Mgr Ondo Eyene: au Gabon, les sacrifices humains restent une pratique courante
Au Gabon, les sacrifices humains sont aujourd’hui une pratique courante lors certains évènements, affirme Mgr Jean-Vincent Ondo Eyene, archevêque d’Oyem, au nord du pays. Le président de la Commission épiscopale Justice et Paix de la Conférence épiscopale du Gabon (CEG) affirme que ce problème, qui n’existait pas à l’époque de l’indépendance, s’est cependant accentué depuis l’an 2000.
L’Eglise gabonaise, engagée dans la lutte contre les sacrifices humains depuis 2012 aux côtés de l’Association de lutte contre les crimes rituels au Gabon (ALCR), reste «très attentive à ce phénomène», confie-t-il à cath.ch.
Ces crimes se passent surtout au moment des élections ou lors d’autres évènements «un peu particuliers». «Sinon, c’est le calme absolu. C’est pourquoi nous essayons d’être très attentifs à l’approche des élections pour commencer à dénoncer, à faire prendre conscience de ce phénomène aux autorités en place».
Eradiquer le phénomène des «crimes rituels»
L’Eglise catholique, par le biais de sa Commission Justice et Paix, lutte pour que ce phénomène soit éradiqué dans le pays. «Il ne fait pas partie des habitudes culturelles des Gabonais!» Il est dû, à son avis, à l’ouverture du Gabon au reste du monde. «Il va falloir discuter avec les autorités et voir comment y mettre fin. La vie humaine est sacrée et ne peut pas être banalisée».
La CEG dénonce ce phénomène de façon permanente. «Chaque fois que nous constatons que malgré notre dénonciation, il y a encore un crime, nous faisons retentir notre voix pour dire une fois de plus: il faut que ça s’arrête!»
Pour obtenir le succès d’une entreprise
Les «crimes rituels», qui sont des assassinats où le corps est retrouvé mutilé, se pratiquent pour obtenir le succès d’une entreprise, une promotion dans la vie politique ou une haute fonction publique, relève l’ALCR. «L’assassin et le commanditaire sont très rarement arrêtés. Différentes contraintes bloquent l’action judicaire: menaces et pressions contre les familles, corruption des agents de l’Etat, coût trop élevé des procédures ou des autopsies…» Selon l’UNICEF, les victimes de ces crimes sont des enfants dans 70 % des cas.
Au Gabon, les organes, la chair et le sang humain sont censés apporter la réussite ou le pouvoir. Certains sacrifient même leurs proches pour s’assurer la protection d’un parrain, dénonce l’ALCR. «On tue la personne, on récupère ce qu’on appelle ici couramment les pièces détachées, c’est-à-dire les organes du corps que le marabout a demandés. Les corps tués à cette fin sont enterrés quelque part dans la nature et six mois plus tard, on revient pour récupérer les os», affirmait en 2014 sur les ondes de Radio Vatican Jean Elvis Ebang Ondo, président de l’Association de lutte contre les crimes rituels. L’ALCR a relevé, entre 2011 et 2014, le cas d’au moins 157 personnes tuées pour leurs organes, dont 75 enfants, 39 femmes et 43 hommes. JB
Relations très bonnes avec l’islam et l’Eglise protestante
L’Eglise catholique du Gabon compte six diocèses (Libreville, Franceville, Port-Gentil, Oyem, Mouila, et Makokou) et cinq évêques. Un diocèse, celui de Franceville, est toujours sans évêque depuis le décès, l’année dernière, de Mgr Timothée Modibo Nzockena.
Mgr Jean-Vincent Ondo Eyene déclare à cath.ch que la Conférence épiscopale du Gabon (CEG) est «unie et soudée». Ses relations sont «très bonnes» tant avec l’islam qu’avec l’Eglise protestante, «née au Gabon pratiquement au même moment que l’Eglise catholique».
La prolifération des sectes chrétiennes au Gabon n’est pas vraiment une préoccupation à ses yeux: «Quand on parle d’une secte, c’est une petite chapelle quelques fois, sinon, arithmétiquement parlant, je dirais qu’elles ne nous font pas peur pour l’instant». Selon les statistiques des autorités gabonaises de 2015, le pays comptait à cette date plus de 300 églises nouvelles. En 2014, le gouvernement avait décidé d’assainir ce milieu. (cath.ch/ibc/be)