Mgr Hinder: améliorations pour les chrétiens de la Péninsule arabique
Le vicaire apostolique émérite d’Arabie du Sud constate de légères améliorations pour les chrétiens dans la plupart des pays la Péninsule arabique. Mais, rappelle Mgr Paul Hinder, l’activité missionnaire et le baptême de musulmans autochtones y restent strictement interdits.
Dans le dernier numéro du magazine autrichien «Information Christlicher Orient» (ICO), le capucin thurgovien, qui a fêté ses 80 ans le 22 avril 2022 et dont le pape François a accepté la démission pour raison d’âge le 1er mai dernier, relève que l’action de l’Église dans cette région est essentiellement la pastorale des migrants.
Jusqu’à trois millions de catholiques
L’Eglise catholique dans la Péninsule arabique musulmane compte entre deux millions et demi et trois millions de fidèles de plus de 100 nationalités. S’il est interdit de faire du prosélytisme auprès des musulmans, les conversions de non-musulmans sont toutefois assez fréquentes, souligne le vicaire apostolique émérite d’Arabie méridionale (AVOSA), comprenant les Emirats Arabes Unis, Oman et le Yémen. L’AVONA, de son côté, comprend le Koweït, Bahreïn, le Qatar et l’Arabie saoudite.
Dans les deux entités ecclésiastiques – l’AVOSA et l’AVONA – travaillent majoritairement des prêtres capucins et d’autres religieux, soit quelque 70 prêtres dans le vicariat du sud et environ 65 dans le vicariat du nord. Depuis le 19e siècle, il est courant que les évêques catholiques d’Arabie soient issus de l’ordre des capucins.
Visite du pape François au Bahreïn en novembre ?
Lors de son voyage de retour du Kazakhstan, le pape François a annoncé vouloir se rendre dans le royaume de Bahreïn en novembre prochain, où il pourrait visiter la première cathédrale du pays, Notre-Dame d’Arabie, à Awali, consacrée le 10 décembre 2021. L’occasion, pour Mgr Hinder, de commenter la situation actuelle des chrétiens dans la Péninsule arabique, la situation des droits de l’homme dans la perspective de la Coupe du monde de football au Qatar, la guerre au Yémen, et de relever ce qu’a apporté la visite du pape François en 2019 à Abu Dhabi. Le capucin suisse est depuis mai 2020 administrateur apostolique du Vicariat apostolique de l’Arabie du Nord (AVONA) suite au décès du vicaire apostolique Mgr Camillo Ballin.
Concernant Bahreïn, Mgr Hinder souligne que le royaume mène depuis longtemps une politique religieuse assez libérale, concédant par exemple l’octroi de la citoyenneté à certains chrétiens. Quelques autres pays, notamment les Émirats Arabes Unis, ont également considérablement amélioré les conditions générales pour les chrétiens au cours des dernières décennies.
Au Bahreïn, une politique religieuse assez libérale
Mgr Hinder relève que l’action de l’Eglise, au-delà de l’encadrement pastoral des fidèles au sein des paroisses, n’est en général ni souhaitée ni autorisée. Mais des activités caritatives à bas seuil sont menées de manière assez intensive par certains groupes ou associations dans les paroisses.
Il existe également quelques écoles gérées par l’Église, poursuit-il: aux Émirats Arabes Unis, sept écoles sont gérées par l’Église et une au Bahreïn. A côté de cela, il y a huit écoles privées sous la responsabilité de congrégations dans les Emirats Arabes Unis et au Koweït. Par contre, il n’y a pas à ce jour d’autres institutions, comme par exemple des universités ou des hôpitaux, qui seraient sous la direction de l’Eglise.
En Arabie saoudite, la situation est la plus problématique
C’est toujours en Arabie saoudite que la situation est la plus problématique «même si une certaine détente s’y est produite au cours des 15 dernières années». Dans ce pays, les compétences de la police religieuse – la Mutawa, appelée aussi Comité pour la Promotion de la Vertu et la Prévention du Vice – ont toutefois été réduites
Le capucin suisse affirme que les chrétiens sont autorisés à se réunir pour le culte dans un cadre privé, mais ils doivent veiller à ce que leur nombre ne dépasse généralement pas 50. Ils doivent faire attention à ne pas déranger la population locale, par exemple en chantant et en jouant de la musique ou en garant leur véhicule sur leur terrain.
