ancien vicaire général Mgr Dominikus Schwaderlapp. L’abbé Günter Assenmacher, qui a dirigé le tribunal ecclésiastique pendant 25 ans, a également été suspendu.
Quelque 300 victimes et 200 accusés
Pour la période allant de 1975 à 2018, le nombre de victimes est de 314, dont 178 hommes et 119 femmes. Pour 17 victimes, il n’y avait pas d’indication du sexe. L’enquête recense 202 accusés, dont près des deux tiers sont des clercs.
Dans 24 des 236 dossiers évalués, M. Gercke et son équipe ont constaté que des responsables avaient manqué à leurs obligations en vertu de normes juridiques étatiques ou ecclésiastiques. Il peut s’agir, par exemple, de ne pas donner suite à un soupçon, de ne pas ouvrir une enquête ou de ne pas sanctionner un comportement criminel.
Pas d’obstruction à la justice
En plus des deux prélats sanctionnés, l’enquête cite divers autres responsables dont l’actuel archevêque de Hambourg Stefan Hesse et l’ancien vicaire général de Cologne Norbert Feldhoff. Les archevêques Joseph Höffner (1906-1987) et surtout Joachim Meisner (1933-2017), aujourd’hui décédés, ont commis de nombreuses violations. Cependant, les experts n’attestent pas d’obstruction à la justice au sens pénal du terme.
Le cardinal Meisner a gravement manqué à son devoir
Le cardinal Meisner est responsable à lui seul de près d’un tiers des manquements constatés. Son vicaire général et fils spirituel, Mgr Dominikus Schwaderlapp, qu’il a servi comme chef du personnel, a demandé pardon aux victimes et offert sa démission au pape. Mgr Stefan Hesse a fait de même.
Björn Gercke a souligné que ses conclusions se fondent sur l’évaluation de dossiers, procès-verbaux et documents encore existants, partiellement désorganisés et très incomplets, que l’archevêché a compilés en 2015, quelques mois après l’entrée en fonction de Mgr Woelki. Parmi eux se trouvait un dossier secret de Mgr Meisner, conservé personnellement sous le titre «Frères dans le brouillard».
En raison de ce manque de sources, il faut supposer que les manquements identifiés ne représentent qu’un nombre minimal. Outre la documentation chaotique, le rapport Gercke témoigné également d’une grande ignorance de la loi de la part des responsables et d’un traitement souvent non professionnel des cas d’abus.
Mgr Woelki disculpé
Le rapport invalide d’autre part les soupçons de dissimulation à l’encontre de Mgr Woelki soulevés ces dernières semaines. On lui a reproché de ne pas avoir consciencieusement signalé à Rome, en 2015, le cas d’un prêtre, qui était un de ses amis. BJörn Gercke a soutenu le raisonnement du cardinal selon lequel il n’avait pas signalé ce cas, car le prêtre en question n’était plus apte à être interrogé en raison de sa démence sénile.
Le cardinal Woelki est apparu déchiré à la fin de la présentation. «J’ai attendu ce jour avec impatience, j’ai vécu pour lui et je l’ai craint comme rien d’autre.»
Il a clairement pris ses distances avec son prédécesseur Mgr Meisner, qui avait juré qu’il n’avait «aucune idée» des abus commis dans l’Église. Il s’est dit particulièrement honteux que des laïcs au service de l’Église qui ont été victimes d’abus aient été licenciés immédiatement, alors que des clercs parmi les auteurs de ces abus n’ont subi aucune conséquence.
La présentation du rapport ne marque pas la fin du processus. Björn Gercke a présenté une longue liste de recommandations. Une meilleure tenue des dossiers, une formation complémentaire du personnel d’encadrement et un bureau professionnel d’assistance aux victimes sont nécessaires, entre autres choses. (cath.ch/kna/mp)
Pour Hans Zollner, les mesures prises sont de «trop petits pas«
Le Père Hans Zollner, expert du Vatican pour la prévention des abus sur mineurs, a estimé que les mesures prises jusqu’à présent dans l’archidiocèse de Cologne sont «des pas beaucoup trop petits». «Les personnes concernées ont besoin de plus», a souligné le jésuite.
Une clarification purement juridique de la maltraitance et de la manière de la traiter ne peut prétendre être une évaluation globale, a critiqué le psychologue, qui dirige le Centre de protection de l’enfance de l’Université pontificale grégorienne. Les victimes et les agents de prévention auraient dû être inclus dans les enquêtes.
L’expertise montre à quel point l’administration ecclésiastique a été déficiente. Pour les victimes, cela signifie toujours pas de justice, a déploré Hans Zollner. MP