Mgr Morerod et la migration: l’application du droit doit respecter les personnes
Le thème «Migration et identités culturelles en Europe» a été au centre d’un symposium qui a réuni à Berlin le 28 septembre 2016 les présidents des Conférences épiscopales suisse, française et allemande. Pour les évêques européens, le respect de la dignité humaine est «un principe non négociable».
Présent à cette rencontre, Mgr Charles Morerod, président de la Conférence des évêques suisses (CES), dans une interview publiée samedi 1er octobre par le quotidien romand «Le Temps» (voir ci-dessous), évoque la question du droit d’asile dans les églises. En cette période de crise migratoire, l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF) est souvent sollicité afin d’aider des requérants d’asile.
Le respect de la dignité humaine, un principe non négociable
Les présidents des Conférences épiscopales suisse, française et allemande ont organisé un symposium sur un débat actuel dans l’Eglise et la société, la migration. Sur invitation du cardinal Reinhard Marx, archevêque de Munich et Freising, de Mgr Georges Pontier, archevêque de Marseille, et de Mgr Charles Morerod, 50 représentants du monde scientifique et du monde ecclésial, dont onze évêques, se sont réunis à Berlin. Ils ont débattu des défis pour l’Eglise des migrations face aux identités culturelles et religieuses en Europe. L’année dernière, le symposium s’était déroulé à Rome en préparation du Synode des évêques sur le mariage et la famille.
Dans leur déclaration conclusive, les présidents des conférences épiscopales soulignent que «dans tout homme qui cherche protection chez nous, nous reconnaissons l’image de Dieu. Il est indiscutable que des solutions différenciées doivent être trouvées dans chaque pays en sachant toutefois que le respect de la dignité humaine est un principe non négociable».
L’Eglise ne réclame pas de privilèges
Dans les colonnes du quotidien «Le Temps», Laure Lugon Zugravu relève qu’à la veille du symposium de Berlin, Mgr Charles Morerod dînait à côté du ministre fédéral allemand de l’Intérieur, Thomas de Maizière. Le président de la CES a saisi l’occasion pour évoquer le droit d’asile dans les églises: «Je lui ai dit qu’en Suisse certains invoquaient le droit d’asile dans les églises, tel qu’il est reconnu en Allemagne. Je lui ai demandé s’il en était satisfait. Il m’a répondu qu’il n’y a pas à proprement parler de droit, mais une tolérance à certaines conditions».
En d’autres termes, poursuit Mgr Morerod, Thomas de Maizière «ne veut pas que les églises servent de refuges à des personnes hostiles d’une manière ou d’une autre à nos principes et à nos valeurs. Il a de la compréhension vis-à-vis du phénomène pourvu qu’il ne soit pas trop étendu».
A la question de savoir si Mgr Morerod souhaite que le droit d’asile dans les églises soit reconnu en Suisse, l’évêque de LGF précise au quotidien romand que «nous vivons dans un Etat de droit où nous ne réclamons pas de privilèges. Il ne s’agit pas de demander des droits spéciaux pour l’Eglise, mais de voir si l’application humaine du droit respecte les personnes».
L’Europe souffre d’un «vide spirituel»
Evoquant l’objection de conscience, il estime que c’est parfois nécessaire pour éviter que la loi ne s’applique mécaniquement «comme si on entrait les données dans une machine qui déciderait du sort des personnes». Par exemple, avance-t-il, «on peut tout à la fois respecter la loi et se demander s’il est humain de diviser une famille».
Concernant le fait que de nombreux migrants soient de confession musulmane, Mgr Morerod n’y voit pas vraiment une menace sur l’identité chrétienne en Europe. «Si on a la foi chrétienne, on ne peut pas avoir cette peur». Pour le président de la CES, l’impression qui est ressortie du symposium de Berlin est avant tout que le problème est d’abord «un vide spirituel en Europe». Et de déclarer dans «Le Temps»: «Mettons-nous à la place des musulmans qui vivent ou arrivent ici, dans ce qu’ils perçoivent comme un vide: il est naturel qu’ils essayent d’occuper l’espace. La seule chose qu’on puisse leur demander, c’est de respecter nos règles».
Mgr Morerod, tout comme ses confrères français et allemands, constate que le phénomène migratoire est structurel: «la population de l’Europe décroît, alors qu’elle augmente dans un Sud qui voit les images de notre mode de vie». (cath.ch-apic/cef/letemps/be)