Mgr Vangheluwe n’a pas «l’impression d’être un pédophile»
Belgique: Les propos de l’ex-évêque de Bruges, sur ses abus sexuels commis, unanimement condamnés
Bruxelles, 15 avril 2011 (Apic) La Conférence des évêques belges, les politiciens et la presse flamande ont violemment réagi, le 15 avril 2011, au lendemain d’une interview télévisée accordée par Mgr Roger Vangheluwe, diffusée sur les chaînes VT4 et VTM. L’ancien évêque de Bruges y a révélé avoir abusé non pas d’un mais de deux de ses neveux, précisant n’avoir «pas du tout l’impression d’être un pédophile». Les faits sont aujourd’hui prescrits.
Dans l’interview diffusée le 14 avril et notamment relatée sur «7sur7.be», l’ex-évêque de Bruges a révélé des abus sur un second neveu, pendant moins d’un an. Il a nié avoir abusé d’une nièce et a précisé que l’ancien primat de l’Eglise catholique belge, le cardinal Godfried Danneels, n’était pas au courant des faits avant que la victime n’en fasse état. «Je n’ai pas du tout l’impression d’être un pédophile. C’était comme une petite relation. Je n’avais pas l’impression que mon neveu y était opposé, bien au contraire», a-t-il dit.
Mgr Vangheluwe a raconté que les abus se sont produits plusieurs fois par an, lorsque la famille lui rendait visite, et qu’ils sont devenus une habitude. Et d’avouer: «Naturellement, je savais que ce n’était pas bien, je l’ai confessé plusieurs fois». L’ancien évêque, qui a versé plusieurs millions de francs à sa famille, en guise de dédommagement, a souligné qu’il ne s’agissait pas «d’une manière d’obtenir le silence».
Faits prescrits
Agé de 74 ans, Mgr Vangheluwe avait présenté sa démission au pape, le 23 avril 2010, après avoir reconnu des abus sexuels sur un neveu mineur, entre 1973 et 1986. Le 9 avril 2011, la nonciature apostolique en Belgique avait rendu publique la décision «provisoire» du Vatican de soumettre le haut prélat à un traitement «spirituel et psychologique» et de l’obliger à quitter le pays.
De son côté, Mgr Vangheluwe ne sait pas s’il doit considérer la décision «provisoire» de Rome à son égard comme une «peine»: «Un psychiatre a été désigné, avec qui je dois m’entretenir régulièrement. Les faits ont cessé il y a 25 ans. J’ai pu vivre avec cela et très bien travailler». Le haut prélat a en outre rappelé qu’il avait présenté ses excuses au nom de l’Eglise. Il a aussi avoué avoir pensé au suicide. Il n’envisage pas de retourner à l’état laïc.
Début avril, le parquet belge, qui était au courant du second abus, avait indiqué que cette affaire pourrait être très prochainement close, en raison de la prescription des faits.
Les évêques stupéfaits et extrêmement choqués
Le 15 avril, dans une déclaration officielle, les évêques de Belgique ont exprimé leur «stupéfaction» suite à cette interview, dont ils souhaitent «expressément» se distancier. «Nous sommes extrêmement choqués de la manière dont Mgr Vangheluwe minimalise et excuse les faits commis et les conséquences pour les victimes, leur famille, les croyants et plus largement toute la société. C’est inacceptable», écrivent les évêques, qui soulignent que Roger Vangheluwe ne semble toujours pas mesurer l’extrême gravité de ses actes. Et d’ajouter: «Le ton de l’interview est en totale contradiction avec les efforts entrepris ces derniers mois pour prendre au sérieux la problématique de l’abus sexuel, écouter les victimes et déterminer les mesures adéquates».
Selon l’épiscopat belge, cette interview ne correspond aucunement à ce qui a été demandé à Mgr Vangheluwe par Rome. «Nous lui faisions confiance concernant son retrait dans le silence à l’étranger, en vue d’une réflexion sur ses actes et du suivi du traitement spirituel et psychologique imposé par Rome». Pour les évêques, cette interview est «extrêmement blessante» pour les victimes, leur famille et tous ceux qui sont confrontés à la problématique de l’abus sexuel. Elle est «une gifle» pour les fidèles, qui sont «indubitablement désespérés et déconcertés».
Appel à la réaction de l’Eglise
Le ministre belge de la Justice Stefaan De Clerck a pour sa part réclamé, dans un communiqué diffusé dans la nuit de 14 au 15 avril, un signal clair de l’Eglise, qui doit agir et mettre fin au comportement «irresponsable» de l’ancien évêque de Bruges, «d’autant plus qu’il apparaît aujourd’hui que les sanctions provisoires, prises à son égard par le Vatican, n’ont pas pu susciter chez lui une prise de conscience de la portée dramatique des actes dont il s’est rendu coupable». Le ministre a jugé «déplacée» l’apparition du haut prélat dans les médias. Pour lui, il s’agit là d’une «gifle à ses victimes et à l’ensemble des victimes mineures d’actes sexuels».
Selon le site «Le Vif.be», le ministre de la Défense Pieter De Crem, lui-même catholique, a regardé l’interview Mgr Vangheluwe «avec stupéfaction et douleur, d’abord pour les victimes». «Il y aura beaucoup de travail, aussi auprès de la base, pour rétablir la confiance», a-t-il déclaré.
La presse s’enflamme
Dans la presse flamande du 15 avril, les propos du haut prélat ont unanimement été jugés «ahurissants et répugnants», a indiqué le site «7sur7.be». «Mgr Vangheluwe est un malade qui ne se rend pas compte de ce qu’il débite et ne montre pas le moindre regret face au mal qu’il a fait», écrit Steven Samyn dans le quotidien «De Morgen». «Choquant, dégoûtant, monstrueux… Quel mot serait finalement le mieux adapté pour décrire les paroles de Roger Vangheluwe?», s’interroge le journaliste.
En outre, les paroles de Mgr Vangheluwe ont donné des «frissons dans le dos» à la journaliste Liesbeth Van Impe. «La seule utilité qu’il reste à cet homme semble de nous rappeler combien le pouvoir peut-être arrogant et aveugle, et que nous ne pouvons plus laisser de tels hommes se croire intouchables», s’insuge-t-elle dans «Het Nieuwsblad». (apic/7sur7/belga/afp/com/nd/bb)