Oksana La Spina: bribes de souvenirs de Noël en Russie
Domiciliée à Fribourg, Oksana La Spina est une «inconditionnelle» de Noël. Famille réunie, repas, cadeaux sous le sapin… Des incontournables pour cette Russe qui a grandit dans un pays où les festivités chrétiennes ont peu à peu refait surface.
Grégory Roth
Aujourd’hui, Noël est une grande fête populaire en Russie. Et Moscou fait partie des villes européennes les plus réputées pour ses illuminations et décorations de Noël. Mais il n’en pas toujours été ainsi. Du temps de l’URSS, la religion n’avait pas de place. Il fut interdit de célébrer Noël à partir de 1929 et c’est le Nouvel An qui fit dès lors office de fête populaire.
Née dans les années 1970, Oksana La Spina a grandi dans la ville de Stavropol. «Pour être honnête, j’ai très peu de souvenirs d’enfance de Noël en Russie. Parce qu’à l’époque, l’État n’était pas encore très favorable aux festivités chrétiennes, même s’il commençait à tolérer progressivement certaines pratiques».
Les cadeaux à Nouvel An
Oksana se rappelle qu’avec son petit frère, ils ouvraient encore leurs cadeaux en famille à la veille du Nouvel An – la Russie communiste ayant commencé, en 1918, à suivre le calendrier grégorien, comme l’Europe, en adoptant le 1er janvier pour marquer la nouvelle année.
Quant à la fête religieuse de Noël, la tradition orthodoxe russe, qui a conservé le calendrier julien, la célèbre dans la nuit du 6 au 7 janvier. «A part la messe à l’église, les festivités n’occupaient que peu de place dans l’espace public. Je ne m’en rappelais plus, mais ma maman m’a raconté que, de Noël au Nouvel An orthodoxe [7 au 14 janvier, ndlr], je me déguisais et j’allais chanter quelques airs de Noël dans le quartier, en faisant du porte à porte chez les voisins. Un peu à la manière les enfants à chaque 1er mai, dans le canton de Fribourg.»
Poisson, rôti et ‘kutya’
Elle se rappelle bien en revanche des dîners de Noël que ses parents organisaient chez eux. «C’était l’occasion de partager un repas festif, non pas avec la famille élargie, comme on le fait en Europe, mais avec quelques amis du quartier. Au menu, il y avait la traditionnelle ‘kutya’ (koutia), une galette à base de riz, de raisins secs, de miel et de pavots. Mais aussi un plat de poisson, avec antipasti au vinaigre, et un autre plat de viande rôtie – pour les familles qui avaient les moyens –, et comme dessert, des pommes au four, fourrées aux fruits secs et au miel».
«Dans les mets de Noël, le miel est très présent, relève Oksana, il joue un rôle presque ‘théologique’, parce qu’il évoque la douceur, en lien avec la naissance de Jésus». Les souvenirs d’Oksana pour ces repas de fête sont restés intacts. Pas étonnant qu’elle ait continué à y accorder une importance fondamentale jusqu’à aujourd’hui. «Pour moi, il est essentiel que Noël se vive à table. D’ailleurs, je suis capable de passer plusieurs jours aux fourneaux, si la préparation du menu le nécessite.»
Un rituel bien rôdé
Arrivée en Suisse à l’âge de vingt ans, Oksana a commencé à vivre au rythme européen et a «appris» à fêter Noël le 25 décembre, tout en se familiarisant avec les coutumes et traditions qui y sont liées. «Chaque année, le rituel est bien rôdé: on se retrouve une première fois en famille au début de l’Avent autour d’un repas. C’est l’occasion pour les adultes de tirer au sort de nom de la personne à qui ils offriront un cadeau. Les noms tirés restent secrets, bien sûr. Cela permet de ne pas démultiplier les cadeaux, mais de se concentrer sur un seul qui sera vraiment utile à la personne qui nous a été attribuée. Et bien sûr, cela permet que chacun reçoive au moins un cadeau et que personne ne soit oublié».
«Une semaine après, je décore le sapin dans le salon, avec ma fille, et on prépare les biscuits de l’Avent. Elle est aussi passionnée de Noël que moi, je pense que je lui ai transmis le virus. D’ailleurs c’est elle qui prépare toute la décoration de la table. À une semaine de la fête, j’installe un autre sapin – un vrai cette fois-ci – dans le corridor, avec chaque année de nouveaux éléments, si possible. Et finalement, j’attaque la préparation du repas, chaque année différent». Et que sera le menu cette année? Malheureusement pour nous, il fait aussi partie de la surprise. Elle se réserve donc le droit d’en garder le secret…
«L’Ancien Nouvel An»
Pour Oksana La Spina, établie de longue date en Suisse et ayant épousé un italien ‘catholique’, c’est devenu presque instinctif de fêter Noël le 25 décembre. Mais, à l’arrivée du 7 janvier, elle réunit toujours quelques amis proches pour fêter le Noël orthodoxe, autour des plats traditionnels. Et si elle est en Russie à cette période, elle fêtera volontiers l’Ancien Nouvel An, dans la nuit du 13 au 14 janvier. Avec quelques amis d’enfance, ce sera alors l’occasion de se souhaiter «S Novim Godom!», en sabrant le champagne. Et pourquoi pas une vodka? (cath.ch/gr)
En chemin vers Noël
Pour la période de l'Avent, cath.ch vous invite à la rencontre de quelques personnes de Suisse romande qui nous ont raconté un de leurs souvenir de Noël.