Le cardinal a animé une table ronde sur la politique du Vatican pour l’environnement, à l’invitation d’Eglise verte, une initiative de l’archevêque de Cotonou | © Max Savi Carmel
International

Mgr Michaël Czerny, un cardinal au front pour le pape François

A la tête du Dicastère pour le Service de développement humain intégral depuis 2022, Michaël Czerny est l’un des cardinaux les plus proches de François. A 77 ans, celui qui incarne la vision écologique et politique du pape a deux principaux avantages. Il est jésuite comme le pontife et comme canadien d’origine tchèque, sa double culture européenne et américaine le prédestine à la rencontre du monde. cath.ch a suivi le cardinal lors de son déplacement au Bénin et au Soudan du sud. Portrait.

Max Savi Carmel, envoyé spécial à Cotonou

Cotonou le 17 janvier 2024. Aéroport international Bernardin Gantin, du nom du seul cardinal que le pays a connu en près de deux siècles d’évangélisation. Sur le tarmac se trouvent tous les évêques du Bénin ainsi que Mgr Mark Miles, nonce apostolique au Bénin et au Togo. Dans tout le pays, la presse s’est abondamment mobilisée pour couvrir ce périple du cardinal Michaël Czerny. Une visite opportune pour la communication présidentielle d’autant que quelques jours plus tôt, la participation de Patrice Talon, chef de l’État béninois à la fête du Vaudou le 10 janvier a suscité une polémique médiatique. Au point que ce dernier a dû revendiquer à la télévision nationale son «appartenance à l’Eglise catholique».
Dans ce petit pays de l’Afrique de l’Ouest, le cardinal a été reçu avec les honneurs dus à son rang de ministre du Saint-Siège. «Chaleureux et authentique», qualifie-t-il l’accueil au bout d’un périple de quatre jours. Regroupant quatre anciens conseils pontificaux dont celui, influent, de Justice et Paix, son Dicastère est sur plusieurs fronts dont notamment l’écologie et la politique.

Soldat «vert»

«Je parle souvent avec mes interlocuteurs de l’environnement et du climat», révèle le prélat dans un entretien accordé à cath.ch en marge de son entrevue avec le président béninois à Cotonou. «Mais je ne fais ni propagande, ni campagne» nuance-t-il, avec son éternel sourire. Alors que ce visiteur du soir de la Résidence Sainte-Marthe avait préparé dans tous les détails la participation de François à la COP28, le voyage du pontife a été annulé au dernier moment pour des raisons de santé. «Dubaï est un grand pas», observe le cardinal Czerny, reconnaissant volontiers que «l’implication active du pape dans les questions environnementales a une forte répercussion positive dans le monde».

En marge de la table ronde, le cardinal Czerny s’est arrêté à un stand où l’on vend des exemplaires de Laudato si’ | © Max Savi Carmel

Le cardinal a animé une table ronde sur la politique du Vatican pour l’environnement dans le cadre du programme «Eglise Verte», une initiative de l’archevêque de Cotonou (voir encadré). Pour Michaël Czerny, l’Eglise doit maintenir le cap «avec pour socle sa doctrine sociale portée, en ce qui concerne l’écologie par Laudato si’ et Laudate Deum», deux documents du pape François. Il jure déjà être prêt à aller «partout où je serai invité». Mais au-delà du climat dont il est devenu la principale icône à la Curie romaine, la mission du cardinal est aussi hautement politique.

Le bras politique du pape

Au lendemain de son arrivée à Cotonou, le cardinal a reçu les évêques du Togo voisin. Un pays où l’Eglise est extrêmement active dans la vie politique. «Le cardinal est revenu sur l’importance de notre engagement sociopolitique», indique Mgr Nicodème Barrigah. La rencontre a d’ailleurs donné à l’archevêque de Lomé l’idée «d’un plus grand dynamisme du diocèse dans la protection de l’environnement» à travers un projet de «mise en terre massive d’arbres» auquel il travaille pour l’été prochain.

Dimanche 4 février, la cathédrale de Djouba, au Soudan du Sud où s’est rendu le cardinal Czerny après le Bénin, était pleine à craquer. Des hommes politiques du parti au pouvoir et de l’opposition se bousculent pour participer à la messe présidée par Mgr Czerny à Sainte-Thérèse. «Pour la paix, je réitère le message du Saint-Père aux autorités civiles et diplomatiques», s’époumone, devant des dizaines d’ambassadeurs accrédités au Soudan du Sud, le prélat dont le Dicastère intègre le très politique Conseil pontifical Justice et Paix. Un Conseil qui, en République démocratique du Congo (RDC) comme en Côte d’Ivoire, au Cameroun ou en Afrique du Sud met en œuvre l’engagement politique de l’Eglise.

