Mgr Kurt Koch: «A Noël, Dieu se met à la hauteur de nos yeux d'humain»
«Nous avons toujours l’impression que la situation doit être positive pour que nous puissions fêter Noël. Mais ce n’était pas le cas il y a 2000 ans!», affirme à kath.ch le cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens. Il évoque le sens de Noël en période de pandémie et revient sur le message chrétien de Noël.
Raphaël Rauch/Kath.ch – traduction et adaptation Carole Pirker
Vous venez du canton de Lucerne. En ville Lucerne, les prêtres ne voulaient pas célébrer l’Eucharistie la veille de Noël, jusqu’à ce que votre successeur, l’évêque Felix Gmür, y mette le holà.
La messe fait partie de la veille de Noël. Jésus est né à Bethléem. Bethléem signifie «la maison du pain». La mémoire de l’incarnation historique du fils de Dieu et l’incarnation eucharistique du pain sont indissolublement liées. Saint François d’Assise, en particulier, a profondément compris ce lien. Il est donc impossible de se passer de l’eucharistie la veille de Noël. C’est pourquoi je suis reconnaissant à Mgr Felix Gmür pour sa prise de position claire à ce propos.
Pour beaucoup, 2020 sera le Noël le plus triste de leur vie en raison du coronavirus.
Nous avons toujours l’impression que la situation doit être positive pour que nous puissions fêter Noël. Mais ce n’était pas le cas il y a 2000 ans! A cette époque aussi, la situation n’était guère brillante et joyeuse. Il suffit de penser à la recherche d’une auberge, à l’étable à Bethléem et à la fuite de la sainte famille en Egypte. Pourtant, dans ces ténèbres, Dieu a apporté sa lumière. Cela vaut aussi pour aujourd’hui: la lumière de Dieu vient même dans l’obscurité causée par la pandémie. Nous, les humains, ne pouvons de toute façon pas décréter Noël. C’est toujours un don qui vient de Dieu, même et surtout en période de ténèbres.
«Nous, les humains, ne pouvons de toute façon pas décréter Noël. C’est toujours un don qui vient de Dieu.»
D’où tirez-vous cette certitude?
Dans l’Evangile de Jean, Jésus dit: «Dans le monde, vous êtes dans la détresse; mais prenez courage: j’ai vaincu le monde» (Jean 16:33). Ici, les deux vont ensemble: Jésus prend les craintes des humains très au sérieux et les exprime avec réalisme. Mais en même temps, il donne la promesse réconfortante de sa proximité, qui nous aide à surmonter nos peurs grâce à la confiance qu’il éveille en nous.
Vous avez déjà prêché des dizaines de fois à Noël. Avez-vous du mal à interpréter Noël d’une manière nouvelle?
Non, parce que Noël nous offre un très beau message. Nous sommes les témoins du grand miracle de Dieu qui se fait homme. Je pense à la déclaration profonde du théologien et moine cistercien du 12è siècle, Guillaume de Saint-Thierry. Il constatait que la grandeur et la majesté de Dieu ont toujours poussé les gens à lui résister parce qu’ils avaient le sentiment que leur liberté était menacée. C’est pourquoi Dieu a décidé de s’incarner en enfant, pour se montrer petit et faible vis-à-vis des hommes, afin qu’ils ne se sentent plus menacés, mais puissent au contraire vraiment l’aimer. C’est un message très profond: Dieu se met à la hauteur de nos yeux d’humain, afin que nous puissions lui dire «Tu» et nous sentir ainsi libérés. Parce que Noël dit: «Seul l’amour nous sauve!»
«Dieu a décidé de s’incarner en enfant, pour se montrer petit et faible vis-à-vis des hommes, afin qu’ils ne se sentent plus menacés.»
Allez-vous célébrer Noël différemment cette année?
Cette année encore, je serai à Rome et je célébrerai la messe dans l’église du Campo Santo Teutonico. Il existe à Rome de nombreux catholiques germanophones qui parlent bien l’italien, mais qui aiment célébrer à Noël la messe dans leur langue maternelle. Normalement, je vais après cela aussi à la messe avec le pape François. Cependant, cette année, en raison des mesures liées au coronavirus, la messe de minuit est prévue très tôt. De plus, le nombre de fidèles présents est limité.
La pandémie soulève aussi la question de comprendre comment Dieu peut-il permettre tout cela…
C’est sans doute la question la plus difficile qui soit. Cependant, la foi chrétienne nous amène à nous interroger en permanence non seulement sur le «pourquoi», mais aussi sur le «pour quoi». Je trouve le vrai guide pour faire face au mal dans la prière du Notre Père: «Délivrez-nous du mal». Elle exprime l’espoir que le mal n’aura finalement aucune permanence en soi, mais qu’il sera vaincu par Dieu. Les dernières paroles sont ici aussi celles de la rédemption, du salut.
Depuis la pandémie, la théologie de la vulnérabilité connaît un essor important. Qu’est-ce qu’elle vous dit – à part que Dieu est vulnérable parce qu’il vient au monde en tant qu’enfant ayant besoin de protection et qu’il mourra sur la croix?
La crise du coronavirus nous fait douloureusement prendre conscience que nous, les humains, ne sommes pas autonomes et omnipotents, mais très vulnérables et fragiles. Normalement, nous sommes de grands artistes pour sublimer les expériences de peur, de douleur et de souffrance. Une grande partie de ce que nous avons tendance à dissimuler dans la vie quotidienne est rendue visible par le coronavirus. Nous sommes mis au défi de faire face à ces réalités, même la plus fondamentale: à savoir qu’au milieu de la vie, nous sommes cernés par la mort. (cath.ch/kath.ch/rr/cp)