Paroisse anglophone de Genève: une «famille» du monde entier
La paroisse anglophone St-John XXIII, à Genève, est à l’image de la ville internationale. Multiculturelle, vivante et dynamique, elle est aussi en perpétuel changement. Les fidèles de nombreuses nationalités sont souvent en quête de liens communautaires perdus dans l’expatriation.
Le bâtiment de la rue de Montbrillant semble bien désert et calme en ce chaud et lourd vendredi de juin. Une image trompeuse, note Emily Toole, qui reçoit cath.ch à l’entrée du complexe de béton bordé par une vaste pelouse ombragée. Par intermittence, durant la semaine, les lieux vibrent de vie et de joyeuse agitation. Si l’Américaine n’est plus employée depuis quelques années par la paroisse, elle est encore très active dans la communauté en tant que bénévole.
Eglise universelle «en miniature»
St-John XXIII a été d’une importance toute particulière pour la jeune femme, venue du Connecticut en 2013. «Je suis arrivée ici sans connaître ni la langue, ni la culture. C’était un peu difficile. Je me suis rapprochée de la paroisse, où j’ai très vite créé des liens». De nouvelles attaches qui l’ont soutenue non seulement sur le plan moral et spirituel, mais aussi pratique. «Un petit groupe de fidèles s’est organisé pour assurer la garde de mon fils, alors que je n’avais pas trouvé de place dans les crèches», se souvient-elle avec le sourire.
L’expérience d’Emily est semblable à celle de beaucoup d’autres paroissiens de St-John. La plus grande partie d’entre eux sont ce qu’on appelle des «expatriés», des employés des grandes entreprises, organisations ou écoles internationales présentes en grand nombre à Genève. Certains viennent de pays anglophones, d’autres utilisent l’anglais comme «langue d’opportunité». Notamment les Philippins, qui constituent une part importante des fidèles. Des catholiques d’Afrique, d’Asie, d’Amérique du Sud ou encore d’Europe composent les près de 100 nationalités qui fréquentent la communauté. Une véritable Eglise universelle «en miniature».
Famille «recomposée»
«La paroisse en est d’autant plus riche et vivante», s’enthousiasme Emily Toole. Elle relève que la robe d’été colorée qu’elle porte en recevant cath.ch lui a été offerte par une fidèle africaine. «C’est un peu l’image de St-John XXIII, nous avons tous notre culture, que nous enrichissons avec celle des autres». Pas un hasard donc, si les nombreuses activités organisées par la communauté sont très souvent en rapport avec la multiculturalité. A notamment eu lieu le dimanche 19 juin un festival de cuisines du monde, où les paroissiens étaient invités à présenter les spécialités culinaires de leur pays.
Jean XXIII doit son dynamisme également à une participation très importante des fidèles. «Nous avons un modèle de communauté qui rassemble mes expériences d’Eglise aux Etats-Unis, souligne Emily Toole. C’est-à-dire que pour les personnes qui s’inscrivent, participer à la vie de la paroisse est une sorte d’évidence. La situation est un peu différente des paroisses ‘classiques’ suisses, où les attaches sont souvent plus stables mais moins intenses. Les personnes arrivant ici d’un pays lointain trouvent en effet un cadre ›familial’, une ambiance communautaire qu’ils peuvent avoir perdus dans l’exil».
Un renouvellement qui n’empêche pas l’engagement
Plus de 2’500 familles sont inscrites dans la paroisse, reflet de la nombreuse population anglophone à Genève. Pas moins de cinq messes sont ainsi proposées sur le weekend, et l’église de 600 places est à chaque fois pleine. Près de cinquante catéchistes sont également à disposition. Un ou deux prêtres servent habituellement, issus de pays anglophones. Le Père Paul Friel, venu d’Ecosse, est le seul à officier actuellement.
