L'Eglise réformée vaudoise ne donne pas de directives concernant l'accompagnement du suicide assisté (Photo:Joe Flintham/Flickr/CC BY-SA 2.0)
Suisse

Les pasteurs vaudois laissés libres face au suicide assisté

L’Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV) a récemment fait parvenir à ses employés une recommandation sur l’accompagnement du suicide assisté. Préférant ne pas imposer de directives éthiques, le Conseil synodal laisse aux ministres le choix de la marche à suivre et la possibilité de ne pas intervenir.

«On ne saurait donner ici de directives éthiques définitives tant les positions des uns et des autres varient en fonction de leur approche des questions touchant au respect de la vie, de la dignité et de la liberté individuelle». Cet extrait de la recommandation du Conseil synodal de l’EERV donne le ton du document transmis aux ministres le 13 janvier dernier et intitulé Assistance au suicide et accompagnement pastoral. L’exécutif réformé y rappelle d’une part qu’il n’est pas question de juger du bien-fondé des demandes de suicide assisté, et d’autre part que la vie humaine, selon la Bible, se définit surtout comme un ensemble de relations. Les pasteurs sont donc encouragés à offrir un accompagnement au demandeur et à ses proches avant et après l’acte, mais on laisse à leur jugement la possibilité d’intervenir ou non au moment même du suicide.

Etre présent… Jusqu’où?

C’est ce dernier point qui est à l’origine de la recommandation élaborée avec Dominique Troilo, coordinateur cantonal des aumôneries d’EMS. Ce dernier explique: «Des demandes sont de plus en plus régulièrement adressées aux pasteurs. Ces derniers sont d’accord d’offrir un accompagnement en amont, puisque nous sommes là pour écouter la personne dans ce qu’elle vit, et en aval, pour la famille. Mais ils s’interrogent sur leur rôle pendant la prise de la potion létale, et ils m’ont souvent interpellé à ce sujet». Il ajoute: «J’ai souvent été confronté à des cas de suicide, tous traumatisants pour les proches. Même dans un cas de suicide assisté, ce n’est pas toujours aussi paisible qu’on l’imagine. Personnellement, je n’arrive pas à m’imaginer être avec une personne lorsqu’elle se donne la mort, je sais que cela laisserait des traces. Et plusieurs collègues sont dans mon cas.»

Sarah Golay, pasteure de la paroisse de Chailly-la Cathédrale, a accompagné à deux reprises une situation de suicide assisté. Son approche est différente. «Je suis là pour les vivants, dans leurs choix que je n’ai pas à juger. Si la personne qui a choisi de se donner la mort est paisible, je dois cheminer à ses côtés. Je dois aussi vérifier auprès d’elle et de ses proches si leurs attentes vis-à-vis de moi sont compatibles. Après, je me mets à disposition et j’accompagne comme je le peux. Même si la situation est difficile pour moi, mon rôle, c’est d’être là. Je ne souhaite pas me dérober par confort.»

Le choix aux ministres

Que penser du fait que l’EERV de ne prenne pas position? «A mon sens, il y a une prise de position, celle de laisser la liberté aux ministres», explique Dominique Troilo. «J’étais opposé à ce que l’on en fasse un règlement. D’une part, les professionnels sont assez grands pour faire les choix qui s’imposent lorsqu’ils se présentent. D’autre part, il s’agit de situations profondément humaines pour lesquelles une approche légaliste n’est pas adéquate».

Sarah Golay apprécie également l’option du Conseil synodal: «Cette question est très personnelle pour les pasteurs. Elle les renvoie à leur propre rapport à la mort et les confronte à une situation extrêmement violente. C’est une bonne chose que la recommandation ne culpabilise pas ceux qui refusent d’entrer en matière et rassure ceux qui proposent un accompagnement. Pour moi qui ai déjà été dans cette situation, cela me réconforte de savoir que j’étais un peu ‘dans la ligne’, si tant est qu’il y en ait une». NR


Un sujet délicat aussi chez les catholiques

La question de l’accompagnement spirituel en cas de suicide assisté se pose aussi de façon aiguë pour les catholiques en Suisse. Début décembre, l’évêque de Coire Mgr Vitus Huonder a exclu qu’une personne voulant se tuer puisse bénéficier du sacrement des malades. Ces déclarations avaient suscité une vive polémique sur les réseaux sociaux, autant dans la partie francophone que germanophone.

En 2010, la Commission «Bioéthique» de la Conférence des évêques suisses (CES) insistait sur le fait que «l´interdiction de provoquer la mort d´autrui ou d’en être complice (…) doit rester non négociable». La commission se disait convaincue «qu´il n´existe pas de situations de vie humaine qui, par définition, seraient indignes d´être vécues. Par conséquent, elle rejette avec force l´idée qu’il y aurait, dans certaines circonstances, une ‘nécessité’ d’aider à mourir et encore plus que celle-ci soit assignée comme tâche aux médecins. Si nécessité il y a, c´est celle d´un accompagnement dans la solidarité humaine, qui allie la compétence et la sollicitude – comme il en est le cas dans les soins palliatifs».

Dans un document datant de 2008, la CES souligne également qu’»en vérité, l’assistance au suicide n’est pas une aide. Elle contredit le devoir fondamental de la protection de toute vie humaine (…) Il est essentiel de voir que la compassion envers une personne souffrante ne réside pas dans l’homicide, mais dans l’affection». Ainsi, pour les évêques, «l’accompagnement des mourants, qui repose sur le dévouement de nombreux bénévoles, participe de cette affection». Le document assure que «la tâche de l’Eglise elle-même consiste à soutenir les souffrants et les mourants par la force de la prière et des sacrements, ainsi que par la présence d’aumôniers». (cath.ch/protest/nr/rz)

 

L'Eglise réformée vaudoise ne donne pas de directives concernant l'accompagnement du suicide assisté
25 janvier 2017 | 16:25
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 4  min.
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