Nicolas de Flue: Un saint paradoxal
Nicolas de Flue est un saint paradoxal. Il s’est rendu proche des autres en s’éloignant, en se mettant à l’écart. Tel est le message retenu par Mgr Charles Moredod, le 5 novembre 2016, à St-Maurice.
Pour la 20e édition des Rencontres Nicolas et Dorothée de Flue et à la veille des célébrations du 6e centenaire de la naissance de l’ermite du Ranft, il était de circonstance de se pencher sur l’actualité du saint patron de la Suisse. L’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg n’a pas cherché à gommer l’étrangeté de la vocation de Nicolas qui interpellait déjà le bon sens de ses contemporains.
Sa brusque rupture avec le monde en abandonnant femme et enfants pour se faire ermite, son jeûne absolu hormis l’eucharistie durant près de vingt ans, font de lui un être hors normes. Il montre en tout cas «qu’être chrétien n’est pas être vaguement gentil avec tout le monde». Cette radicalité de Bruder Klaus inquiète même les meilleurs esprits de son époque. «Avec l’humilité et la foi, je ne peux pas faire fausse route», répondait l’ermite à ses amis qui l’interrogeaient.
«Dieu le sait»
Le jeûne absolu de Nicolas qui pendant vingt n’eut aucune autre nourriture que l’eucharistie, solidement attesté historiquement, n’est qu’une question secondaire, note Mgr Morerod en reprenant le commentaire du cardinal Journet.
Ce qui est décisif n’est pas ce phénomène extraordinaire, mais sa sainteté, sa droiture absolue et son équilibre mental. Nicolas n’en a jamais tiré la moindre gloire. A ceux qui le questionnaient à ce sujet, il se contentait de répondre laconiquement: «Dieu le sait.»
Dieu est la paix
Dans une Confédération helvétique de la fin du 15e siècle où les tensions étaient vives, les conseils de l’ermite du Ranft ont permis d’assurer la paix. Ses recommandations sont assez simples: pas de politique vénale, faire passer l’honneur avant la politique, ne pas s’allier à des voisins qui risqueraient de vous entraîner dans un conflit. Pour Frère Nicolas, selon sa formule restée célèbre, «la paix est toujours en Dieu, car Dieu est la paix».
Un starets des montagnes suisses
Les partisans de la Réforme, qui surviendra en Suisse une trentaine d’années après sa mort, ne manqueront pas de se référer à lui, souligne Mgr Morerod. Il est un laïc, il conteste l’ordre établi, il vit dans une simplicité extrême, il est comme ‘possédé’ de Dieu. Ces caractéristiques le rapprochent de l’idéal protestant. Il est aussi, et peut-être surtout, un saint du lieu qui montre que la perle de l’Evangile peut être possédée par quelqu’un ‘de chez nous’ ou pour reprendre la formule du cardinal Journet, Bruder Klaus est «un starets des montagnes de la vieille Suisse germanique».
Une prière du Catéchisme
La prière de Nicolas de Flue, «Mon Seigneur et mon Dieu…» est un magnifique résumé de la vie chrétienne, note Mgr Morerod. Citée par le Catéchisme de l’Eglise catholique, elle s’apparente beaucoup à la prière d’abandon d’un autre chercheur d’absolu, l’ermite du Sahara, Charles de Foucauld. Il s’agit au centre d’être avec Dieu et d’enlever le reste.
Un saint contemporain
Comment un saint qui a vécu il y a 600 ans peut-il avoir quelque chose à dire à notre monde contemporain? Le président de la Conférence des évêques suisses a trouvé des réponses dans les enseignements des papes. Le premier élément relevé est le prix du silence, comme le rappelle le pape François. C’est en méditant la Parole de Dieu qu’on se rend capable de miséricorde, qui ne consiste pas à s’agiter dans les tous les sens, même en faveur des plus démunis.
Le sens du bien commun est aussi un autre enseignement de Frère Nicolas. Dans une société où l’homme est devenu sa propre référence, son cœur est vide, explique le pape François dans son encyclique Laudato si. Pour le remplir, l’homme doit acheter, posséder, consommer avec ‘voracité’ quitte à en priver les autres.
La paix intérieure est aussi une des caractéristiques de l’ermite du Ranft. Il la trouve bien sûr en Dieu mais aussi dans la contemplation de la nature. C’est la capacité d’admiration de la création qui mène à la profondeur de la vie et qui rend possible sa préservation, relève le pape François.
Frère Nicolas manifeste que l’essentiel est intérieur. Benoît XVI dans Spe Salvi rappelle que le bien-être moral d’une société ne peut pas être garanti par les structures, même bonnes. On ne peut pas mettre hors-jeu la liberté de l’homme. L’essentiel pour bien agir extérieurement est ce qui est à l’intérieur.
Enfin Nicolas de Flue est un saint paradoxal. Il se rend proche en se mettant à l’écart. «Si on veut être utile au monde, il faut d’abord être proche de Dieu», conclut Mgr Morerod. (cath.ch-apic/mp)