Opposition au DPI en Suisse: «Non à la sélection ciblée des êtres humains»
Berne, 23 mars 2015 (Apic) La Suisse, estime le Conseil fédéral, doit se doter des bases permettant aux couples risquant de transmettre une maladie grave à leur enfant de recourir au diagnostic préimplantatoire (DPI). Alors qu’Alain Berset, chef du Département fédéral de l’intérieur (DFI), a lancé lundi 23 mars la campagne concernant la «modification de l’article constitutionnel relatif à la procréation médicalement assistée et au génie génétique dans le domaine humain». L’opposition se mobilise. Elle dit non «à la sélection ciblée des êtres humains».
Contre l’avis du Conseil fédéral, un comité interpartis intitulé «NON au DPI» rejette l’amendement constitutionnel proposé. Pour les opposants – des représentants du PBD, PDC, PS et UDC, emmenés par le Parti Evangélique (PEV) – cette modification constitutionnelle «prétendument inoffensive crée la condition nécessaire pour le diagnostic préimplantatoire et ouvre ainsi les vannes à la sélection ciblée des êtres humains».
Le Parlement a «massivement élargi les possibilités du DPI»
Parce que le Conseil fédéral et le Parlement veulent permettre le diagnostic préimplantatoire (DPI), le peuple et les cantons voteront le 14 juin sur l’amendement constitutionnel. Les conditions cadres pour le DPI sont réglées dans la loi fédérale sur la procréation médicalement assistée (LPMA). Celle-ci a déjà été approuvée par le Parlement fédéral en décembre 2014 et entrera automatiquement en vigueur si la nouvelle disposition constitutionnelle est acceptée par le peuple.
Dans son projet de révision de la loi sur la procréation médicalement assistée (LPMA), le Conseil fédéral, ne souhaitait permettre l’analyse du patrimoine génétique de gamètes ou d’embryons ainsi que leur sélection au travers du DPI que lorsqu’une maladie héréditaire grave ne pourrait pas être évitée autrement. Le Parlement a cependant massivement élargi les possibilités du DPI, déplorent les opposants. Il ne concerne pas seulement les couples ayant une prédisposition génétique: tous les couples ayant recours à la fécondation artificielle doivent avoir accès au DPI. Du reste, les examens d’anomalies chromosomiques doivent également être autorisés. «Il serait ainsi possible d’éliminer des embryons porteurs de la Trisomie 21 avant l’implantation dans le sein maternel», affirme le comité interpartis, qui affirme que «quiconque dit NON à l’amendement constitutionnel empêche la sélection ciblée des êtres humains».
A quand les «bébés sauveurs» ?
Le comité national «NON au DPI» souligne que l’amendement constitutionnel sur le DPI permet non seulement une sélection ciblée des êtres humains tout en reportant ainsi la décision de savoir quelle vie est digne d’être vécue sur un laboratoire, mais il ouvre aussi grand les portes pour toute méthode imaginable de procréation médicalement assistée (par ex. bébés sauveurs, don d’embryons, etc.).
Afin de l’empêcher, le comité interpartis composé de représentants du PBD, PDC, PEV, PS et UDC dit de manière résolue NON à l’amendement constitutionnel prévu. Il présentera ses arguments lors de d’une conférence de presse le 31 mars prochain.
Pour le Conseil fédéral, aujourd’hui, la Suisse pratique une des réglementations les plus strictes d’Europe en matière de procréation médicalement assistée. Les couples porteurs d’une maladie héréditaire ne peuvent détecter sa transmission que pendant une grossesse, ce qui conduit souvent à un avortement. Certains se rendent à l’étranger pour procéder à des fécondations in vitro (FIV) dans des conditions plus souples.
A l’avenir, estime-t-il, les intéressés devraient pouvoir demander un diagnostic préimplantatoire, une technique permettant d’analyser un embryon conçu in vitro avant son implantation dans l’utérus pour y dépister d’éventuelles anomalies.
Le peuple ne se prononcera pas sur les détails de la réglementation, du moins pour l’heure. La votation porte sur une modification générale de la constitution. Le texte précise que «ne peuvent être développés hors du corps de la femme jusqu’au stade d’embryon que le nombre d’ovules humains nécessaire à la procréation médicalement assistée». Actuellement, seul le nombre d’ovules pouvant être immédiatement implanté – soit trois – est autorisé. En cas de soutien populaire, le nombre passerait à douze au maximum. Une femme peut produire jusqu’à une quinzaine d’ovules par cycle.
L’interdiction de conserver des embryons serait supprimée. Ainsi, les femmes qui recourent à une FIV pourraient se faire implanter un seul embryon et congeler les autres, évitant le risque d’une grossesse multiple.
Encadré
LE DPI
Le diagnostic préimplantatoire (DPI) est un procédé qui consiste à examiner les embryons sur le plan génétique. Il doit être effectué dans les premiers jours suivant la conception et n’est réalisable que si la fécondation a lieu hors du corps de la femme, dans un laboratoire médical (dans le cadre d’une fécondation in vitro, FIV). Le DPI vise à sélectionner des embryons qui ne sont pas porteurs d’une prédisposition à une maladie grave, héritée des parents, et ne présentent pas de caractéristiques particulières qui pourraient empêcher le succès de la grossesse.
En Suisse, le DPI est interdit depuis l’entrée en vigueur en 2001, de la loi sur la procréation médicalement assistée. En 2013, le Conseil fédéral a transmis au Parlement un projet concernant la modification de la disposition constitutionnelle relative à la procréation médicalement assistée et au génie génétique dans le domaine humain (art. 119 Cst.) et de la loi sur la procréation médicalement assistée (LPMA). Les modifications proposées permettent une réalisation du DPI dans des conditions favorables.
Le Parlement a achevé l’examen des projets le 12 décembre 2014. La LPMA modifiée autorise le DPI à certaines conditions. «L’article constitutionnel modifié permet la réalisation du DPI dans des conditions cadres offrant des perspectives de succès. La disposition figurant à l’art. 119 Cst. selon laquelle, dans le cadre d’une fécondation in vitro, il n’est possible de développer hors du corps de la femme, par cycle de traitement, que le nombre d’embryons pouvant être immédiatement implantés, a été adaptée. A l’avenir, autant d’embryons que le traitement prévu le nécessite pourront être développés par cycle», écrit l’Office fédéral de la santé publique OFSP.
Toute modification constitutionnelle est sujette au référendum obligatoire. La modification de l’art. 119 Cst. sera donc soumise au vote populaire le 14 juin 2015. Le peuple et les cantons pourront se prononcer sur l’adaptation de la LPMA uniquement si la modification de la disposition constitutionnelle est acceptée et si, ensuite, le référendum facultatif aboutit. (apic/com/pev/ofsp/be)