Le pape donne une audience dans la Salle Clémentine (Photo d'illustration: dp)
Vatican

Le pape invite la Curie à se détourner d'elle-même pour regarder vers l’extérieur

Le pape a demandé, le 21 décembre 2017, aux responsables de la Curie romaine de se tourner vers l’extérieur, vers le monde, plutôt que d’être fermés sur eux-mêmes. Le pontife a reçu dans la salle Clémentine du Palais apostolique les chefs et principaux responsables des dicastères pour les traditionnels vœux de Noël.

Dans une ambiance solennelle, face aux prélats assis le long des murs, le pape a reconnu que la réforme de la Curie nécessitait «patience, attention et délicatesse», car il s’agit d’une «ancienne, complexe et vénérable» institution. Réformer revient à «nettoyer le sphinx d’Egypte avec une brosse à dents», a déclaré le pape citant un prélat curial du 19e siècle.

Les traîtres et les saints

Le pontife a en particulier sévèrement critiqué les «traîtres à la confiance» et les «profiteurs de la maternité de l’Eglise». C’est-à-dire ceux nommés pour accompagner la réforme et qui se laissent «corrompre par l’ambition». Alors qu’ils sont «délicatement éloignés», a-t-il pointé, ils se déclarent comme martyrs du système au lieu de faire leur mea culpa. Une allusion implicite mais transparente à Libero Milone, ancien contrôleur général des finances du Vatican qui avait dénoncé une machination après son renvoi en juin dernier.

Logique de complots

A certains, a soutenu le pape, est laissé tout le temps pour reprendre une voie juste, afin de se convertir et non pas pour profiter de la patience de l’Eglise. Autres groupes critiqués par le pape: les «petits cercles» guidés par une «logique des complots» qui sont un «cancer». Quand cela arrive, a-t-il mis en garde, «se perd la joie de l’Evangile, la joie de communiquer le Christ».

Mais cela ne doit pas faire oublier, a souligné le pontife, le travail de tant de personnes qui œuvrent avec «fidélité, compétence, dévotion, et aussi sainteté». Des propos attentionnés qui viennent après l’émoi suscité par les vœux des précédentes années. Notamment ceux de 2015, lorsque le pape avait dressé la liste des maladies de la Curie.

Le gouvernement de l’Eglise catholique, a poursuivi l’évêque de Rome, ne peut être renfermé sur lui-même, dans l’autoréférentialité. Il doit au contraire être universel, au service de la Parole dans le monde. La Curie, instrument du Salut, doit donc avoir une «attitude diaconale», c’est-à-dire au service de l’Eglise toute entière.

Les «antennes» du pape

Les dicastères, a rappelé le successeur de Pierre, agissent au nom et avec l’autorité du pape. Ils doivent donc être «des antennes sensibles» qui transmettent «fidèlement» la parole et la volonté de celui-ci. Mais ces antennes doivent aussi être réceptrices des «questions, demandes, cris, joies et larmes» de l’Eglise pour les transmettre au pontife.

De même, les dicastères doivent être la bouche et les oreilles du pontife, organes qui permettent aussi l’équilibre. Comme pour un corps, a-t-il déclaré, «la communion avec Pierre renforce et revigore la communion entre les membres».

Le pape argentin est ensuite revenu sur les différentes missions extérieures du Saint-Siège. La première, diplomatique, a-t-il affirmé, est d’être bâtisseur de ponts. Sa caractéristique est d’être «libre de tout intérêt mondain ou matériel». Le pape a notamment cité la toute récente troisième section de la Secrétairerie d’Etat, instituée selon lui pour montrer l’attention et la proximité envers le personnel des nonciatures, dont les prêtres sont à la fois pasteurs et diplomates.

L’inestimable richesse des Eglises orientales

Second rôle extérieur de la Curie: aider les pasteurs des différents diocèses du monde. Ainsi, elle ne doit pas seulement avoir comme point de référence l’évêque de Rome, mais tous les évêques du monde. Cette collaboration doit se faire sur la confiance, «jamais sur la supériorité ou l’adversité». Une allusion, entre autres, aux problématiques de traduction des textes liturgiques. En septembre dernier, un motu proprio du pape a renforcé le rôle des conférences épiscopales locales dans ce processus.

La Curie doit par ailleurs manifester l’union avec les Eglises orientales, qui sont «une inestimable richesse» notamment par leurs fidèles qui «purifient l’Eglise» en acceptant le martyre. Le pape a souligné son respect pour l’autonomie de ces Eglises mais a indiqué vouloir réviser la délicate question du processus d’élection de leurs évêques. Cela, dans une responsabilité évangélique, pour toujours plus d’unité.

La Curie romaine doit enfin jouer un rôle dans l’unité des chrétiens. Le dialogue œcuménique est un «chemin irréversible et pas en marche arrière», a insisté le pontife. Avec les autres religions, le dialogue doit aussi se faire par le devoir de l’identité, le courage de l›altérité et la sincérité des intentions.

Une foi qui met en crise

En conclusion de son discours d’une trentaine de minutes, le pape François a appelé à une foi qui ne soit pas seulement «intellectuelle ou tiède». «Une foi qui ne nous met pas en crise, est une foi en crise», a-t-il insisté. Comme l’an dernier, le pape a offert à ses interlocuteurs des livres appelant à la conversion : Je veux voir Dieu, du bienheureux carmélite français Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus, et La Fête du pardon, ouvrage édité par la Pénitencerie apostolique.

Dans son allocution introductive, le cardinal Angelo Sodano, doyen du Collège cardinalice, a déclaré que le gouvernement de l’Eglise devait être un «éternel Cénacle». (cath.ch/imedia/xln/rz)

Le pape donne une audience dans la Salle Clémentine (Photo d'illustration: dp)
21 décembre 2017 | 14:52
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 4  min.
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