Une communauté importante, donc, mais également en constant changement. La réalité de l’expatriation, à Genève, fait que les familles restent peu de temps sur place, même si des fidèles sont là depuis des décennies. «Tous les deux ans, environ un tiers des paroissiens s’en va», note Emily Toole. Un renouvellement continuel qui n’empêche aucunement l’engagement personnel. «Ce qui est extraordinaire, c’est que les personnes de passage ont à cœur de laisser une trace. Nous avons accueilli par exemple il y a quelques années un menuisier. Il n’est resté que deux ans, mais il a réalisé de ses mains toute la scène sur laquelle les enfants ont joué le spectacle de la Passion.» Ce dernier a été un des derniers événements phares de la communauté, rassemblant près de 50 acteurs, enfants, ados et adultes.
Une paroisse solidaire
Dans cette situation fluctuante des activités fixes et pérennes n’auraient pas grand sens. La créativité et l’adaptation sont donc de mise et les événements, d’une année à l’autre, ne sont jamais les mêmes. Depuis 10 ans qu’elle est à Genève, Emily Toole a fourni un gros travail d’imagination et d’organisation. Après avoir travaillé des années au sein de la «famille» de Montbrillant en tant qu’animatrice pour la jeunesse, elle a entrepris une formation d’agente pastorale au CCRFE. «Si la paroisse anglophone m’a permis de nouer des attaches en Suisse, de m’habituer plus facilement à cette nouvelle vie, j’ai ensuite ressenti le besoin de m’intégrer davantage dans l’Eglise en Suisse».
Une voie également suivie par sa paroisse, qui relie davantage ses activités au tissu ecclésial genevois. St-John XXIII a notamment accueilli le 26 mai dernier une centaine de personnes pour la Journée mondiale des pauvres, avec la Pastorale des milieux ouverts. «C’était une opportunité de rencontrer des personnes en situation de précarité. C’était un très beau moment. La solidarité est une partie importante de la mission de la paroisse».
Théologie au pub
Dès le début de la pandémie, la communauté avait aussi lancé la «Caravane de Solidarité», fournissant des milliers de repas, mais aussi des vêtements, de la literie et des options de logement aux habitants de Genève les plus démunis.
Emily organise également avec son mari la manifestation «Theology on Tap» (Théologie en pression). Une fois par mois, des prêtres et des laïcs sont invités dans un pub local à donner, autour d’une bière (pression), des conférences participatives. Dès l’automne 2022, l’Américaine espère pouvoir donner des événements en français.
A l’instar de la grande famille catholique, St-John fonctionne donc sur le principe de «l’unité dans la diversité». Si la barque paroissiale navigue gaiement sur une mer en constant changement, elle veut aussi jeter durablement l’ancre dans le sol genevois (cath.ch/rz).
La paroisse St Jean XXIII (St-John) a été officiellement établie au sein du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF) en 1971. Il s’agit d’une paroisse linguistique plutôt que territoriale, composée de plus de 100 nationalités différentes qui partagent l’anglais comme langue commune. Les origines de la communauté remontent à 1956, lorsqu’une aumônerie catholique anglophone a été créée à Genève. Sa mission était de répondre aux besoins spirituels de la communauté anglophone en pleine croissance. Au fil des ans, la communauté s’est considérablement développée et diversifiée.
Echange d’églises
La paroisse a été basée d’octobre 1982 à février 2013 au Centre Jean XXIII, au Petit-Saconnex. Elle s’est déplacée à l’église Saint-Nicolas de Flüe, rue de Montbrillant, en mars 2013, principalement pour répondre à l’augmentation du nombre de paroissiens. Les locaux actuels offrent désormais deux fois plus d’espace pour le culte, les ministères, l’éducation religieuse et les rassemblements communautaires.
L’église Saint-Nicolas de Flüe abritait à l’origine la paroisse francophone du même nom. D’un commun accord et avec la bénédiction de l’évêque, les deux communautés paroissiales ont convenu d’échanger leurs locaux, l’église Saint-Nicolas de Flüe et sa maison paroissiale adjacente devenant la nouvelle «maison» de la paroisse anglophone de Saint-Jean XXIII en mars 2013.
La paroisse est entièrement auto-suffisante en termes de fonds et de salaires de personnel, à l’exception du prêtre, qui est payé par l’église catholique romaine de Genève (ECR). RZ
Les missions linguistiques composent une partie importante du paysage de l’Eglise en Suisse romande. Afin de mieux les connaître, cath.ch propose, dans la série «Missions linguistiques en lumière» de partir à leur rencontre.