Mgr Zuppi: «Le pape invite à porter un regard spécifique sur chacun»
Le pape François ne demande pas de relativiser l’enseignement de l’Eglise quant aux personnes homosexuelles, mais de le rendre relatif «à la personne concrète, avec sa spécificité», déclare le cardinal Matteo Maria Zuppi, archevêque de Bologne, dans la préface d’un essai paru le 22 mai 2020 en Italie. Selon le prélat, le pape adresse ce conseil «à tous, et pas seulement aux personnes homosexuelles».
Dans Chiesa e omosessualità, Un’inchiesta alla luce dela magistero di papa Francesco (Eglise et homosexualité, une enquête à la lumière du magistère du pape François), publié le 22 mai par les éditions San Paolo, le rédacteur en chef du journal catholique L’Avvenire, Luciano Moia, interroge de nombreux spécialistes de la question de l’homosexualité du point de vue de l’Eglise, ainsi que de nombreux catholiques homosexuels. Dans la préface du livre le journaliste demande au cardinal Zuppi d’éclaircir le message que porte le pape François sur ce sujet.
Selon le cardinal Zuppi, l’invitation lancée par le pape dans son exhortation Amoris Laetitia (2016) au respect et à l’accueil des personnes homosexuelles «s’adresse à tous, et pas seulement aux personnes homosexuelles. Sa démarche consiste non pas à relativiser la Loi de Dieu, mais plutôt à la rendre relative à la personne concrète, avec sa spécificité».
Le pape souhaite simplement que chacun puisse connaître la «plénitude de Dieu […], cette plénitude possible inscrite dans sa propre nature et surtout dans sa propre histoire», considère Mgr Zuppi. «Et la plénitude de la volonté de Dieu pour une personne n’est pas la même pour les autres», explique-t-il.
La diversité de chacun, un don pour les communautés chrétiennes
Le pape François a donc souligné une négligence au sein des communautés chrétiennes, celle d’un manque «[d’]écoute profonde de la personne dans ses situations de vie». Il faut commencer à regarder les gens, homosexuels compris, comme Dieu les regarde, pour qu’ils commencent eux aussi «à se sentir […] membre[s] de la communauté ecclésiale, en chemin».
Il n’est donc pas nécessaire d’avoir une pastorale spécifique aux personnes homosexuelles, tranche le cardinal Zuppi. Au contraire, il faut promouvoir plus généralement un regard spécifique sur les personnes, car «la diversité de chacun est un don pour la richesse de la communauté».
Face aux inquiétudes, le haut prélat s’interroge: «quels sont les risques d’intégrer tout le monde – y compris les homosexuels – dans le ministère pastoral ordinaire?» Selon lui, la charité de Dieu dans la communauté nécessite d’accepter d’être mis à l’épreuve par les conflits que peuvent générer les cas personnels; et ce, quelle que soit l’orientation sexuelle ou le cadre familial.
L’Eglise distingue orientation et actes homosexuels
«La doctrine de l’Eglise distingue entre orientation et actes; ce que nous ne pouvons pas ›accueillir’ est le péché exprimé par un acte», rappelle l’archevêque de Bologne. Mais l’orientation sexuelle, dit-il, – que personne ne ›choisit’ – n’est pas nécessairement un acte, et ne justifie pas une mise au ban de la communauté.
«Et même si une personne mène un style de vie contraire à la loi de Dieu, ne devrions-nous pas l’accueillir?», demande encore le cardinal italien. Prenant exemple sur deux cas célèbres de pécheurs approchés par le Christ, il affirme que «si Jésus avait eu ce critère, avant d’entrer dans la maison de Zachée, il aurait exigé sa conversion. Avant d’accompagner la Samaritaine à l’adoration de Dieu en Esprit et en Vérité, il lui aurait demandé de régulariser sa situation matrimoniale…».
«Une certaine discrimination» reste néanmoins nécessaire et est même souhaitable, souligne le cardinal Zuppi, quand elle met en valeur les différences de chaque personne, et donc son identité propre. «Mais il ne faut jamais oublier que chaque différence est embrassée par l’amour de Dieu qui ne fait pas de discrimination», rappelle-t-il. (cath.ch/imedia/bh)