Oran: 19 bienheureux pour l’Eglise et pour l’Histoire
Les 19 martyrs d’Algérie ont été déclarés bienheureux lors d’une messe célébrée au sanctuaire Notre-Dame de Santa Cruz, sur les hauteurs d’Oran. L’événement, qui semblait pourtant impossible à organiser, a eu lieu le 8 décembre 2018. Il fera date dans l’histoire de l’Eglise et dans l’Histoire.
«C’est bouleversant ! Ce qui vient de se dérouler ici à Santa Cruz est un événement historique». Mgr Paul Desfarges, archevêque d’Alger, a les larmes aux yeux. Assailli par des amis, des sœurs, des religieux qui viennent le saluer et le congratuler, il est resté au milieu de la place où vient de se dérouler la béatification de Pierre Claverie et de ses 18 compagnons.
Premiers bienheureux en terre musulmane
A quelques mètres de Mgr Desfarges, l’évêque d’Oran, Mgr Jean-Paul Vesco, exulte. Lui aussi est pressé de toutes parts. On lui tient les mains, on le prend par les épaules, on l’embrasse. Il rayonne. Tous deux semblent en lévitation au milieu de ce bouillonnement tranquille qu’engendre la fin de la célébration. C’est fait. L’Algérie tient ses bienheureux, les premiers en terre musulmane.
A la joie s’ajoute l’immense soulagement, proportionnel aux semaines de préparation, de négociations avec le gouvernement, de travail et d’organisation qu’a nécessité pareil événement. Le ciel résolument bleu, que l’évêque d’Oran a d’ailleurs mentionné dans la litanie des remerciements, a projeté une douce lumière sur le sanctuaire, quasi surnaturelle à cette époque de l’année.
Le silence
Aux antipodes de cette liesse, la messe de béatification a commencé dans le silence. Celui du recueillement, de la prière et d’une longue minute en hommage aux quelque 100 imams et aux Algériens morts durant ces ›années noires’. Le silence encore dans lequel Mgr Vesco a lu, en arabe, le testament de Mohamed, le chauffeur et ami de Mgr Pierre Claverie, mort dans l’attentat qui a coûté la vie à l’évêque d’Oran, le 1ᵉʳ août 1996.
«Nous saluons la fidélité de ces religieuses et de ces religieux restés fidèles à leur engagement et aux Algériens parmi lesquels ils vivaient». Et pourtant, souligne l’évêque d’Oran, Mohamed savait le danger qu’il courait en restant avec Pierre. «Il est difficile de savoir qui est resté auprès de qui. Ces gestes se sont confondus avec leur sang».
Panser les blessures de la guerre civile
Cette fidélité a été évoquée dans le message du pape François, lu par le cardinal Angelo Becciu, préfet de la congrégation pour les causes des saints, envoyé spécial du pape pour cette occasion. «Ces martyrs du plus grand amour sont ainsi restés fidèles au projet de paix du Seigneur, jusqu’à la mort». Leur béatification doit donc aider à panser les blessures de la guerre civile et à se souvenir de toutes les victimes de cette période de violence. Les applaudissements et les youyous ont salué le message pontifical.
«Ces martyrs ont pris part à l’affliction de leurs frères. Nous sommes pourtant invités à nous réjouir de cette nouvelle actualisation de l’Evangile», a relevé Mgr Becciu. Il a rappelé que la mort est une semence tombée en terre. Elle portera les fruits de réconciliation et de justice. Le cardinal Becciu a donné la bénédiction du pape à une petite Eglise, «mais aujourd’hui une Eglise glorieuse».
«Des montagnes ont été déplacées»
«Ce qui pouvait paraître impossible à mettre en œuvre l’a été», a lancé, dans une ultime prise de parole, Mgr Vesco. En lançant un ›immense merci’ au Saint-Père, l’évêque d’Oran n’a pas manqué de souligner que l’Algérie espérait toujours sa visite. Il a salué l’engagement des équipes qui ont œuvré à la réussite de cette béatification «qu’il était risqué d’organiser sur cette esplanade». «Nous sommes témoins que des montagnes ont été déplacées». (cath.ch/bh)