Leonardo Sandri est l'un des cardinaux électeurs qui quitteront leurs prérogatives en 2023 | © google.fr
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Onze cardinaux devraient perdre leur statut d'électeur en 2023

En 2023, sauf décès ou exclusion du collège cardinalice, 11 cardinaux devraient perdre leur droit de participer à un conclave, du fait de leur 80e anniversaire. Cinq Italiens, un Tchèque, un Bangladais, un Argentin, un Coréen, un Malien et un Péruvien, tous nés en 1943, sortiront du collège des cardinaux électeurs.

Leur nombre devrait donc passer de 125 (après l’anniversaire du cardinal Oscar Maradiaga, le 29 décembre prochain) à 114 membres. Cette évolution naturelle actera notamment le déclin de la présence italienne pour un futur conclave : sauf en cas de consistoire en cours d’année, le nombre de cardinaux italiens appelés à élire le futur pape passera de 19 à 14.

Le premier cardinal à perdre ses prérogatives électorales en 2023, sera, le 14 janvier, le cardinal Angelo Bagnasco, qui fut notamment archevêque de Gênes de 2006 à 2020. Créé cardinal par Benoît XVI en 2006, le président de la Conférence épiscopale italienne durant deux quinquennats (2007-2017) fut considéré comme l’artisan d’une opposition feutrée au pontificat de François, freinant la mise en œuvre des réformes souhaitées par le pape argentin au sein de l’Église d’Italie. Il a par ailleurs présidé le Conseil des Conférences épiscopales d’Europe (CCEE) de 2016 à 2021.

Le cardinal Angelo Bagnasco | Youtube.com

Un autre Italien, le cardinal Domenico Calcagno, aura 80 ans le 3 février. Passionné d’armes et surnommé ironiquement «Mgr Rambo», il a présidé l’Administration du Patrimoine du Siège Apostolique (APSA) de 2011 à 2018, et avait à ce titre été créé cardinal par Benoît XVI en 2012. Il a fait l’objet de nombreuses critiques pour sa gestion d’un cas d’abus et pour des problèmes financiers lorsqu’il était évêque de Savone (2002-2007). Il vit une retraite discrète au Vatican, après s’être opposé aux réformes financières menées par le cardinal australien George Pell lorsque celui-ci était préfet du secrétariat pour l’Économie.

Le 26 avril, ce sera au tour du cardinal tchèque Dominik Duka de perdre ses droits de cardinal électeur. Ce dominicain, très proche de Benoît XVI, est l’une des dernières grandes figures encore en vie de la résistance chrétienne au communisme en Europe centrale. Ordonné prêtre en 1970, il fut longtemps contraint de vivre son sacerdoce dans la clandestinité, travaillant par ailleurs comme dessinateur industriel dans une usine Skoda. Son séjour en prison au début des années 1980 lui donna l’occasion de se lier avec plusieurs figures de la dissidence, notamment Vaclav Havel. Après la chute du communisme, le Père Duka, en tant que provincial des dominicains de Tchécoslovaquie, fut l’un des artisans de la reconstruction morale du pays. Archevêque de Prague en 2010, il a été créé cardinal en 2012 et s’est retiré en mai 2022.

Le 2 juin, le cardinal italien Crescenzio Sepe sortira du collège des cardinaux électeurs. Après une carrière au sein de la secrétairerie d’État, ce Napolitain a été chargé de l’organisation du Grand Jubilé de l’an 2000. Il est ensuite devenu préfet de la puissante congrégation pour l’Évangélisation des peuples en 2001, étant créé cardinal la même année par le pape Jean Paul II. Mis en cause pour sa gestion financière de ce dicastère, il a ensuite été, de 2006 à 2020, archevêque de Naples, où il a été apprécié pour son dynamisme pastoral et ses prises de position contre la mafia. Il a reçu le pape François à deux reprises dans son diocèse, le 21 mars 2015 et le 21 juin 2019.

Le 30 juillet, le cardinal italien Giuseppe Versaldi ne sera plus électeur à son tour. Le dernier responsable de la préfecture pour les Affaires économiques (2011-2015) avant l’absorption de cet organisme par le secrétariat pour l’Économie fut créé cardinal par Benoît XVI en 2012. Mis en cause dans des affaires de corruption finalement classées sans suite par la justice italienne, il fut ensuite préfet de la congrégation pour l’Éducation catholique de 2015 à 2022. 

Le cardinal Giuseppe Versaldi | © Vatican Media

Le 17 septembre, le cardinal italien Angelo Comastri perdra son droit de vote. Après avoir été notamment archevêque-prélat de Lorette, cet ami personnel de Mère Teresa et de Jean Paul II fut appelé à Rome comme archiprêtre de la basilique Saint-Pierre de 2006 à 2021, et a été élevé au cardinalat par Benoît XVI en 2007.

