Œuvres complètes: «un hommage à la grandeur» de Maurice Zundel
Le premier volume des œuvres complètes de Maurice Zundel vient de paraître sous le titre «Vivre la divine liturgie» (Parole et Silence). Premier d’une série de 9 tomes, il regroupe toutes les publications du prêtre et mystique neuchâtelois de 1918 à 1935.
«Dans ce premier volume, on revisite la genèse de la pensée de Maurice Zundel [1897-1975], explique l’abbé Marc Donzé, cheville ouvrière du projet. C’est émouvant: toutes ses intuitions fondamentales sont là, dès le début. On peut voir comment il essaie de les orchestrer à travers une expression qui s’affinera au fil du temps. On découvre également les thèmes qui l’intéressent: la liturgie, objet de son premier livre. Mais aussi des questions politiques et sociales, comme le suffrage féminin qu’il défend dans un article paru dans le Courrier de Genève en 1921».
«Zundel, c’est la capacité d’ouvrir les bras et d’aller à la rencontre.»
Concrètement, ce premier volume de 535 pages contient deux versions du Poème de la sainte Liturgie (1926 et 1934), les articles publiés entre 1918 et 1935 et des retranscriptions de ses conférences et de ses homélies qui ont trait à la liturgie. Ce thème «tient une place centrale dans la vie de Maurice Zundel, atteste Marc Donzé. La célébration de l’Eucharistie le faisait vivre. Elle transformait son cœur et nourrissait ses engagements sociaux.»
Indémodable
Vivre la divine liturgie inaugure ainsi une série de neuf volumes à paraître chez l’éditeur franco-suisse Parole et Silence. «C’est un hommage à la grandeur, à la fécondité et à la nouveauté de la pensée de Maurice Zundel», explique Marc Donzé pour expliciter l’enjeu d’un tel projet.
80 ans plus tard, que reste-t-il de l’actualité de cette œuvre? «Je crois qu’elle est indémodable. Précisément parce que ces textes vont chercher à une très grande profondeur de la vie de l’homme et de la vie de l’homme avec Dieu. Tout en restant lisibles aujourd’hui parce que l’expression est relativement moderne par rapport à ce qui s’écrivait dans l’Eglise à cette époque-là».
Cette actualité s’entrevoit sur les questions qui agitent l’Eglise aujourd’hui. «Jamais Zundel n’envisage le sacerdoce comme un pouvoir, assure Marc Donzé. Il s’agit pour lui d’une ‘dé-mission’, d’une transparence qui vise à laisser transparaître la lumière du Christ. L’exact envers du cléricalisme. Ce n’est pas l’institution et ses parts de marché qu’il faut sauver, mais le Christ. Dieu lui-même, écrit Zundel qui partage, sans la connaître et au même moment, l’intuition d’Etty Hillesum» [jeune femme juive des Pays-Bas, mystique, morte en 1943 au camp de concentration d’Auschwitz., ndlr].
Dans cette ‘dé-mission’ se situe la quintessence de la pensée zundélienne et l’héritage qu’il laissera sans doute à la théologie contemporaine, selon Marc Donzé. «Toute sa vision anthropologique et théologique tient dans la pauvreté telle qu’il l’entend: la non-appropriation et le don de soi. Pour le dire plus simplement, la capacité d’ouvrir les bras et d’aller à la rencontre».
Zundel laissera aussi «une immense insistance sur l’intériorité, en reprenant saint Augustin et en l’orchestrant à sa manière, via l’art et la science, notamment – deux voies d’accès pas très courantes en ce temps-là dans l’Eglise. De même que sa capacité à dialoguer avec ceux qui étaient, de son temps, les grands objecteurs de Dieu – Nietzsche, Sartre ou encore Camus».
Poursuivi par Zundel
A la retraite depuis peu, l’ancien vicaire épiscopal du canton de Vaud ne compte plus les heures consacrées à ce projet. «J’ai toujours été poursuivi par Zundel», sourit-il. Marc Donzé fut le premier à écrire une thèse sur la théologie de Zundel, qu’il ne connaissait alors pas outre mesure. «Je cherchais un thème. L’intuition est tombé d’un coup, paf!, comme ça. Je me suis alors dit: ‘pourquoi pas’».
Des années plus tard, Zundel le suit toujours. «J’ai dû venir à Lausanne, mon logement se trouve sur sa paroisse, on m’a donné un bureau pour m’occuper de la Fondation alors que j’entamais ma retraite. J’ai donc le temps et la disponibilité matérielle nécessaires». Autant de signes «particulièrement clairs» d’une mission qui durera encore quelques années, jusqu’au point final du neuvième tome des œuvres complètes en 2027, à condition de tenir la cadence d’une publication par année. (cath.ch/pp)
Maurice Zundel, Vivre la divine liturgie, œuvres complètes, Vol. 1, Parole et Silence, Paris, Les Plans-sur-Bex, 2019, 535 p.