Mgr Jean-Claude Périsset, ancien nonce apostolique notamment en Allemagne (photo Maurice Page)
Suisse

Nouvel éclairage sur l'affaire du capucin pédophile Joël Allaz

Depuis la parution du livre de Daniel Pittet «Mon Père je vous pardonne» racontant les abus sexuels infligés par le capucin Joël Allaz, de nombreux points d’interrogation demeurent quant à la responsabilité des évêques et des supérieurs religieux. Pour savoir comment le religieux a pu poursuivre sa carrière de pédophile aussi longtemps avec un aussi grand nombre de victimes.

Mgr Jean-Claude Périsset à l’époque official (juge ecclésiastique) du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF), a livré par écrit à kath.ch quelques éléments de compréhension supplémentaires. En 1989, lorsque Daniel Pittet dénonce le Père Joël, 21 ans après les premiers faits, il est reçu par Mgr Périsset qui l’écoute et le croit, comme il le décrit dans son livre. L’official promet à Daniel que le Père Joël sera relevé de toutes ses tâches pastorales et soumis à un traitement psychologique. Mgr Pierre Mamie évêque du diocèse en est également informé.

Dans les trois jours, le Père Joël est effectivement déplacé dans le diocèse de Grenoble, d’entente entre Mgr Mamie et le Père Gervais Aeby, alors provincial des capucins suisses qui mourra quelques mois après dans un attentat.

A la question de savoir pourquoi le Père Joël a pu continuer à exercer son ministère de prêtre en France, Mgr Périsset répond en expliquant que sitôt que le Père Joël a avoué avoir abusé sexuellement du jeune Daniel, «j’ai dit au supérieur régional des capucins de Suisse: maintenant vous savez ce que vous avez à faire!». L’official ne s’est pas exprimé plus concrètement, «car je ne pouvais pas décider en passant par-dessus sa responsabilité». Dans la même semaine le Père Allaz est relevé de sa charge de catéchiste dans la paroisse fribourgeoise de Lully où il se trouvait alors.

Le rôle de la prescription

Ce qui a été discuté entre Mgr Mamie et le Père Gervais ne peut pas être reconstitué. (les deux sont aujourd’hui décédés, ndlr) «Mon rôle était terminé du moment que les supérieurs du Père Joël savaient ce qu’ils avaient à faire après la reconnaissance des abus sur Daniel Pittet», estime l’ancien official. Aucune plainte pénale n’a été déposée, pas plus qu’une procédure canonique n’a été ouverte. Mgr Périsset le justifie par la prescription. Selon le droit de l’époque, les abus sexuels étaient prescrits après 10 ans pour le droit pénal et 5 ans pour le droit canonique. Les faits dénoncés par Daniel Pittet étaient bien antérieurs à ces délais. La prescription du droit canon a évolué depuis, passant de 10 ans en 2001 à 20 ans depuis 2010.

Mgr Charles Morerod, actuel évêque de LGF, a confirmé que les faits étaient prescrits et que Mgr Périsset, en tant qu’official, ne disposait pas de l’indépendance nécessaire pour agir. Mgr Amédée Grab, évêque de LGF de 1995 à 1998, a indiqué à cath.ch ne pas avoir été au courant des abus commis par le Père Joël. C’est finalement Mgr Bernard Genoud qui reprendra l’affaire après une nouvelle dénonciation de Daniel Pittet en 2002.

Après la parution du livre de Daniel Pittet, les capucins suisses et le diocèse de LGF ont annoncé une investigation confiée à une instance indépendante pour faire la lumière sur les faits. Ils ont invité les victimes du Père Joël à se faire connaître. (cath.ch/kath.ch/sys/mp)

 

Mgr Jean-Claude Périsset, ancien nonce apostolique notamment en Allemagne (photo Maurice Page)
5 avril 2017 | 17:31
par Maurice Page
Temps de lecture : env. 2  min.
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