Alors que ces derniers mois, Mgr Czerny est devenu le porte-voix du pape dans de nombreuses contrées de la planète, il n’y a pas de doute que sa multiculturalité est un atout à la rencontre du monde. Il a toute raison de crier au Soudan du Sud, «je me sens chez moi parmi les Soudanais».

Michael Czerny a présidé la messe à l’église Saint-Michel de Cotonou | © Max Savi Carmel

Un jésuite multiculturel

Né en Tchécoslovaquie, il a grandi au Canada et est resté très attaché aux deux pays. «Plus canadien tout de même», constate-t-on au Palais San Callisto où trône au cœur de Rome son Dicastère. De l’avis général, «appartenir à plusieurs cultures tempère son approche du monde», témoigne un de ses collaborateurs européen pour qui «le cardinal aborde ainsi les situations sans arrière-pensées».

Avec le pape, c’est une longue histoire, ils sont avant tout issus de la Compagnie des jésuites. Les deux hommes se connaissent depuis «une trentaine d’années» et en tant qu’archevêque de Buenos Aires, le futur pape François nourrissait beaucoup d’intérêt pour le Forum jésuite pour la foi et la justice qu’a dirigé Michaël Czerny à Toronto pendant une décennie jusqu’en 1989. Le climat, l’engagement politique des catholiques, l’immigration, les droits de l’homme, l’aide aux plus démunis à travers l’ex Conseil pontifical Cor unum, le cardinal coordonne «toutes les grandes priorités du pontife argentin» pour le gouvernement du Saint Siège.

Economie durable

Le nouvel enjeu du pape, l’Economie durable est le principal défi du préfet du Dicastère pour le Service humain intégral. «Une économie qui intègre davantage la dignité humaine», tranche Michaël Czerny. Le ministre du développement du Vatican porte, là encore, la détermination du pape à construire un monde porté par la fraternité. Et pour y arriver, le souverain pontife compte sur ‘l’Economie de François’, un réseau de jeunes économistes et entrepreneurs, aujourd’hui présents dans plus de 150 pays que chapeaute le Dicastère du cardinal Czerny.

Fin janvier, en lui attribuant le prix Klaus Hemmerle, le Mouvement des Focolari a rappelé la pertinence de cette économie durable. Si beaucoup reste à faire sur la question, Michaël Czerny l’avoue, «les petits pas aboutissent aux grandes réalisations». Ordonné évêque par le pape en personne le 4 octobre 2019, puis créé cardinal le lendemain, le canado-tchèque est apparu ces dernières années comme un des ‘papabili’. Une perspective qu’il déteste évoquer, «le plus important est de se concentrer sur l’essentiel pour faire avancer les priorités du pape» esquisse-t-il. (cath.ch/msc/bh)

Un Canadien né en Tchécoslovaquie
Michaël Czerny est né le 18 juillet 1946 à Brno, actuelle Tchéquie avant d’être ordonné prêtre en 1973 pour la province des Jésuites du Canada. En 1979, il fonde le Forum jésuite pour la foi et la justice. Il sera missionnaire en Amérique latine puis en Afrique entre 1990 et 2010, année où il entre à la Commission Justice et Paix. Dès la création en 2016 du Dicastère pour le Service de développement humain intégral, il y est nommé sous-secrétaire par le pape François. Créé cardinal le 05 octobre 2019, il sera ordonné évêque la veille. Depuis avril 2022, il a remplacé le ghanéen Peter Turkson à la tête dudit Dicastère. MSC

Eglise Verte
Ce programme vise à contribuer à la préservation de notre Maison commune, à travers l’éducation à l’écocitoyenneté, la préservation de l’environnement, la lutte contre les changements climatiques, dans une dynamique très participative. A cours terme, il s’agit de promouvoir l’éducation à la protection de l’environnement au sein des communautés de l’archidiocèse de Cotonou et d’assurer une gestion innovante des ordures et déchets. A long terme, il permettra d’assurer la promotion des énergies renouvelables et l’aménagement écologique des espaces et structures de l’archidiocèse dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques. Le programme vise aussi à assurer le label Eglise verte à l’archidiocèse de Cotonou. VN

Le cardinal a animé une table ronde sur la politique du Vatican pour l’environnement, à l’invitation d’Eglise verte, une initiative de l’archevêque de Cotonou | © Max Savi Carmel
11 février 2024 | 17:00
par Max Savi Carmel
Temps de lecture : env. 5  min.
Partagez!