«Nous sommes une Eglise de laïcs», affirme Mgr Pablo Schmitz
Fribourg: Missio invite deux évêques de la Côte atlantique du Nicaragua
Fribourg, 21 septembre 2011 (Apic) «Sans tous les laïcs très engagés dans un millier de communautés de villages, dans ces régions isolées, notre Eglise ne pourrait pas survivre… Le prêtre ne peut les visiter que deux fois par an!» Mgr Pablo Schmitz, évêque du vicariat apostolique de Bluefields, sur la Côte atlantique du Nicaragua, confie à l’Apic: «Les laïcs sont ici les protagonistes de l’Eglise, les délégués de la Parole sont la colonne vertébrale des communautés».
Le religieux d’origine américaine, au retour du deuxième pèlerinage des évêques capucins du monde entier, du 13 au 15 septembre à San Giovanni Rotondo, en Italie, était de passage à Fribourg avec son auxiliaire, Mgr David Albin Zywiec, également capucin. Tous deux étaient invités par Missio, la branche suisse des Œuvres Pontificales Missionnaires internationales.
Dimanche de la Mission Universelle le 23 octobre prochain
«L’Eglise du Nicaragua est l’Eglise-témoin pour le Dimanche de la Mission Universelle le 23 octobre prochain. Nous avons invité les évêques de Bluefields parce que c’est un territoire de mission, dépendant ainsi directement à Rome de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples (Propaganda Fide)», précise Martin Bernet, de l’équipe de direction de Missio à Fribourg.
Missio invite depuis 1998 paroisses, personnes, groupes ou communautés à rejoindre son réseau de prière. Chaque jour du mois d’octobre, au moins une paroisse, un groupe de prière ou une communauté religieuse manifeste sa communion avec l’Eglise-témoin de la campagne de Missio par un temps de prière. Cette année, le choix s’est porté sur le vicariat apostolique de Bluefields, une des régions les plus pauvres et les plus isolées du Nicaragua (*).
Seulement 32 prêtres pour un territoire grand comme une fois et demi la Suisse
Rassemblée dans deux régions autonomes du Nicaragua, l’Eglise de la Côte atlantique est une Eglise de laïcs, avec seulement 32 prêtres actifs (dont une majorité d’étrangers) dans une région peu développée de près de 60’000 km2, soit une fois et demi la Suisse. Ce territoire, représentant la moitié de la superficie du Nicaragua, compte quelque 900’000 habitants sur une population totale du pays de près de 6 millions d’âmes.
«Le vicariat apostolique de Bluefields, fondé en décembre 1913, a été dès le début confié aux capucins, d’abord à la province capucine de Catalogne. Mais en 1938, en raison de la guerre civile en Espagne, il n’y a plus eu de capucins espagnols. Le vicariat a alors été confié à la province capucine de St-Joseph à Détroit, Michigan», précise Mgr Pablo Schmitz.
En 1970, la Côte atlantique comptait quelque 300’000 habitants. Mais suite à la guerre menée par la contra, avec l’appui de la CIA, contre le gouvernement sandiniste de Managua dans les années 80, plus d’un demi million de Nicaraguayens de langue espagnole, venant de la Côte pacifique, ont immigré dans cette région où subsistaient des cultures indiennes et créoles anglophones. Avec l’arrivée de ces hispanophones, traditionnellement catholiques, l’Eglise morave, présente notamment dans les communautés Afro-Caribéennes, ainsi qu’auprès des Indiens Miskitos, Sumus (que l’on appelle désormais Mayangnas) et Ramas, a perdu de l’influence.
Cette Eglise protestante historique du Nicaragua trouve son origine dans les missions de Frères moraves allemands qui arrivèrent dans cette région au milieu du XIXe siècle. «Depuis la guerre, qui a provoqué l’arrivée massive de catholiques venant de la Côte pacifique, la présence de l’Eglise morave est proportionnellement plus faible, mais cela n’empêche pas que les relations œcuméniques soient bonnes», explique le vicaire apostolique de Bluefields. L’Eglise morave a collaboré avec l’Eglise catholique pour réaliser une traduction du Nouveau Testament dans la langue des Miskitos. «Il n’y a pas de tensions avec les Eglises historiques – Eglises morave, anglicane, baptiste -, note Mgr Schmitz, le problème vient plutôt des groupes évangéliques en forte progression».
L’affectivité est très importante chez les fidèles de la Côte atlantique
L’Eglise morave souffre certainement d’un manque d’adaptation: ses chœurs d’Eglise sont de haute qualité, mais la population préfère un langage plus vivant, souligne le prélat catholique. «Les gens chez nous sont peu scolarisés, la partie affective, la musique, sont très importantes. Les fidèles nous accueillent dans les communautés avec leur guitare, des chants de style ’ranchero’, ’reggae’… Nous nous sommes inculturés, stimulés par ce que font les pentecôtistes… Ce sont les laïcs qui donnent le ton. Ils sont très bien organisés: chaque communauté a son comité, composé d’un président, d’un vice-président et d’un secrétaire. En font partie les catéchistes, les personnes engagées dans la promotion humaine, dans la promotion de la femme, dans les pastorales des enfants et des jeunes, au niveau de l’école», poursuit Mgr Schmitz.
Le vicariat a installé plus d’un millier de ministres extraordinaires de la communion, car les prêtres ne peuvent venir dans les communautés que rarement, étant donné les distances et la nature du terrain. La région compte tout juste 150 km de routes goudronnées!
Ainsi, conclut-il, sans les laïcs, «nous ne pourrions rien faire, dans ces régions où 95% des villages n’ont pas d’électricité, où l’on ne peut se déplacer qu’en jeep sur des pistes, des chemins boueux, en bateau ou à dos de mulet… Les délégués de la Parole sont la colonne vertébrale de nos communautés. Nous sommes une Eglise jeune, pleine d’espérance, dont les laïcs, qui jouent un rôle primordial dans l’évangélisation, sont les premiers protagonistes».
Encadré
(*) Cette année, Missio soutient financièrement 40 jeunes filles en difficultés de la communauté de Puerto Cabezas, accueillies chez les Sœurs carmélites dans le foyer «Niño Jésus de Praga». Dans cette région vivent des Indios, des Noirs et des Créoles, bien souvent exclus ou marginalisés. La pauvreté rime avec chômage, alcoolisme, familles éclatées, violence… Les enfants ne sont pas épargnés et fuient leur maison pour se retrouver à la rue. Les jeunes filles se retrouvent très vite avec un enfant. Aussitôt, les portes de la formation se ferment pour elles. L’Eglise ouvre des maisons pour accueillir et aider ces jeunes filles. (apic/be)