Nicolas Betticher: «J’ai eu des évêques qui m’ont appelé»
Après son départ de sa charge de vicaire général du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, à fin 2011, Nicolas Betticher avait un peu disparu du devant de la scène médiatique et ecclésiale. L’ancien porte-parole de la Conférence des évêques suisses, aujourd’hui curé de paroisse en ville de Berne, a récemment pris la plume pour raconter son itinéraire personnel et sa vision des réformes pour l’Église.
Sous le titre «trotz allem» (malgré tout), le Fribourgeois ne livre pas seulement son témoignage personnel, et ses souvenirs, il analyse l’état actuel de l’Église et fait des propositions d’avenir.
Après avoir passé le cap des 60 ans, quelle était votre intention au moment de prendre la plume?
Ce livre est d’abord l’expression de la joie d’avoir pu vivre 34 ans au service de l’Église, 20 en tant que laïc et 14 en tant que prêtre. Cette joie m’incite aussi à jeter un regard critique sur ce que j’ai vécu au sein de l’institution. Elle me donne une sorte de responsabilité de dire ce qui ne va bien et ce qui ne va pas. La forme de l’interview permet une lecture plus facile et plus dynamique. Les questions touchent ma vie personnelle et mon parcours pour étayer mes hypothèses ou mes propositions. Mais ce n’est pas du tout un livre scientifique d’un théologien. J’aimerais aussi partager une réflexion plus large, notamment celle du chemin synodal en Allemagne, avec mon regard suisse et ses spécificités ecclésiales. Mon ouvrage est en traduction et pourrait sortir à l’automne en français.
«Je ne te demanderai jamais de devenir prêtre, mais si un jour tu te sens prêt, je t’appellerai»
Mgr Bernard Genoud
L’impression qui se dégage à la lecture de votre témoignage est celle d’une voie solitaire.
Chacun a son propre chemin. Rétrospectivement je constate que j’ai eu beaucoup de chance d’avoir des évêques qui m’ont appelé à quelque chose. Le premier a été Mgr Pierre Mamie qui m’a demandé, en tant que laïc de travailler à l’officialité puis au vicariat épiscopal à Fribourg, puis Mgr Amédée Grab qui m’a appelé à la Conférence des évêques. Mgr Eugenio Correcco m’a invité à faire un doctorat. Puis Mgr Bernard Genoud qui m’a appelé comme chancelier de l’évêché, puis à la prêtrise et dont je suis devenu le vicaire général. Le nonce apostolique qui cherchait un collaborateur à Berne. Enfin pour la dernière étape, Mgr Felix Gmür qui m’a nommé curé de la paroisse Bruder Klaus à Berne.
Enfant, jeune homme, vous pensez à devenir prêtre.
En sortant du collège St-Michel, à Fribourg, en 1981, je m’étais inscrit au séminaire, mais je n’y suis pas entré. Mgr Mamie m’avait alors dit: «Ce n’est pas grave, si Dieu t’appelle vraiment, Il viendra te chercher». Plus tard Mgr Genoud a eu la même attitude en me disant «Je ne te demanderai jamais de devenir prêtre, mais si un jour tu te sens prêt, alors je t’appellerai.» Cela a mûri pendant des années en moi. J’ai pris mon temps.
Un parcours aussi riche que le vôtre, ne va pas sans difficultés, ni contrariétés. Cette joie n’a-t-elle jamais été remise en question?
Si j’avais su ce qui m’attendait, je n’aurais peut-être pas dit oui. Mais je n’ai jamais été seul dans ce que j’ai assumé. Je n’aurais pas pu tenir sans Dieu, sans ma famille et mes amis. Au-delà des attaques que j’ai pu subir, j’ai la conscience apaisée. Je me sens habité et serein.
«Oublier mes vingt ans comme professionnel laïc en Église était comme porter un coup à tout l’engagement de tous les laïcs»
Nicolas Betticher
Vous racontez avoir été l’objet de nombreuses attaques et même des menaces de mort, à quoi l’attribuez-vous?
Cela m’a surpris. On disait «il n’a pas fait le séminaire et l’évêque l’ordonne comme cela». Certes mais j’avais fait toutes mes études de théologie, j’avais travaillé durant vingt ans au service de l’Église à divers niveaux et j’avais encore fait une année de stage pastoral à Tavel. Il m’a semblé qu’oublier ces vingt ans comme professionnel laïc en Église était comme porter un coup à tout l’engagement de tous les laïcs. Cela m’a fait mal oui.
En outre comme j’avais été le porte-parole de la Conférence des évêques suisse (CES), on me connaissait surtout par les médias dans lesquels je devais défendre la position de l’Église. J’avais une image un peu rigide et conservatrice qui ne correspondait pas vraiment à la réalité.
Certains ont vu en vous un ambitieux pressé de s’asseoir sur le siège de Mgr Genoud après son décès.
A postériori, cela me fait sourire. L’ambition est une bonne chose si elle se met au service d’une cause. Croyez-moi, je n’ai jamais eu de plan de carrière. Si tel avait été le cas j’aurais dû devenir prêtre beaucoup plutôt et ne pas être ordonné à plus de 40 ans. Ma ligne a été plutôt de bien faire ce que j’avais à faire. Tout en me laissant surprendre par ce qui m’arrivait.
«Après dix ans dans le diocèse de Bâle, je n’avais quasiment plus de lien avec mon diocèse d’origine de Lausanne, Genève et Fribourg»
Nicolas Betticher
Lorsque Mgr Charles Morerod a décidé de ne pas vous conserver au poste de vicaire général, vous vivez un grand choc.
C’est vrai. Il avait parfaitement le droit de le faire, mais je me suis retrouvé quasiment sans rien du jour au lendemain, après avoir travaillé à l’évêché et comme curé de la cathédrale quasiment sept jours sur sept. J’avais beaucoup à le faire et cela me plaisait.
Avant l’arrivé de Mgr Morerod, j’avais été sollicité par le nonce apostolique en Suisse qui cherchait un collaborateur. Cela a été une porte de sortie. Mais le travail à la nonciature, essentiellement de la traduction, m’occupait qu’à 40%. Le reste du temps, je tournais en rond chez moi, célébrant la messe dans ma cuisine. J’ai vécu une vraie traversée du désert, j’en ai beaucoup souffert, heureusement sans sombrer dans la dépression parce que je restais porté par Dieu, ma famille et mes amis. Petit à petit j’ai proposé mes services dans les paroisses de Berne. Et finalement Mgr Felix Gmür m’a proposé de reprendre la paroisse de Bruder Klaus à Berne où je suis curé depuis six ans.
La dernière étape a été de demander en 2020 votre rattachement au diocèse de Bâle. Avec un goût de revanche?
Après dix ans dans le diocèse de Bâle, j’ai fini par demander mon incardination, car je n’avais quasiment plus de lien avec mon diocèse d’origine de Lausanne Genève et Fribourg. Cela n’a rien d’une revanche, puisque j’aurais pu le faire après cinq ans déjà. Après dix ans et à l’âge de 60 ans cela m’a paru simplement logique. (cath.ch/mp)
Le second volet de cet entretien consacré aux réformes dans l’Église paraîtra le 29 juillet.
Nicolas Betticher
Après son départ de sa charge de vicaire général du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, à fin 2011, Nicolas Betticher avait un peu disparu du devant de la scène médiatique et ecclésiale. Il y revient à travers un livre.