Le pape a lancé la Journée mondiale des pauvres en 2016, lors du jubilé de la miséricorde après le pèlerinage organisé par Fratello. | © Fratello.org
Vatican

Pape à Assise: «Les pauvres sont l'espérance de l'Église»

Le pape François se rend à Assise le 12 novembre 2021, où il doit rencontrer 500 pauvres venus de toute l’Europe. Étienne Villemain, président de l’association Fratello, explique pourquoi l’Église et les chrétiens doivent se «raccrocher» aux pauvres pour pouvoir se ressaisir dans une période notamment marquée par la crise des abus.

Hugues Lefèvre, I.MEDIA

Qu’attendez-vous de cette rencontre entre le pape François et les pauvres à Assise?
Etienne Villemain: Ces dernières années, le contexte dans l’Église catholique a beaucoup changé, surtout en France. Il y a quelques semaines, nous avons découvert avec effroi le contenu du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE).

Dans ce moment si douloureux où nous sommes, avec les victimes, au pied de la Croix, les pauvres sont notre porte de Salut. Ils sont l’espérance de notre Église et de notre pape. Alors que s’effondrent actuellement beaucoup de choses, que l’Église devient en un sens inaudible, nous croyons qu’il y a une personne à laquelle nous raccrocher: le Christ. Or, Jésus nous dit bien qu’il se cache au travers des pauvres.

«Le chemin qu’il reste à faire est celui entre la tête et le cœur de chacun»

Cette année, je suis très ému et très heureux de nous déplacer en nombre à Assise, avec plein de gens fragiles. Il n’y aura pas que des gars de la rue mais une grande variété de fragilités, comme par exemple des enfants lourdement handicapés. C’est une grande grâce de pouvoir nous réunir en cette période.

Que vous inspire la ville d’Assise qui a été choisie pour accueillir cette rencontre?
C’est incroyable de se dire que le pape des pauvres se rend dans la ville du Poverello pour retrouver des pauvres du monde entier. Je suis allé avec Alix Montagne [co-fondatrice de Fratello, NDLR] sur la tombe de saint François en amont de cette journée. C’est un lieu bouleversant. C’est très fort d’être accueilli par un homme qui a été extrêmement spirituel tout en se faisant proche des petits et des pauvres, allant jusqu’à embrasser les lépreux.

Etienne Villemain préside l’association Fratello (capture d’écran KTO-TV)

Trop souvent, on observe une séparation entre ceux qui privilégient une vie spirituelle et d’autres qui sont tournés vers le social, avec la fâcheuse tendance d’opposer les deux dimensions. Saint François nous met la tête dans le ciel et les pieds sur terre. Il nous apprend à aimer Jésus et les pauvres.

Le pape François a été élu en 2013 pour tourner l’Église vers la périphérie. Reste-t-il encore du chemin à faire?
Oui, et le chemin qu’il reste à faire est en réalité celui qui se trouve entre la tête et le cœur de chacun. Le pape donne une impulsion, une direction. Mais le plus important est que chacun se convertisse. Souvent, nous n’accueillons pas les pauvres parce que nous en avons la trouille. Parce que c’est comme si, inconsciemment, nous nous disions: «Si je touche un pauvre je vais devenir pauvre». En fait, nous n’accueillons pas notre limite.

«Il faut revenir à ces trois mots: adoration, compassion et évangélisation»

Il ne faut pas se tromper: la Journée mondiale des pauvres est pour tout le monde. Tant qu’on estimera que c’est pour les autres, qu’on n’est pas vraiment pauvre, on restera dans l’erreur de se penser «pleins de nous-même». Or, le pauvre est celui qui est dépendant, dépendant de Dieu, dépendant de ses frères et sœurs. Et si je suis dépendant des autres et de Dieu, alors Lui peut venir combler mon cœur.

Le risque de cette Journée mondiale des pauvres n’est-il pas de voir chacun reprendre une vie ordinaire les autres jours de l’année?
Pour éviter cet écueil, il faut comprendre que les pauvres ne doivent pas être à la porte de nos églises comme ils le sont souvent, mais doivent y être au cœur. On ne peut pas être des chrétiens «peinards», satisfaits des actions charitables de la veille. Il faut que chaque jour, nous soyons capables d’accueillir le pauvre d’à côté. Et nous n’y arriverons que lorsque nous serons capables d’accueillir chaque jour notre propre pauvreté. Faute de quoi nous tomberons amoureux d’une image de nous qui n’existe pas; nous nous rêverons et nous nous prendrons les pieds dans le tapis.

Quelles solutions selon vous?
Je pense qu’il faut revenir à ces trois mots: adoration, compassion et évangélisation. C’est en adorant le Seigneur qu’on peut lui demander de venir visiter nos fragilités et de nous donner un cœur de compassion. Avec ce cœur, nous deviendrons naturellement des missionnaires voulant annoncer le bon Dieu, donnant au pauvre d’à côté ce dont il a besoin, à commencer par du pain.

L’enjeu est donc bien la conversion personnelle. Et ce n’est pas nous qui nous convertissons. On se laisse convertir, tous les jours. Nous ne savons pas faire, mais nous pouvons appeler l’Esprit saint pour qu’il vienne faire le boulot en nous. (cath.ch/imedia/hl/rz)

Le pape a lancé la Journée mondiale des pauvres en 2016, lors du jubilé de la miséricorde après le pèlerinage organisé par Fratello. | © Fratello.org
11 novembre 2021 | 10:12
par I.MEDIA
Temps de lecture : env. 3  min.
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