Pas d’églises, mais des communautés vivantes
Depuis des années, plusieurs prêtres sont actifs dans cet immense pays parmi les fidèles catholiques, organisés en quatre paroisses avec des antennes. «Il n’y a pas d’églises en pierre ou en béton, mais des communautés assez vivantes qui vivent et célèbrent discrètement leur foi», poursuit l’évêque.
Situation extrêmement difficile au Yémen
La situation des quelques chrétiens vivant encore au Yémen est actuellement la plus difficile en raison de la guerre. Avant le début des hostilités en mars 2015, Mgr Hinder se rendait chaque année au moins une fois dans les quatre paroisses du pays. Mais depuis, ce n’est plus possible.
Début mars 2016, à Aden, les religieuses et les collaborateurs travaillant dans un hospice tenu par les Sœurs de la Charité de Mère Teresa ont été attaqués et la plupart d’entre eux ont été tués. Le Père salésien Tom Uzhunnalil a été enlevé et libéré seulement après 18 mois de captivité. Depuis, la vie paroissiale a cessé à Aden et à Taiz. Actuellement, huit religieuses vivent et travaillent à Sanaa et à Hodeïda. Elles continuent à gérer deux des quatre foyers pour handicapés qui existaient à l’origine. Les sœurs et les quelques fidèles restés sur place sont soutenus par un prêtre.
Les effets durables la visite du pape François à Abu Dhabi
Mgr Hinder considère que la visite du pape François à Abu Dhabi en février 2019 a eu des répercussions durables. Sa visite n’a pas seulement été un événement positif pour les chrétiens, mais a aussi déclenché de nouvelles initiatives dans le sillage du document sur la fraternité humaine, pour la paix dans le monde et la coexistence commune signé à cette occasion par le pape François et le grand imam d’al-Azhar, l’Egyptien Ahmad al-Tayeb. Toutefois, à peine un an plus tard, la pandémie a mis un frein à de nombreuses activités. «Je pars du principe que dans les mois et les années à venir, les forums de dialogue entamés dans la Péninsule arabique seront repris et donneront un nouvel élan aux initiatives de compréhension mutuelle», poursuit-il.
Qatar, une Coupe du monde de football discutable
L’évêque s’est par contre montré très sceptique sur la question de savoir dans quelle mesure la prochaine Coupe du monde de football au Qatar pourrait avoir des répercussions positives sur la région en termes de droits de l’homme et de démocratie. «Je me demande bien sûr si les droits de l’homme ont déjà été améliorés dans un quelconque pays du monde dans le cadre de la Coupe du monde ou des Jeux olympiques», a-t-il lâché.
Le fait que l’opinion publique mondiale y regarde de plus près peut avoir un effet positif temporaire, «mais nous ne devons pas nous faire trop d’illusions !» Des puissances mondiales comme la Chine et la Russie ne devraient pas trop s’intéresser à cette thématique et «les Etats-Unis ne sont pas non plus un modèle à tous égards en matière de droits de l’homme…» (cath.ch/kathpress/be)
Un Suisse dans la Péninsule arabique
Mgr Paul Hinder est né le 22 avril 1942 à Lanterswil-Stehrenberg, dans le canton de Thurgovie. Frère capucin, il a été ordonné prêtre le 4 juillet 1967. Il a été ordonné évêque le 30 janvier 2004, avant d’être nommé vicaire apostolique d’Arabie le 21 mars 2005, succédant à Mgr Giovanni Bernardo Gremoli, également capucin, qui avait démissionné pour raison d’âge. Lors du partage de la Péninsule en deux vicariats, Mgr Hinder est devenu vicaire apostolique d’Arabie du Sud (AVOSA) le 31 mai 2011, avec pour siège la cathédrale St-Joseph, à Abou Dhabi.
En charge jusqu’en 2022 du vicariat apostolique d’Arabie du Sud (couvrant les Emirats Arabes Unis, Oman et le Yémen), il a été remplacé par Mgr Paolo Martinelli, un capucin italien de 63 ans. Ce dernier a été solennellement installé dans ses fonctions début juillet dans la cathédrale Saint-Joseph d’Abu Dhabi. Mgr Hinder est resté, à titre intérimaire, jusqu’à ce qu’un successeur soit également trouvé, à la tête du vicariat apostolique d’Arabie du Nord AVONA (Koweït, Bahreïn, Qatar et Arabie saoudite), depuis le décès de Mgr Camillo Ballin, le 12 avril 2020. JB