Ce prélat apprécié pour la densité de ses écrits spirituels a vu la fin de son mandat entachée par des affaires de harcèlement survenues dans le petit séminaire Saint Pie X au sein du Vatican dont il avait la tutelle, et par des interrogations sur sa gestion financière de la Fabrique de Saint-Pierre. Le pape lui a néanmoins maintenu sa confiance jusqu’à plus de 77 ans. Aujourd’hui, il continue à assurer la conduite de temps de prière, notamment le chapelet du midi à la basilique Saint-Pierre, une tradition instaurée durant le premier confinement au printemps 2020. 

Le 1er octobre, le premier cardinal du Bangladesh, Patrick D’Rozario, qui fut aussi le premier prêtre catholique ordonné dans ce pays après son indépendance en 1971, quittera le collège des cardinaux électeurs. Ce religieux de la congrégation de la Sainte-Croix, francophone et formé en théologie morale à l’Université de Louvain dans les années 1970, est devenu évêque en 1990. Il a été choisi par Benoît XVI pour devenir archevêque de la capitale, Dacca, en 2011, et a gardé son poste jusqu’en 2020. François en a fait le premier cardinal de ce pays majoritairement musulman en 2016, et s’est rendu dans son diocèse l’année suivante, notamment pour encourager l’accueil des réfugiés Rohingyas fuyant la Birmanie voisine.

Le cardinal Andrew Yeom Soo-Jung | © Wikimedia/cbck.or.kr/CC BY 2.5

Le 18 novembre, le cardinal argentin Leonardo Sandri quittera ses prérogatives de cardinal électeur. L’ancien préfet du dicastère pour les Églises orientales de 2007 à 2022 – qui cédera formellement ce poste à Mgr Claudio Gugerotti en janvier prochain -, a effectué une longue carrière au sein de la diplomatie pontificale. Il fut notamment nonce apostolique au Venezuela puis au Mexique, avant d’assurer de 2000 à 2005 la charge de substitut de la secrétairerie d’État. Il fut à ce titre chargé d’annoncer la mort de Jean Paul II, dans la soirée du 2 avril 2005. Créé cardinal par Benoît XVI en 2007, il est actuellement vice-doyen du Sacré-Collège et devrait garder cette prérogative après son 80e anniversaire, cette charge n’étant pas concernée par la limite d’âge. 

Le 5 décembre, le cardinal Andrew Yeom Soo-jung (Corée du Sud) franchira à son tour le seuil des 80 ans. Ce petit-fils de martyrs a été archevêque de Séoul de 2012 à 2021, et il a été créé cardinal par le pape François en 2014. Cette même année, la Corée du Sud a accueilli le troisième voyage apostolique du pape argentin, montrant le visage d’une Église très dynamique et missionnaire. Les vocations sacerdotales sont nombreuses: en 2017, son diocèse comptait environ 900 prêtres. Le cardinal sud-coréen, très engagé pour la réconciliation intercoréenne, occupait aussi la charge symbolique d’administrateur apostolique du diocèse de Pyongyang, sans pouvoir l’exercer concrètement en raison de l’absence de liberté religieuse en Corée du Nord.

Le 27 décembre, le cardinal Jean Zerbo, encore en poste comme archevêque de Bamako en décembre 2022, fêtera son 80e anniversaire. Le premier cardinal du Mali, pays majoritairement musulman, incarne le défi du dialogue islamo-chrétien au Sahel, région du monde marqué par l’instabilité politique et le défi islamiste. Évêque auxiliaire dès 1988 puis archevêque de la capitale malienne depuis 1998, ce prélat très respecté par les différents gouvernements successifs a vu sa réputation entachée par des accusations d’évasion fiscale, dans le cadre de l’enquête «Swiss Leaks»: avec deux autres responsables de l’Église du Mali, il aurait, selon un consortium de journalistes, placé 12 millions d’euros sur des comptes bancaires en Suisse.

Enfin, le 28 décembre, le cardinal Juan Luis Cipriani Thorne (Pérou) quittera le collège des cardinaux électeurs. Très discret depuis son retrait en 2019, il a administré le diocèse de Lima durant 20 ans, et fut créé cardinal par Jean Paul II en 2001, en même temps que le futur pape François, qui lui rendra visite dans son diocèse en janvier 2018. Le cardinal péruvien, réputé conservateur, a notamment mené un long bras de fer avec l’Université pontificale catholique du Pérou, jugée trop libérale. Cet ancien basketteur de haut niveau, qui a joué dans l’équipe nationale avant de devenir prêtre, incarnait le rempart de l’Opus Dei contre la théologie de la libération.

Ces anniversaires pourraient ouvrir la voie à un consistoire, potentiellement à l’automne 2023, afin de renouveler le Sacré-Collège. Certains évêques comme Mgr Claudio Gugerotti, le nouveau préfet du dicastère pour les Églises orientales, pourraient alors logiquement se voir élevés à la pourpre. La limite théorique du nombre de cardinaux électeurs a été fixée par Paul VI à 120 membres, mais les papes successifs, depuis Jean Paul II, ont dépassé ce seuil à plusieurs reprises. (cath.ch/imedia/ic/cv/rz)

Leonardo Sandri est l'un des cardinaux électeurs qui quitteront leurs prérogatives en 2023 | © google.fr
5 janvier 2023 | 15:02
par I.MEDIA
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