«Pourquoi le pape a fait ça?», se demande le futur cardinal salvadorien
«Le pape François a pris des décisions qui n’ont rien de conventionnelles, comme celle, incroyable, de me nommer cardinal alors que je ne suis qu’un simple évêque auxiliaire». C’est le sentiment de Mgr Gregorio Rosa Chávez, évêque auxiliaire de San Salvador, qui sera officiellement nommé cardinal mercredi 28 juin 2017, à Rome.
Mgr Gregorio Rosa Chávez est l’un des cinq nouveaux cardinaux qui recevront la barrette rouge des mains du pape François dans la Basilique Saint-Pierre. Il deviendra ainsi le premier cardinal de l’histoire d’El Salvador et, surtout, le premier évêque auxiliaire à accéder directement à cette distinction. Une singularité d’autant plus marquante que son supérieur direct, Mgr José Luis Escobar Alas, archevêque de San Salvador, ne bénéficie pas de ce statut.
Ce cas inédit a provoqué une «surprise totale» chez Mgr Gregorio Rosa Chávez, comme il l’a lui-même expliqué à des journalistes salvadoriens avant de se rendre à Rome. Il a assuré qu’aucun signal en ce sens ne lui avait été adressé à l’avance. Il considère ainsi que sa nomination constitue «l’exemple le plus clair de la volonté du pape de s’affranchir du protocole» concernant la nomination des cardinaux.
L’aura de Mgr Romero?
«C’est seulement dans la tête du pape que de telles choses peuvent se passer», a ajouté le prélat salvadorien. Passée la joie d’apprendre une telle distinction, il s’est demandé: «Pourquoi le pape a fait ça?». «Je n’ai toujours pas de réponse objective, a admis Mgr Rosa Chávez. J’ai entendu tellement d’explications de diverses personnes à ce sujet! Je sais que le bienheureux Óscar Arnulfo Romero est derrière tout cela, mais quant au comment et au pourquoi… le pape va me le dire, mais je ne veux pas anticiper». Il a assuré qu’il «devait tout» à Mgr Romero. Surnommé l’évêque des pauvres, l’ancien archevêque de san Salvador a été assassiné par des escadrons de la mort en célébrant l’Eucharistie, le 24 mars 1980. Il a été béatifié par le pape François en mai 2015, à San Salvador. Mgr Rosa Chavez estime cependant que la mémoire du martyr a été «victime d’une lutte idéologique mondiale réprimée au sein de l’Eglise, en pleine Guerre froide».
Le rêve partagé d’une même Eglise pauvre
«Je pense que c’est un hommage à sa personne, a assuré le futur cardinal. Il méritait cela. Mais d’une certaine manière, Dieu a accordé au bienheureux Romero cette distinction avant moi. Sauf que la couleur rouge n’était pas celle de la barrette de cardinal, mais bien celle de son sang, le sang du martyr». Et d’ajouter: «le pape François rêve d’une Eglise pauvre pour les pauvres, la même dont rêvait Mgr Romero».
En attendant, le futur cardinal considère cette nomination, qui passe outre les usages, comme une «décision révolutionnaire». Mgr Rosa Chávez estime qu’en agissant ainsi, «le pape a clairement exprimé sa volonté de s’entourer de personnes en qui il peut avoir toute confiance pour gouverner l’Eglise (…) C’est très beau de sa part de ne pas se laisser influencer par les critiques, car nous avons besoin d’hommes libres en Christ, comme Bergoglio».
Bâtir des ponts
Pour Mgr Rosa Chavez, «le pape a clairement en tête quel est le rêve de Dieu en ce moment. Celui de lutter contre un monde rythmé par tant de mauvaises nouvelles, avec tellement d’incapacité à être solidaire, un monde qui ne cesse d’ériger des murs… Face à cela, le grand espoir du pape François est de construire des ponts. Car sans cela, il n’y pas de bonheur possible dans le monde. Il n’y a pas de paix, ni de futur dignes pour quiconque. Nous avons tout à perdre si nous ne bâtissons pas des ponts». (cath.ch/jcg/rz)